Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blogue #2 - Gopinath J. - De quel droit le Québec fait-il ses relations internationales?

La réponse simplifiée à cette question serait : d’aucun droit. En effet, aucune loi canadienne ne permet à ses provinces ou territoires de développer des relations internationales. Qui plus est, aucune loi l’interdit non plus. C’est grâce à un merveilleux vide juridique dans la Constitution de 1867 et dans le Statut de Westminster de 1931 que les États fédérés du Canada cultivent leurs activités étrangères. Toutefois, l’explication ne s’arrête pas là. Pour comprendre la prolifération des activités internationales du Québec, il faut remonter à l’ère de la Révolution tranquille. Dans le courant des agitations sociales et du renouveau de l’identité québécoise, le vice-premier ministre du Québec s’adresse à un groupe consulaire à Montréal, le 12 avril 1965. M. Paul Gérin-Lajoie déclare alors que le Québec veut désormais avoir l’autorité d’agir sur la « scène internationale dans le domaine de ses compétences constitutionnelles » (Paquin, 2006, 31). En d’autres termes, on parlera du « prolongement externe des compétences internes » (Michaud, 2006, 263). Cette déclaration unilatérale nationaliste a surpris plus d’un; d’abord, la population, ensuite, le gouvernement fédéral et finalement, le premier ministre québécois de l’époque. En effet, Jean Lesage qui n’avait pas été mis au courant de l’intention de son second (en raison de problèmes techniques) a été pris par surprise par les journalistes alors qu’il revenait de ses vacances en Floride. Sans contredire son vice-premier ministre, il déclara que « Gérin-Lajoie n’avait fait qu’exprimer la politique du gouvernement » (Morin, 1987, 32). On parle d’une solidarité ministérielle! Le coup d’envoi a été fait. Le Québec venait de se doter d’une base juridique sur laquelle il fonderait ses actions internationales. Cette formulation fortuite est encore, de nos jours, la pierre angulaire sur laquelle le gouvernement du Québec se base pour mener ses relations internationales, indépendamment de sa couleur politique.

 Avec le temps, les activités internationales du Québec se sont transformées en une véritable paradiplomatie. Autrement dit, le Québec s’est mis à élaborer une diplomatie parallèle à celle du Canada sans pourtant l’irriter ou la transgresser. Plusieurs facteurs peuvent expliquer les causes de cette paradiplomatie québécoise et, a fortiori, la poursuite de ses ambitions à l’international. L’expansion de l’État central (le Canada qui s’ingère dans des dossiers initialement de compétence provinciale), la mondialisation (l’ouverture des marchés et la concurrence internationale), le développement du régionalisme (le développement économique des États subétatiques d’une même région) et le nationalise (la volonté de marquer son identité dans un contexte d’américanité) sont quatre facteurs à considérer (Paquin, 2004, 34).

Prenons le cas de la sécurité transfrontalière pour illustrer concrètement la capacité du Québec. Nous nous souvenons tous des évènements du 11 septembre 2001 à New York et à Washington. Cependant, la plupart d’entre nous ignorons ses impacts ressentis le 12 septembre 2012 : fermeture de la frontière canado-américaine, pertes économiques incommensurables,  congestion routière, etc. Rapidement, les gouvernements des États occidentaux ont adopté des mesures extraordinaires pour limiter les dégâts et éviter le pire. Les États-Unis ont improvisé des plans d’urgence, resserré leurs mesures de sécurité nationale, créé le Homeland Security et renforcé leur partenariat stratégique dans le but de prévenir toutes répliques potentielles.

Le Québec a aussi abordé dans le même sens en initiant plusieurs actions : actualisation de la législation, investissement dans les infrastructures douanières, création d’un centre de gestion intégrée de l’information de sécurité, etc. (gouvernement du Québec, 2006) Dans la foulée de ces initiatives, en 2006, le ministère des Relations internationales du Québec (MRI) publie sa politique de sécurité internationale, La politique internationale du Québec. La force de l’action concertée, un document de plus de 100 pages dont un chapitre est entièrement dédié à la sécurité et deux autres à la prospérité et à sa capacité d’action (Leblond, 2010, 193). En 2010, le MRI publie sa Stratégie du gouvernement du Québec à l’égard des États-Unis où il étaye plusieurs autres contributions qu’il compte apporter d’ici 2013 : émission de permis de conduire Plus, exercice de simulation de crise, durcissement des frontières, etc. (Stratégie du gouvernement du Québec à l’égard des États-Unis, 2010, 29)

C’était la première fois depuis son ascension sur la scène internationale que le Québec affirmait unilatéralement son désir de « contribuer à la sécurité nord-américaine ». Il l’a fait dans le cadre de ses compétences et sans empiéter sur la prérogative fédérale d’assurer la défense de l’État. Pour le moins que l’on puisse dire, c’est avec brio que le Québec exerce sa paradiplomatie, d’une part, pour faire valoir ses intérêts et d’autre part, pour s’illustrer comme un acteur important sur la scène mondiale.

Comme nous venons de le démontrer, le Québec trace un chemin exemplaire à adopter, à d’autres États fédérés canadiens et étrangers, qui sont en quête d’une renaissance sur la scène internationale. Il agit avec prudence, mais aussi avec ambition dans des secteurs qui relèvent a priori de la compétence fédérale, comme le secteur de la sécurité nationale. Pour ce faire, il déroule une paradiplomatie teintée de ses intérêts, mais non à l’encontre de son État central et se débrouille adroitement. C’est agissant de la sorte que le Québec est, actuellement, un des États fédérés ayant une diplomatie active au monde et détenant plusieurs représentations internationales.

___

MICHAUD, Nelson (2006). « La doctrine Gérin-Lajoie », dans Stéphane Paquin (dir.), Histoire des relations internationales du Québec, Montréal, VLB Éditeur, pp. 263-277.

MORIN, Claude (1987). L’art de l’impossible. La diplomatie québécoise depuis 1960, Montréal, Boréal, 476 p.

PAQUIN, Stéphane (2004). « Paradiplomatie et relations internationales : Théorie des stratégies internationales des régions face à la mondialisation », Bruxelles, P.I.E.-Peter Lang, 189 p. 

PAQUIN, Stéphane (2006). « Sous Lesage », dans Stéphane Paquin (dir.), Histoire des relations internationales du Québec, Montréal, VLB Éditeur, pp. 23-39 

QUÉBEC. MINISTÈRE DES RELATIONS INTERNATIONALES (2006). La politique internationale du Québec. La force de l’action concertée, Québec 

QUÉBEC. MINISTÈRE DES RELATIONS INTERNATIONALES (2006). Québec : un partenaire nord-américain en sécurité, Québec.

QUÉBEC. MINISTÈRE DES RELATIONS INTERNATIONALES (2008). Le Québec : un acteur important pour la sécurité du continent nord-américain, Québec.

QUÉBEC. MINISTÈRE DES RELATIONS INTERNATIONALES (2010). Stratégie du gouvernement du Québec à l’égard des États-Unis, Québec.

 

Commentaires

  • Nous voilà avec un bon blog de Gopinath à lire et triturer.
    Déjà l'effort mérite d'être souligné. En administration publique trop peu de personnes prennent la parole publique sur
    des sujets qui touchent toute la collectivité.
    Un même commentaire ...non moins méritoire Gopinah

  • Bien reçu Gopinath . Maintenant le plaisir de lire et de...la correction. Bonne suites. Prof

Les commentaires sont fermés.