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#2-Dr Lagarde-Des pratiques de gestion du milieu privé appliquées à la gestion du milieu de la santé, est-ce un faux débat? (Blogue 2 - Jacinthe Lagarde)

Critiques, manifestations et interventions médiatiques sont que quelques moyens qu’ont choisis des professionnels du milieu de la santé pour dénoncer une situation qui, selon eux, pourrait mettre à risque la qualité des soins offerts aux bénéficiaires de service notamment ceux du programme de soutien à domicile.

 

Depuis plusieurs mois, certains représentants syndicaux notamment ceux de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Fédération de la santé et des services sociaux, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec et l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux dénoncent les projets d’optimisation entrepris dans différents centres de santé et de services sociaux (CSSS). 

 

En bref, plusieurs CSSS ont implanté des projets d’amélioration qui visent à optimiser l’utilisation des ressources pour d’accroitre la performance, l’accès aux services et atteindre l’équilibre budgétaire. Ces approches impliquent notamment la réorganisation des processus de travail. À la lecture des objectifs, en tant que citoyenne qui paie des impôts et des taxes, je suis tout à fait en accord avec cette démarche qui vise une saine gestion de nos deniers publics. Toutefois, il y a certainement quelque chose qui cloche pour que des travailleurs de la santé dénoncent la situation publiquement.

 

À la lecture des articles de journaux et des communiqués de presse, j’ai constaté que les professionnels de la santé ne se seraient pas sentis considérés dans le processus de réorganisation du travail. Ils n’auraient pas été consultés dans les démarches de recherche de solutions et ils se seraient vus imposer des projets d’optimisation. Selon leurs dires, leur travail serait de plus en plus contrôlé et ils constatent que le client n’est plus au cœur du service. Les différentes mesures de performances auraient eu pour effet de créer de la compétition entre les équipes de travail et de démobiliser le personnel. Cette situation est préoccupante quant à l’état des relations de travail, le climat de travail et la santé des employés. De plus, il est important de rappeler que le milieu de la santé est actuellement dans un contexte difficile quant à l’attraction et la rétention du personnel. Cette situation n’aide pas à faire la promotion du milieu de la santé.

 

L’approche Lean, aussi connue sous le nom de la méthode Toyota, est actuellement appliquée dans plusieurs CSSS au niveau des services de soutien à domicile. Selon les commentaires recueillis des employés, les activités sont minutées et la reddition de compte est obligatoire si le temps accordé à une intervention dépasse le temps prévu. Les pratiques semblent mesurer que la performance des travailleurs, c'est-à-dire le nombre de clients rencontrés. Des représentants syndicaux indiquent que l’on tente d’appliquer des pratiques de gestion du privé au milieu public.   En bref, on peut lire dans plusieurs articles que le milieu de la santé n’est pas une entreprise manufacturière, une chaine de restauration rapide ou une chaine de montage. Dans l’article intitulé Manifestation devant le CLSC de Montréal-Nord publié le 29 octobre 2012 sur le site Guide de Montréal Nord on peut lire que « Le modèle Proaction, calqué directement sur celui d’une chaine de montage, impose des cadences irréalistes au personnel, sous le prétexte d’augmenter la productivité ». 

 

Notre système de santé évolue dans un environnement en constante évolution qui doit s’adapter à divers contextes notamment celui des ressources limitées et de restriction budgétaire. La demande de service est croissante et nous devons trouver des moyens pour assurer une prestation de service, et ce, de qualité. Performance, productivité, équilibre budgétaire, statistique de réalisations et reddition de compte sont des propos qui sont d’actualité. Une des questions à se poser est « est-ce que les pratiques employées au privé sont applicables dans le milieu de l’administration publique? »

 

L’administration des ministères et organismes publics est plus complexe que l’administration d’une entreprise privée. L’administration publique est une science et un art. L’administration publique se distingue de l’univers du privé dans plusieurs dimensions notamment celles des orientations, des finalités, de la vision de la production et de la gestion.

 

À titre d’exemple, le but ultime d’une entreprise est de faire du profit tandis que le but ultime d’un CSSS dans le cadre de son service à domicile est d’offrir des services adaptés aux personnes en perte d’autonomie pour qu’ils puissent demeurer le plus longtemps possible à domicile. Dans le milieu privé, le client est habituellement clairement identifié tandis que dans l’univers du public, le client n’est pas toujours clairement identifié et plusieurs parties prenantes peuvent faire partie de la clientèle dépendamment du service à offrir. De plus, les attentes des clients peuvent varier, voire même être contradictoire.

 

Donc pour revenir à la question « est-ce que les pratiques employées au privé sont applicables dans le milieu de l’administration publique? »  Depuis plusieurs années, de multiples courants ont vu le jour notamment les pratiques de Nouvelle gestion publique (NGP) qui se base sur une orientation de gestion orientée vers les résultats, orientation appliquée dans le privé.   Parmi ces pratiques, certaines ont eu du succès et d’autres moins. Toutefois, ce qu’il faut retenir est que la recette ne peut être appliquée telle quelle du privé au public. Le contexte de réalisation en administration publique est très différent et plus complexe que le privé, les modèles ou approches doivent tenir compte de cette réalité.

 

Revenons à la situation dénoncée par les professionnels de la santé, un des plus grands reproches est le fait qu’ils n’ont pas été impliqués dans la démarche, que la décision est venue du haut vers le bas. Ils se disent réduits à de simples exécutants qui doivent performer en terme de quantité avec peu d’égard pour la qualité des services. Les employés se sentent dévalorisés et que le service offert est déshumanisé. 

 

Je crois qu’il est possible d’appliquer des pratiques employées au privé dans le milieu de l’administration publique. Il va sans dire qu’elles doivent être adaptées au contexte de réalisation du milieu. Selon moi, une des conditions de réussites est l’engagement des parties prenantes dans la démarche, préoccupation qui fait souvent défaut, peu importe le milieu de la démarche.

 

En tant que gestionnaire dans le monde de l’administration publique, peu importe les pratiques que les gestionnaires veulent mettre de l’avant, s’ils n’adressent pas les préoccupations des employés la résistance s’intensifiera et en découlera notamment une hausse du taux d’absentéisme, l’accroissement du taux de roulement et des difficultés d’attraction.

 

En conclusion, je constate que la provenance de pratiques importe peu, car une des clés du succès se trouve dans la façon dont l’approche est présentée et la place qu’on laisse aux parties prenantes dans le cadre de son implantation.  En bref, l’implication et l’engagement ont pour effet la mobilisation et la mobilisation permet la réalisation des plus beaux projets.

 

Signé : Jacinthe Lagarde

 

Source :

 

  • Notes de cours ENP-7505 Principes et enjeux de l’administration publique
  • Télescope automne 2005, revue d’analyse comparée en administration publique

Commentaires

  • Nous voilà avec un bon blog de garde Lagarde à lire et triturer.
    Déjà l'effort mérite d'être souligné. En administration publique trop peu de personnes prennent la parole publique sur
    des sujets qui touchent toute la collectivité.
    Un même commentaire ...non moins méritoire Garde !

Les commentaires sont fermés.