Blog 2. Yolande Racine: Publiquement accessible?
Monsieur Y regarde ce jeune garçon d’environ 8 ans qui passe devant chez lui tous les matins pour se rendre à l’école. Depuis quelques semaines, monsieur Y salue l’enfant de la main, ce dernier répond en lui adressant un sourire. Monsieur Y a été reconnu coupable de possession de pornographie infantile à trois reprises, plus de 10 000 photos d’enfants ont été saisies sur son ordinateur.
Monsieur X, 29 ans, chatte avec une adolescente de 13 ans depuis près de 3 mois. Il a modifié son identité et lui a dit avoir 17 ans. Maintenant, ils communiquent tous les jours, ce soir, pour la première fois, elle se rendra au rendez-vous au parc. Monsieur X a été reconnu coupable à 13 chefs d’accusation en lien avec des abus sexuels chez sur des mineurs.
Monsieur Gérald Tremblay, maire de Montréal, annonce sa démission suite aux allégations de corruption dans son parti politique. Aucune accusation, ni jugement de culpabilité n’a été émis contre monsieur Tremblay.
Monsieur Gérald Tremblay, aucune accusation mais connue de tous. Messieurs X et Y, plusieurs accusations et risque de récidive présent, demeurent dans l’anonymat.
Les journaux, bulletins télévisés et radiophoniques sont grandement influencés par la Commission Charbonneau. Tous reprennent le contenu des allégations prononcées lors des témoignages des participants. Des personnes sont directement visées par ces allégations la médiatisation de ces informations induisent la véracité des faits énoncés car les noms et les faits sont répétés à maintes et maintes reprises.
Mais sous quelle autorité peut-on exposé des faits et des individus de la sorte? C’est dans le respect de la Loi sur les commissions d’enquête.
Art 1. Lorsque le gouvernement juge à propos de faire faire une enquête sur quelque objet qui a trait au gouvernement du Québec, sur la gestion de quelque partie des affaires publique, sur l’administration de la justice ou sur quelque matière importante se rattachant à la santé publique ou au bien être de la population, il peut, par une commission émise à cette fin, nommer un ou plusieurs commissaire pour conduire cette enquête.
À ma connaissance, il n’y a rien qui exige la télédiffusion d’une Commission, sauf la pression populationnelle qui en a revendiquée la tenue, et ce sur plusieurs mois. Mais le contenu d’une Commission d’enquête est public et l’article 18 le précise bien :
Art 18. Des copies certifiées des témoignages reçus par les commissaires peuvent être obtenues par toute personne qui en fait la demande, sur paiement de 0.10$ par 100 mots.
Alors voilà, dans l’esprit de cette Commission, des élus, des professionnels et des cadres sont identifiés et on présume, à partir des témoignages entendus, qu’ils ont commis des gestes criminellement répréhensibles. Cependant, aucune accusation criminelle n’est portée pour plusieurs d’entre eux mais ils porteront, suite à ces allégations, le stigmate du geste. Toute la population québécoise, canadienne et même internationale a accès à cette dénonciation et aux noms des individus.
Bien me direz-vous, il faut que ceux qui abusent du système soient connus et dénoncés. Je comprends mais j’ai parfois l’impression que nous avons deux systèmes de justice et de lois. Dans le cadre d’une Commission d’enquête des individus sont publiquement identifiés et reconnus, leur avenir est influencé pourtant aucune charge criminelle n’est présente.
Actuellement, il y a un mouvement social qui demande au gouvernement de mettre en place un registre public des agresseurs sexuels. Cette demande est active depuis plusieurs années et a permis la création d’un registre national des délinquants sexuels. Qu’est-ce ce registre?
Le Registre national des délinquants sexuels accroit la sécurité de la population en contribuant aux enquêtes sur les infractions de nature sexuelle et à l’identification des présumés suspects domiciliés près des lieux de crime. Un agent de police peut effectuer des recherches sur les délinquants sexuels enregistrés qui habitent dans un secteur donné.
On y retrouve des informations à jour concernant les délinquants sexuels, notamment une photographie récente, leurs coordonnées, les infractions qu’ils ont commises, leurs signes distinctifs et leurs alias. Ce registre vise les délinquants sexuels reconnus coupables d’une infraction sexuelle désignée et visés par une ordonnance du tribunal les obligeant à s’enregistrer chaque année pendant 10 ans, 20 ans ou le reste de leurs jours. Il est également pertinent de mentionner qu’un individu tenu de s’enregistrer au RNDS doit également le faire chaque fois qu’il change d’adresse et/ou de nom.
Quelles sont les infractions visées? Toujours selon la GRC:
• contacts sexuels
• incitation à des contacts sexuels
• exploitation sexuelle
• inceste
• bestialité
• pornographie juvénile (fabrication, possession, distribution)
• père, mère ou tuteur qui sert d’entremetteur
• exhibitionnisme
• agression sexuelle
• agression sexuelle armée, menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelles
• agression sexuelle grave
• certains cas où il peut être prouvé qu’une infraction a été commise dans le but de commettre une infraction de nature sexuelle
• tentative ou complot en vue de commettre l’une des infractions susmentionnées
C’est un registre centralisé où toutes personnes reconnues coupables de tels gestes y sont inscrites. De plus, le principe de la mondialisation est présent dans ce registre car les infractions commises à l’extérieur du Canada où la culpabilité est reconnue, l’individu sera également inscrit au registre s’il est canadien.
Ces informations sont seulement disponibles pour les corps policiers, nous comme citoyens, sœurs, frères ou parents ne pouvons savoir si un individu, ayant commis ces gestes et ayant été reconnu coupable au sens de la loi, demeurent dans notre communauté. Pourquoi le public ne peut avoir accès à ces informations? En raison de toute la question de la confidentialité et du préjudice que pourrait causer la publication des informations reliées aux délits commis par les délinquants sexuels.
La Charte québécoise des droits et libertés de la personne stipule :
Art. 4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.
Art. 5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée.
Sur ces concepts, la population ne peut avoir accès actuellement aux noms des délinquants sexuels demeurant dans leur communauté. Comment peut-on alors exposé de la sorte l’identité d’individu lors d’une Commission d’enquête? Prof Trudel nous éduque en ce sens dans son recueil :
Les libertés fondamentales, les garanties juridiques et les droits à l’égalité énoncée dans la Charte sont sujets à une clause dite « nonobstant ». Cette clause permet au Parlement ou à une assemblée provinciale d’adopter des lois entrant en conflit avec la Charte. (Note de cours proftrudel aut. 2012.)
Plusieurs acteurs influencent la prise de décision en lien avec l’accessibilité au public de ce registre. Les groupes sociaux politiques, supportés par le Sénateur Pierre-Hugues Boisvenu travaillent en ce sens. Mais ils ne sont pas seuls, certains spécialistes se prononcent contre cette accessibilité « noetic authority » car ils estiment que les impacts négatifs tant pour les accusés que les victimes sont trop importants. Ces deux mouvements tentent d’influencer cette prise de décision.
Je demeure perplexe et je crois fermement que cette clause pourrait certainement s’appliquée pour des individus reconnus criminellement responsable de gestes odieux auprès de personnes vulnérables, surtout des enfants.
Quelques références :
Charte québécoise des droits et libertés de la personne
Publicationsduquebec.gouv.qc.ca
Loi sur les commissions d’enquête
Registre national des délinquants sexuels
Note de cours proftrudel aut. 2012
Yolande Racine
Commentaires
Tout a fait en accord. Cela n'a aucun bon sens. c'est comme si nos lois protégaient davantage nos criminels s'ils ne sont pas des personnalités publique. comment une personne peut avoir envie de vivre une expérience politique alors que leur identité, leur réputation peut être réduite a néant alors qu'un criminel notoire, un pédophile voit son identité protégé.
Même avec l'erreur que yolande a fait dans son nom soit Gérard tremblay on le reconnaît!!! mais le pédophile un pure inconnu bien plus dangereux. cela fait réfléchir.
Je comprends ta frustration concernant la différence de traitement médiatique entre les témoignages des participants de la Commission Charbonneau et les délinquants sexuels demeurant dans leur communauté. Tu expliques très bien, par l’article 1 de la Loi sur les commissions d’enquête, la position concernant celle-ci mais en prenant la défense des médias. Ceux-ci accordent souvent beaucoup d’attention à la remise en liberté des délinquants sexuels. Les journalistes présument souvent que la divulgation de l’identité de ces personnes au moment de leur libération servira l’intérêt public. Ces derniers doivent toutefois respecter la Charte canadienne des droits et liberté, le droit canadien ainsi que des règles et normes journalistiques formelles et informelles car il ne faut pas oublier que parfois, l’attention des médias peut aussi nuire au processus de réadaptation et à la réinsertion de la personne dans la société. C’est pour ces mêmes raisons que le journaliste, comme le simple citoyen, n’a pas accès aux informations que la GRC possède sur les délinquants sexuels et qu’il ne peut pas faire le même traitement médiatique qu’il réserve aux témoins de la Commission Charbonneau .