Blogue #1 La démocratie est fondamentalement malade dans l'État de droit canadien
par Yves Tanguay
Parmi les principes fondamentaux de l’administration publique, il y a les fondements constitutionnels. Ceux-ci sont les éléments essentiels qui définissent l’État de droit. Ils sont directement en lien avec le respect de la hiéarchie, des normes, de la séparation des pouvoirs (le législatif, l’exécutif et le judiciaire) et des droits fondamentaux.
Or, nous constatons depuis l’arrivé au pouvoir des conservateurs de Stephen Harper, un mépris flagrant pour ce concept et les institutions qui s’y rattachent. Que cela soit dans le dossier du jeune Omar Khadr, du mariage gai, du droit à l’avortement, de la réforme de l’assurance emploi ou de l’adoption de la loi « mammouth » sans intégrer aucun des 871 amendements déposés par l’opposition. Aucun gouvernement ne s’est permis d’aller aussi loin pour mettre la démocratie en opposition à l’État de droit que celui du gouvernement conservateur. Stephen Harper ne semble pas souscrire à la notion que les représentants des tribunaux ainsi que le gouverneur général sont au-dessus du politique.
Dans ce contexte, une réforme de notre système électoral s’impose-t-elle afin d’éviter ce genre d’abus ?
Avec un taux de participation des électeurs aux dernières élections fédérales de 61%, où seulement 39,6% des électeurs canadiens ayant voté l’ont fait pour le parti conservateur, il est clair que cette représentation ne respecte probablement pas l’opinion réelle de la majorité mais plutôt de celle qui s’est exprimée. Pourquoi alors autant de gens sont si peu motivés à vouloir s’exprimer. Il semble que trop de gens constatent que leur vote n’aura pas de retombées positives sur la représentativité législative. Qui plus est, le système électoral canadien uninominal à un seul tour a permis plus d’une fois à un parti de former un gouvernement majoritaire même avec une minorité des voix contrairement au scrutin proportionnel. Les députés fédéraux ont été élus de la même manière depuis la Confédération. Notre système uninominal est porteur de disparités qui menacent la cohésion. Selon moi, le Canada doit songer à changer ce système. Plusieurs partis politiques ont fait la promesse de réformer le système électoral. Une fois au pouvoir cette promesse est remise aux calendes grecques. Quel parti réformerait un système qui leur assure le pouvoir absolu, à eux plutôt qu’aux citoyens ?
Tous les sondages confirment que les québécois et les canadiens préfèrent les gouvernements minoritaires. Tout simplement parce que dans ce contexte, le parti majoritaire se doit d’écouter l’opposition et de cette façon négocier avec celle-ci avant de voter. Une dynamique qui oblige nos élus à communiquer.
Autocratique, obscurantiste et dogmatique, le gouvernement Harper démontre de toute évidence les dangers d’un gouvernement majoritaire. Devant un gouvernement obtus, les citoyens manifestent de plus en plus et ce gouvernement fragilise ainsi la paix sociale. Un gouvernement même majoritaire se doit de demeurer à l’écoute de ses citoyens. Nous avons été à même de le constater ici même au Québec au printemps dernier. Un système électoral proportionnel apporte donc une paix sociale car tous peuvent tirer profit d’une meilleure représentation législative. Pour que chaque vote compte, le système électoral proportionnel doit s’imposer et ainsi mieux répondre aux besoins des citoyens.
Cela n’est pas par hasard que le monde de scrutin proportionnel plurinominal est le système électoral le plus répandu. Plusieurs pays l’ont adopté (Pays-Bas, Danemark, Suède, Norvège, Italie, Pologne, Suisse, Luxembourg, etc.) Les avantages sont nombreux. Ce système permet à chaque parti politique d’obtenir un nombre de sièges proportionnels au nombre de voix. On peut comprendre que ce système favorise une représentation des petits partis permettant ainsi une représentation de la diversité de l’électorat. Ce mode de scrutin offre la chance à l’électeur de voter pour un candidat proche de ses convictions plutôt que pour un candidat ayant le plus de chance de gagner ses élections dans un mode de scrutin majoritaire uninominal. Cependant, ce système a également ses inconvénients. Ce système électoral constituant un parlement à plusieurs partis impliquera la création de gouvernement de coalition. Un gouvernement de coalition rend plus difficile la mise en place de grandes réformes. De plus, le lien entre l’élu et l’électeur est plus faible.
Cependant, les avantages sont plus nombreux. Ce nouveau mode de scrutin apportera une démocratie nouvelle, une participation citoyenne, un système législatif qui reflète le pluralisme politique tout en respectant la volonté populaire.
Dernièrement, une série télévisée danoise a vu le jour sous le titre « Borgen : une femme au pouvoir » inspirée d’une histoire vraie. Cette fiction présente bien de façon ludique et pédagogique le jeu d’un système multipartiste. Vous y retrouverez les aléas d’un parti centriste minoritaire qui formera un gouvernement obligé à négocier tantôt avec une formation de droite et tantôt avec une formation de gauche. Vous y découvrirez une société moins bornée, donc plus ouverte et spontanée aux négociations. Cette série est diffusée sur la chaîne télévisée ARTV les jeudis à 21h00 jusqu’au 15 novembre 2012 et disponible en webdiffusion sur la plateforme TOU.TV.
Quoi de mieux qu’un parlement où les députés sont contraints à négocier, se parler, s’écouter et à s’entendre. Pouvons-nous espérer cela de notre parlement plutôt que celui composé d’échanges soporifiques comme à la chambre des communes du Canada ?
Commentaires
Votre blog est intéressant et ce sujet est d'actualité dans notre société.
Nous pouvons facilement se rendre compte que les citoyens sont insatisfaits et désillusionnés par les différents systèmes politiques autant fédéral, provincial que municipal. Cela se mesure par les taux de participations aux élections de plus en plus bas.
De nos jours, avec tous les scandales à la "une" (peut importe le niveau politique), les électeurs se retrouvent à faire le choix du parti politique le "moins pire" aux élections. Cette situation est inquiétante... Et si vous tentez de vous intéresser aux programmes électoraux et bien bonne chance, puisque les discours des politiciens ne sont composés de flèches et coups bas face à leurs adversaires.
Mais qu'en est-il des véritables enjeux de notre société? Notre système politique actuel ne permet pas des avancés significatifs. Les partis d'opposition ne veulent pas que le parti au pouvoir "brille" par de belles actions profitables à notre société puisque cela ne leur permettra pas d'atteindre le pouvoir aux prochaines élections....
Comment peut-ont avancer dans un tel système? Si le parti au pouvoir est minoritaire, il doit passer beaucoup de temps à convaincre ses adversaires du bien fondé de différents projets et si le parti est majoritaire il prend des décisions sans égard aux adversaires (également élus par une partie de la population). C'est ce qu'on peut voir actuellement au fédéral avec les Conservateurs au pouvoir...
Serait-il possible de faire un changement drastique à notre système électoral? Trouver un système où les élus serait exempt de parti et devraient s'asseoir avec les autres élus et travailler "ensemble" et ce, sans partisanerie? Que pour les intérêts des citoyens?
D'accord, le contraste est sûrement trop gros. Je suis donc pour l'idée du multipartisme. Au moins cette vision politique admet,la liberté d'association, l'existence de plus de deux partis dans la vie politique et parlementaire. Les élus sont ainsi ouverts à d'autres idées dans les débats politiques.
Ce système (imparfait) offre aux électeurs la possibilité de voter pour les candidats dont les idées sont les plus proches de leurs convictions et permet une représentation plus équitable du peuple où aucun parti ne domine clairement. Donc, juste pour cela, nous devrions essayer!
Yves ,
on va regarder ça avec grande attention...pour un sujet si chaud !
Prof