BLOG NUMÉRO 2 - Maintien ou abolition du Sénat?!- Par Jean-François D’Amour
Le 25 octobre dernier, dans le cadre du cours « Principe et enjeux de l’administration publique », nous avons effectué la visite de l’assise de notre système parlementaire canadien, le Parlement d’Ottawa. Lors de cette journée, nous avons été à même de rencontrer des députés, d’assister à la période de questions à la Chambre des Communes et de rencontrer cinq sénateurs. Ce que j’attendais le plus dans toute cette journée, outre le cours de notre professeur dans l’autobus, rencontrer les sénateurs. Vous me direz surement que ma vie doit être plate si je suis enthousiaste à rencontrer des sénateurs! J’étais très enthousiaste à l’idée de cette rencontre, car je ne m’en cacherai pas, avant cette journée au Parlement, j’étais pour l’abolition pure et simple du Sénat canadien. Le suis-je toujours? Le présent blog a pour but de vous faire état de ma réflexion sur le maintien ou l’abolition du Sénat.
Le Sénat canadien a été créé par la Loi Constitutionnelle de 1867. Les articles 21 à 36 inclusivement traitent notamment de la composition du Sénat, de la représentation des provinces et territoires, des qualifications requises pour devenir sénateur, du nombre maximum de sénateurs, de la durée du mandat, de siège vacant, etc. Le Parlement canadien, étant à quelque chose près une copie du Parlement de Westminster, nous avons donc hérité d’un Sénat suivant la rédaction de la Constitution. Le Sénat comme la Chambre des communes sont deux composantes du pouvoir législatif canadien. Est-ce que les deux sont nécessaires afin que la Parlement légifère?
Toutes les lois adoptées par la Chambre des communes traversent un processus législatif précis, soit : avis de présentation et inscription au Feuilleton, élaboration d'un projet de loi par un comité (le cas échéant), dépôt et première lecture, renvoi à un comité avant la deuxième lecture (le cas échéant), deuxième lecture et renvoi à un comité, étude en comité, étape du rapport, troisième lecture (et adoption), étude et adoption par le Sénat, adoption par les Communes des amendements du Sénat (le cas échéant), sanction royale et finalement l’entrée en vigueur. Le travail du Sénat arrive à la 9e étape sur 12. Son travail consiste à analyser le projet de loi soumis. Sur le site Web du Parlement du Canada, il y est mentionné que : « Le Sénat apporte souvent des amendements aux projets de loi, dans certains cas, pour corriger des erreurs de rédaction ou apporter des améliorations d'ordre administratif. La Chambre accepte habituellement de tels amendements. ».
Le Sénat va donc corriger des erreurs de rédactions et apporter des améliorations d’ordre administratif, et ce, pour un budget de plus de 93 000 000$ pour l’exercice 2011-2012! Le coût par sénateur est de plus de 940 000,00$ pour ledit exercice. Combien coûterait l’embauche de juriste afin d’effectuer l’analyse des projets de loi comme le fait le Sénat? Projet de loi qui a déjà été rédigé par des juristes…
Dans l’ouvrage de « Droit Constitutionnel » rédigé par Messieurs Henri Brun et Guy Tremblay, il est mentionné à la page 354 que :
D’un point de vue historique, si nous remontons à l’époque où la fédération fut créée, le Sénat apparaît d’abord et avant tout comme une assemblée temporisatrice et conservatrice. Le rôle qu’on lui confie est de réviser sereinement la législation, à l’abri de la pression populaire. John A. MacDonald disait en 1865, lors des débats au Parlement de l’Union sur le projet de fédération : « … a regulating body, calmly considering the legislation initiated by the popular branch, and preventing any hasty or ill-considered legislation which may come from that body …».
Il est donc clair à la lecture de ce passage que le but premier d’avoir créé un Sénat était de s’assurer que la Chambre des communes soit supervisée par une autre chambre de gens non élu. Les élus étant redevables aux électeurs, ils ne prennent pas toujours les décisions les plus rationnelles et ils sont très émotifs dans leurs choix. Est-ce que les sénateurs sont beaucoup plus rationnels et objectifs? Objectif, peut-être, car ils ne font pas face à l’électorat. Pour ce qui est de la rationalité, suite à notre rencontre du 25 octobre, j’en doute. Certains sénateurs rencontrés sont en place afin de défendre des convictions personnelles et non pour le bien de la province ou du territoire pour lequel ils ont un mandat de représentation. À la base, un sénateur est nommé afin de représenter la province de son domicile au sein de la Chambre haute. Dans les faits, plusieurs sénateurs doivent suivre la ligne de partie dictée par les élus de la Chambre des communes même s’ils disent qu’ils sont libres et indépendants du parti pour lequel ils siègent. En date du mois de novembre 2013, 99 sénateurs sont nommés et de ce nombre 59 sont affilié au Parti conservateur du Canada. Vont-ils vraiment aller à l’encontre de leur parti?! J’en doute énormément!
Vous êtes à même de constater que malgré la rencontre avec Messieurs les sénateurs le 25 octobre dernier et l’analyse que je fais, je n’ai toujours pas changé d’idée… Les personnes nommées à ce poste sont des personnes ayant des expertises, d’autres, sont d’anciens élus déchus qui ont été nommés sénateur pour leur bon service rendu. Je suis pour l’abolition du Sénat, mais il reste à savoir quel Premier Ministre aura assez de veine pour tenter l’abolition.
RÉFÉRENCES :
BRUN, Henri et Guy TREMBLAY (1997). « Droit constitutionnel », dans Henry Brun et Guy Tremblay, Le Sénat, Québec, Les Éditions Yvons Blais inc., p. 352-362.
Bureau du vérificateur général du Canada (Page consulté le 12 novembre 2012). Site du vérificateur général du Canada [en ligne],http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/index.htm
Loi constitutionnelle de 1867(R-U), 30 & 31 Vict, c 3.
Parlement du Canada (Page consulté le 12 novembre 2012). Site du Parlement du Canada [en ligne], http://www.parl.gc.ca
Commentaires
Très intéressant comme blog. effectivement la necessité du senat est questionnable. C'est aussi vrai que certains sont davantage là pour défendre des intérêts personnels. Ce fut par contre les gens selon moi les plus ntéressants mais est-ce le rôle du sénat?. Certains autres m'ont donné l'impression d'être là plus pour le prestige du poste qu'autre choses. lorsque nous passons près de dix minutes a entendre parlé de poésie!!!
je ne savais pas que les membres du sénat avait aussi des affiliations avec les partis politiques. je les coyais plutôt neutre. Bref ce fut tout de même intéressant.
Être pour le maintien ou pour l’abolition du Sénat canadien, voilà toute une question. Une grande partie de la population voit en cette institution un héritage archaïque de notre passé en tant que colonie britannique et surtout, il ne voit pas réellement son utilité. Nous disons que c’est une chambre techniquement neutre, qui est là pour le bien des provinces et que les sénateurs sont supposés représenter, mais comme le dit mon collègue D’Amour, c’est loin d’être le cas :
Certains sénateurs rencontrés sont en place afin de défendre des convictions personnelles et non pour le bien de la province ou du territoire pour lequel ils ont un mandat de représentation. […]Dans les faits, plusieurs sénateurs doivent suivre la ligne de parti dictée par les élus de la Chambre des communes.
Que l’on veuille l’abolir ou le réformer, il reste qu’il serait extrêmement difficile de trouver la solution à ce problème délicat car, dans un cas comme dans l’autre, il faudrait ouvrir et amender la constitution. Quand on parle d’amender la Constitution canadienne, plusieurs font de l’urticaire alors que d’autres voient là une opportunité de faire des revendications. Donc, nous sommes en présence d’un sujet extrêmement chaud et délicat qui, comme nous l’avons vu dans l’histoire récente du Canada, à contribué au déclenchement de plusieurs crises politiques constitutionnelles.
Notre sénat est inspiré de la Chambre des Lords du Parlement de Westminster en Grande-Bretagne. Cette chambre avait, historiquement, un rôle primordial et elle fut créée au tournant du 13e siècle. Certes, sa fonction et sa composition ont évolué. D’ailleurs, même en Grande-Bretagne, pays fier de ses traditions, les questions portant sur l’abolition ou la réforme de la Chambre des Lords sont très d’actualité. De fait, depuis le milieu du 20e siècle, indépendamment du parti au pouvoir, chacun a proposé une réforme de cette «House of Lord». Le sujet y est tout aussi délicat qu’ici mais ils sont arrivés à faire de petites réformes pour s’adapter à la réalité actuelle, comme par exemple pour déterminer qui peut siéger à cette chambre et quels rôles ces personnes peuvent y jouer.
Parmi les détracteurs de cette chambre de non élus, tant au Canada qu’au Québec, un des arguments souvent évoqués est que, dans bien d’autres pays qui ont aussi comme héritage celui de Westminster, on ne retrouve pas de Sénat, de Upper chambers ou de Chambre des Lords mais plutôt un système unicaméral. Par exemple, au Canada, le Québec fonctionne très bien sans cette deuxième chambre. Le Québec n’est pas le seul à avoir choisi de l’abolir puisque l’Écosse, le Pays de Galle, l’Irlande du Nord et la Nouvelle-Zélande n’ont pas ce type de chambre et nous ne pouvons pas dire qu’ils sont dysfonctionnels pour autant.
Je crois que les Canadiens sont conscients qu’ils peuvent se passer du sénat et que le système ne sera pas paralysé pour autant. Le problème se situe davantage dans la peur d’ouvrir la constitution pour l’abolir.