Blogue #2 - Samuel Marcoux - Discussion sur le rôle de l’État québécois au niveau international
Discussion sur le rôle de l’État québécois au niveau international
Mis en ligne le 5 décembre 2012
Malgré que les relations internationales soient de compétence fédérale, le gouvernement du Québec s’est doté d’un ministère des Relations internationales, Francophonie et Commerce extérieur. Le réseau de représentation du Québec à l’étranger comprend sept délégations générales, cinq délégations, dix bureaux, quatre antennes et deux représentations en affaire multilatérales. (MRIFCE, page consultée le 1er décembre 2012) Comment expliquer qu’une province de la fédération canadienne mette sur pied une aussi vaste organisation internationale? C’est le partage des pouvoirs de la Constitution canadienne qui a ouvert la porte à l’expansion du rôle international du Québec. Nous verrons que le développement de cette particularité de l’État québécois s’est effectué en trois temps.
Premièrement, la fondation de la présence internationale du Québec se produit entre 1965 et 1985. C’est l’arrêt de 1923 du Comité judiciaire du Conseil privé qui la légitimise en reconnaissant la « pleine responsabilité des provinces vis-à-vis de l’application des traités internationaux dans leurs champs de compétence. » (Michaud, 2011, p.740) Le besoin de signer des ententes avec d’autres gouvernements pour aller chercher l’expertise de fonctionnaires afin de mettre sur pied la fonction publique québécoise et moderniser le rôle de l’État lors de la Révolution tranquille a été le point de départ de cette tendance. C’est la doctrine Gérin-Lajoie a qui permis la création du ministère des Affaires intergouvernementales en 1967. Malgré la reconnaissance de la France et de quelques pays africains, le gouvernement fédéral était fermement opposé à reconnaitre au Québec des droits de représentation au niveau multinational. En 1985, le premier ministre québécois, Pierre-Marc Johnson, et le premier ministre canadien, Brian Mulroney, signèrent une entente qui mènera à la création de l’Organisation internationale de la francophonie où le Québec siègera de façon indépendante. La même année, le gouvernement québécois formule son premier énoncé de politique. Donc, la période de fondation de relations internationales, qui s’étend de 1965 à 1985, est caractérisée par une prise en charge ponctuelle du Québec vis-à-vis ses responsabilités au niveau mondial. (Michaud, 2011, p.740 -741)
La seconde période du développement de la compétence internationale de l’État québécois est la consolidation qui eut lieu entre 1985 et 2002. Lorsque les libéraux de Robert Bourassa arrivèrent au pouvoir en 1985, ils organisèrent de manière plus structurée les relations internationales de l’État québécois. Ils précisèrent leurs intentions dans un nouvel énoncé de politique et ils restructurèrent le ministère. Le nom changea en 1988 pour devenir le Ministère des Affaires internationales. Un troisième énoncé de politique fût écrit en 2001; il précisa les « intérêts internationaux du Québec, les enjeux et les orientations privilégiées. » (Michaud, 2011, p.742) De plus, ce document utilisa pour la première fois le terme de « politique étrangère ». Il traduisait une volonté marquée du gouvernement d’être un intervenant actif devant les pressions externes reliées à ses champs de compétences. L’évolution du développement du positionnement international de l’État québécois pendant cette période eut à faire face à deux contraintes : la non-reconnaissance de cette compétence par le gouvernement canadien et la course à la réduction du déficit qui réduisit les ressources accordées à ce poste budgétaire. La période de 1985 – 2002 fût l’occasion pour l’État québécois de consolider sa position sur le plan international. (Michaud, 2011, p.741 – 742)
La troisième période est caractérisée par un virage d’une politique de relations internationales vers l’adoption d’une véritable politique étrangère. Cette période s’étend de 2002 à aujourd’hui. En effet, en mai 2002, l’Assemblée nationale adopte à l’unanimité une loi qui spécifie que les traités internationaux signés par le gouvernement fédéral devront être ratifiés par l’Assemblée nationale lorsqu’ils sont reliés à des champs de compétences provinciales, sinon, le traité ne sera pas applicable sur le territoire du Québec. Cette loi donne un énorme pouvoir de négociation et d’influence à l’État québécois au niveau des relations extérieures. Jean Charest et les libéraux prennent le pouvoir en 2003 et ils renouvellent alors la doctrine Gérin-Lajoie avec la formule suivant : « ce qui est de compétence du Québec chez nous est de compétence du Québec partout ». (Michaud, 2001, p.743) Le gouvernement fédéral de Stephen Harper reconnait finalement le rôle international du Québec en signant un accord permettant à la province francophone d’avoir un membre autonome au sein de la délégation canadienne à l’UNESCO. En 2006, le gouvernement Charest produit un nouvel énoncé de politique internationale. Cet énoncé a une approche inclusive de tous les ministères qui ont des intérêts à l’extérieur. De plus, tous les éléments d’une politique étrangère sont présents sous l’angle d’une province à l’intérieur d’une fédération : diplomatie, sécurité, économie et aide au développement. Ainsi, la période de 2002 à aujourd’hui tourne définitivement la page sur l’implication mondiale du Québec au niveau des relations internationales vers l’adoption d’une véritable politique étrangère bien structurée. (Michaud, 2001, p.742 – 744)
En conclusion, le gouvernement du Québec a réussi à développer ses compétences en relation extérieure au cours des cinquante dernières années malgré l’opposition du fédéral et les pressions financières en lien avec la réduction du déficit. C’est l’arrêt de 1923 du Comité judiciaire du Conseil privé qui a ouvert la porte à l’élaboration de la doctrine Gérin-Lajoie qui a modelé la compréhension du rôle international du Québec. Afin que l’État québécois soit en mesure de continuer d’assurer son positionnement stratégique au niveau mondial, les ressources et la volonté des leaders politiques doivent être au rendez-vous. De plus, les défis de la mondialisation actuelle requièrent que le Québec puisse réagir rapidement et de façon intégrée pour y faire face. (Michaud, 2011, p.744 – 745)
Samuel Marcoux
Commentaires
Tout d’abord, considérant le nombre de pays et la quantité d’organisations internationales qui existent de nos jours, la représentation du Québec à l’étranger est tout à fait adéquate, mais elle est loin d’être vaste. Certes, le fait qu’une province ait autant de représentation est étonnant, mais n’est pas un exploit en soi.
Je dirais plus que ces délégations à l’étranger sont des poids financiers importants pour le budget québécois. Le gouvernement commence à s’en rendre compte, avec la vente de la maison du Québec à Londres. Les bureaux de la délégation du Québec à New York, dans le centre Rockefeller, ne doivent pas être à rabais non plus. Considérant les problèmes à boucler un budget au Québec, il serait intéressant de peser le pour et le contre de ces fameuses délégations québécoises à l’étranger.
Ne serait-ce pas plus simple d’effectuer des missions économiques, pour faire valoir les intérêts du Québec? Ne pourrait-on pas envoyer des fonctionnaires sur place au lieu pour rencontrer les candidats à l’immigration? Ne pourrait-on pas utiliser les installations canadiennes, déjà sur place, pour faire rayonner le Québec à l’étranger? Ce qu’il faut réaliser, c’est que c’est déjà le cas.
Alors pourquoi dépenser davantage en entretenant des délégations à l’étranger?