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#2pseud Suzi S.-Un gouvernement transparent... vraiment?

Le 2 mai 2012, dans une volonté d’améliorer les services publics le gouvernement du Québec s’est engagé à devenir un gouvernement ouvert et transparent favorisant ainsi la reddition de comptes. Ses objectifs : accroître la transparence du gouvernement en offrant un accès libre, facile et gratuit à l’information gouvernementale par le biais d’un site web; accroître la participation citoyenne pour améliorer la qualité des services publics dont elle bénéficie en lui permettant de contribuer à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation des services offerts; et, accroître la collaboration avec les différents acteurs gouvernementaux afin d’améliorer la qualité et l’efficacité des services publics. Le gouvernement du Québec indique dans sa déclaration : « Nous nous engageons à renforcer nos efforts de reddition de comptes par la publication de données relatives aux dépenses publiques et aux résultats des activités gouvernementales. La mise en place de tableaux de bord interactifs permettra à la population de suivre l’évolution des échéanciers et des budgets alloués aux grands projets gouvernementaux, et ce, en toute transparence. »[1] En toute transparence… vraiment?

 

Cette initiative se base sur les principes fondamentaux du gouvernement ouvert, soit la transparence, la participation et la collaboration. Dans un communiqué de presse daté du 2 mai 2012, l’ancienne ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor, Mme Michelle Courchesne, annonçait la mise en place d’un tableau de bord sur l'état de santé des projets informatiques. « Ce tableau de bord qui sera mis à jour sur une base continue permettra de suivre l'évolution des dépenses du gouvernement dans les projets informatiques en toute transparence. Les citoyens, les parlementaires et les journalistes pourront donc vérifier le respect des échéanciers et des budgets octroyés à ces projets(…) ».[2]

 

Le gouvernement ouvert est une tendance mondiale. Les données ouvertes sont une façon de démontrer la transparence des actions et des décisions de nos institutions gouvernementales. Toutefois, les administrateurs publics et les fonctionnaires sont réticents à fournir de telles informations et craignent de perdre le contrôle sur les données ou à divulguer publiquement certains projets à caractères commerciaux.

 

Le 15 mars 2013, nous apprenions dans un article du journal Le Devoir que « le Conseil du trésor manipule des données pour donner un portrait embelli des dépenses publiques ».[3] Le Secrétariat du Conseil du trésor est accusé de falsifier les données diffusées aux citoyens sur le site du Tableau de bord sur l’état de santé des projets en ressources informationnelles de l’administration publique. Ce tableau de bord répertorie tous les projets en ressources informationnelles de 100 000 $ ou plus, en phase de réalisation, d’implantation ou de rodage dans les organismes publics sur la base de la portée, de l’échéancier et des coûts des projets. Les données présentées proviennent directement des organismes publics, lesquels sont imputables de leurs projets.

 

Cet article indique que les données présentées par les organismes publics sont parfois manipulées avant d’être publiées « afin de présenter une image lustrée de l’avancement des projets technologiques du gouvernement. » Les données du tableau de bord laissent croire que 96,6 % des projets informatiques du gouvernement sont réalisés et implantés dans les délais et coûts prévus. Statistique peu probable si on se fie à tous ces projets à l’échelle nationale, provinciale ou municipale qui tardent ou ne voient jamais le jour. N’est-ce pas une démarche qui va à l’encontre de l’esprit d’un gouvernement ouvert et transparent? Ces tableaux de bord sont-ils réellement mis en place pour laisser croire à une véritable reddition de comptes?

 

L’organisation publique pour laquelle je travaille fait partie de celles qui doivent publier l’état de santé de ses projets informatiques. Malgré le fait qu’un des projets accuse près d’un an de retard quant à son échéancier, un fonctionnaire nous a fortement encouragés à indiquer que le projet progresse comme prévu. Ce ne fut donc pas avec grande surprise que j’ai appris que l’État fait de la « désinformation numérique ».

 

Le Québec devrait prendre exemple sur nos voisins du sud. Les tableaux de bord américains (Recovery.gov) sont construits à partir de données brutes provenant des systèmes comptables et des systèmes de suivis des projets des organismes publics.  Cette façon de faire évite toute intervention et manipulation humaine des sources de données… définition même de la transparence.

 

La gestion des organisations publiques est grandement scrutée et examinée par les médias et les citoyens qui exigent de la transparence et des résultats.  « La transparence apparaît maintenant comme une valeur de toute première importance des sociétés démocratiques, valeur que les citoyens à juste titre revendiquent comme un droit. Le (…) gouvernement devrait s’imposer un devoir de bien les renseigner et les administrateurs publics devraient adopter des standards élevés eu égard au respect de la vérité. »[4]

 

L’imputabilité et la reddition de compte sont des mécanismes de responsabilisation envers les élus mais également envers les citoyens. Ces mécanismes font « appels à la responsabilité de chaque administrateurs publics de répondre de ses gestes et de ses choix à ses supérieurs (les ministres) et, éventuellement, à la population. »[5] Le gouvernement doit donc avoir le courage de fournir aux Québécois une information qui ne soit pas manipulée et embellie afin de restaurer la confiance en l’administration publique.

 

Les données ouvertes doivent être brutes pour être crédibles. Il faut mettre en place des directives et des règles claires qui vont assurer avant tout la qualité et la validité des données disponibles. Mais avant tout, une question plus profonde se pose. Quelle est la réelle intention du gouvernement : rendre disponible de simples informations pour les citoyens ou bien rendre disponible des informations pertinentes qui aideront la population à surveiller les agissements du gouvernement et à les outiller pour prendre des décisions éclairées?

 

Publié par Suzy Sue



[1] Gouvernement ouvert, « Déclaration du gouvernement du Québec » [en ligne], http://www.donnees.gouv.qc.ca/?node=/declaration

 

[2]Portail Québec, « Le gouvernement du Québec s'engage sur la voie du gouvernement ouvert » [en ligne], http://communiques.gouv.qc.ca/gouvqc/communiques/GPQF/Mai2012/02/c3483.html

 

[3] LE DEVOIR, 15 mars 2013, « Québec accusé de désinformation numérique » [en ligne], http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/373360/quebec-accuse-de-desinformation-numerique

 

[4] MICHAUD, N. et coll. (2011). Secrets d’États? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains, chap. 21, p. 499.

 

[5] MICHAUD, N. et coll. (2011). Secrets d’États? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains, chap. 20, p. 468.

Commentaires

  • La transparence a des exigences incontournables. Se le rappeller a une valeur plus grande que la transparence elle-même.
    Prof

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