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#1-Phil. Hausser - Blog 1 - La réforme du Conseil de sécurité de l'ONU

Après avoir survolé les blogues, j’ai remarqué qu’il y en avait très peu qui traite de l’aspect international de l’administration publique. Dans ce blogue, j’aimerais vous en apprendre davantage sur les Nations Unies, que nous connaissons tous, mais que nous avons tendance à oublier comme étant une des plus grandes institutions politiques au  monde. Même si son financement ne provient pas entièrement des États qui la composent, le budget onusien dépend des contributions, obligatoires et volontaires, des États, d’entreprises et de particuliers. Fondé en 1945, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, certains commencent à questionner certains organes de l’ONU, affirmant que l’ONU ne reflète pas la réalité du 21ème siècle. L’organe le plus critiqué est le Conseil de sécurité, qui constitue l’exécutif de l’ONU. 

 

Créé en même temps que l’ONU, seul le Conseil de sécurité est apte à autoriser et mettre en action une opération militaire dans un pays. De ce fait, les 15 pays membres, 5 permanents et 10 non permanents, se retrouvent avec de grandes responsabilités et un grand pouvoir d’action, ou d’inaction. Combien de fois avez-vous appris dans les nouvelles qu’un des membres du Conseil de sécurité avait mis son veto pour bloquer une résolution qui aurait permis une inspection, une mission de paix ou une mission humanitaire?  Je ne sais pas pour vous, mais moi je l’ai souvent remarqué dans les médias. Il y a plusieurs raisons à cela mais ce n’est pas le sujet de ce blogue.

 

Aujourd’hui, j’aimerais vous en apprendre davantage sur la réforme du Conseil de sécurité. Contrairement au Sénat canadien, où il y a parfois des remises en question sur son utilité, on ne cherche ici qu’à actualiser le Conseil de sécurité (CS). Pour vous mettre en perspective le caractère un peu désuet du CS, il est bon de remarquer que les 5 membres permanents, soient la France, le Royaume-Uni, la Chine, la Russie et les États-Unis, sont tous considérés comme les vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale. À l’époque, ça faisait du sens. C’était l’époque des colonies, donc la France, par exemple, représentait une bonne partie du monde. Mais aujourd’hui, comment peux-t-on justifier de mettre autant de responsabilités et de pouvoir dans les mains de ces 5 Nations? Et même s’il y a désormais un effort pour avoir une meilleure représentation géographique, les continents Sud-Américain et Africain n’ont aucune représentation permanente, et avec un seul siège, l’Asie est probablement sous-représenté, considérant qu’à elles seules, l’Inde et la Chine comptent pour pratiquement la moitié de la population mondiale. Et avec 3 places permanentes, l’Occident est probablement surreprésenté.  Du côté des membres non permanents, il y a eu un effort, en 1963, quand l’Assemblée générale a voté une résolution pour fixer une représentativité régionale plus équitable. C’est un pas dans la bonne direction mais il n’y a pas là un véritable contrepoids aux pouvoirs des 5 membres permanents.

 

C’est pourquoi plusieurs États, désireux de corriger les erreurs du passé, ont commencé des procédures pour réformer le CS. Le Groupe des 5, constitué par l’Inde, le Brésil, le Japon, l’Allemagne et de l’Afrique du Sud, cherche essentiellement à se faire reconnaitre comme membre permanent. Ils voudraient donc établir une représentativité régionale plus équitable parmi les membres permanents. D’autres groupes souhaitent également s’attaquer au droit de veto des membres permanents. Ce pouvoir, détenu uniquement par les 5 pays permanents, peut bloquer n’importe quelle résolution présentée au CS.  Considérant que le CS est impliqué dans toutes les décisions exécutives, comme précédemment mentionné, mais également dans le choix du Secrétaire général,  premier fonctionnaire de l’ONU. Car tant et aussi longtemps que les membres permanents du CS ne sont pas satisfaits, aucune résolution exécutive ou aucun candidat au poste de Secrétaire général ne seront acceptés. On peut donc comprendre pourquoi certains États membres de l’ONU souhaitent réformer le CS. Toutefois, parce que lorsqu’il s’agit d’administration publique, spécifiquement dans les organisations internationales, rien est simple, pour qu’une réforme du CS soit possible, elle doit être également obtenir l’aval du CS. Ça semble passablement illogique, mais les règles ont été ainsi établies lors de la création de l’ONU.

 

Alors qu’on pourrait s’attendre à ce que les membres permanents soient contre cette réforme, certains d’entre eux seraient favorables à celle-ci. En effet, dans le meilleur des cas, leurs influences se voient diminuer, dans le pire, ils pourraient voir leurs pouvoirs se restreindre, voir disparaitre. Malgré tout, cherchant à accroitre leur influence régionale, la France et le Royaume-Uni verraient d’un bon œil l’adhésion de l’Allemagne parmi les permanents. Mais l’idée de perdre leur droit de veto, de voir d’autres membres permanents ou d’éliminer la permanence, constitue un obstacle bien plus important que la volonté d’accroitre sa représentativité régionale.

 

Mon avis sur la question est simple. Il est plus que nécessaire de réformer cette institution. En 67 ans d’existence, il n’y a eu pratiquement aucun changement apporté au CS. Il est vrai que plusieurs institutions politiques dans le monde n’ont jamais évolué. Toutefois, ce que les États font dans l’intimité de leurs frontières les regardent. Considérant le caractère international et l’importance du CS dans le maintien de la paix dans le monde, il est vital que cette institution évolue pour rester au fait des réalités contemporaines. Pour que changement il y ait, la résolution doit être approuvée au 2/3 par l’Assemblée générale et par 2/3 du CS, naturellement sans veto.  Il s’agit donc d’un but difficile à atteindre, quoique ce ne soit pas impossible. Il est plus facile de faire échouer la résolution que de la faire entériner. Selon moi, il ne devrait plus y avoir de membres permanents ni de droit de véto. Le Sénateur Nolin avait un point intéressant quand il disait qu’en n’étant pas élus, les sénateurs ne sont pas redevables à qui que ce soit. Toutefois, comme il a été implicitement compris, ils sont toutefois redevables à leur parti, et dans certains cas, ils ne sont là que pour pousser leur propre agenda. La situation est similaire avec les membres permanents, qui ne sont imputables à personne, puisque leur siège est assuré. De plus, en éliminant les permanences, il serait possible d’étendre les critères de représentativité régionale à l’ensemble du CS. Ainsi, le CS serait beaucoup plus au fait de la réalité mondiale. Pour ce qui est du droit de veto, la raison est simple et a un fondement historique. Durant la Guerre froide, les États-Unis et l’URSS ont utilisé leur droit de veto près de 200 fois, toujours pour mettre des bâtons dans les roues de l’adversaire idéologique. On assiste encore une fois à la promotion d’agendas, sans possibilité de rendre les décisions justes et équitables.

 

L’ONU et le CS sont des institutions politiques essentielles selon moi. Le bien qu’elles ont accompli justifie amplement leur existence. Toutefois, l’unanimité, bien que souhaitable, est difficilement possible. Le CS doit se réformer pour s’assurer d’évoluer à la même vitesse que le reste du monde. Les permanents ont trop de pouvoir et n’ont pas nécessairement prouvé qu’ils savaient l’utiliser à bon escient.

Commentaires

  • Je crois aussi que des changements majeurs doivent se faire. Je suis aussi d'accord avec toi sur le fait que l'ONU a fait beaucoup plus de bien que de mal depuis sa fondation mais plusieurs personnes mettent en doute le bien fondé de l'ONU et du conseil de sécurité car son inaction dans certaines situation à causé beaucoup de mal.

    Le conseil de sécurité lui-même devrait être réformé, ne serait-ce
    que pour retirer le droit de veto des pays membres si cette structure devait rester. Idéalement l'ONU se doit de passer en mode suffrage avec une meilleure représentation de l'ensemble des 193 états membres (plus un état observateur: le Vatican) et de permettre une intervention lorsque 75% des membres sont d'accord.

    Les dernières années ont bien montré que les droits de veto sont appliqués principalement par les pays qui sont en relations commerciales avec les pays visés par les sanctions et ce afin de protéger leurs approvisionnements en pétrole ou autres denrées essentielles. Tant que les droit de veto serviront à protéger des relations commerciales au lieu de protéger les gens l'ONU aura des problèmes à justifier sa légitimité.

    André Perron

  • Enfin de l'International...qui obéit aux mêmes principes que les États de droits.
    Ptof

  • Je suis d’accord avec vous, messieurs, les Nations Unies ont besoin d’une réforme en profondeur de ses organes et de son fonctionnement interne. Nous ne sommes pas les seuls à le penser. L’ancien secrétaire général, Kofi Annan, avait demandé des études sur la question. Malheureusement, elles n’ont pas encore concrètement porté fruit, notamment par manque de consensus et divergences d’intérêts des membres du Conseil de sécurité (CS). Cela est sans surprise, le CS est géré comme un club sélect des pays parmi les plus riches et privilégiés par leur histoire politique. Ces membres permanents ont donc un pouvoir démesuré par rapport aux autres. Selon moi, cette situation va à l’encontre du soi-disant côté démocratique visé par l’ONU et qui devrait la distinguer des sœurs jumelles de Bretton Woods. Je suis aussi d’avis que le CS ne devrait plus exister ni les principes de permanence des sièges et le droit de veto. Sans le CS et ses deux principes contraignants, la composition des membres de l’ONU serait plus représentative des pays et de leurs différentes réalités, dans le contexte actuel. D’ailleurs, cela permettrait sans doute à plus de pays du Sud d’avoir une voix pour s’exprimer et participer activement au processus décisionnel en matière de coopération internationale, aux côtés des pays du Nord.

    Un autre point important qui a été peu soulevé est le changement important de priorité de l’ONU au fil des dernières décennies. L’aide au développement qui était prioritaire pendant la guerre froide a été mise de côté, depuis 1990. À partir de ce moment, l’ONU s’est concentrée sur les opérations de maintien de la paix… peut-être à outrance ? Conséquemment, une importante partie de son budget s’est vu consacré à ce mandat, plutôt qu’à l’aide. La révision de ses priorités et du budget est une autre mesure de réforme qui devient de plus en plus urgente, d’après moi. En plus de son aspect financier, il importe d’aborder la question des limites du rôle de l’ONU comme instrument persuasif et dissuasif dans de telles opérations. Quand la paix est menacée et que les efforts diplomatiques sont insuffisants, le CS peut prendre des mesures, prenant la forme de sanctions économiques ou d’actions militaires. Ces sanctions permettent de faire pression sur un État, sans recourir à la force. Cependant, leur efficacité n’est pas encore éprouvée. Les multiples sanctions à l’Irak (sous le règne de Saddam Hussein) sont un des exemples montrant qu’un pays ne s’est pas conformé à ses exigences. Il faut mettre en relief que les sanctions ont aussi des conséquences néfastes sur la population vulnérable du pays où elles sont appliquées. Je suis consciente que l’Organisation des Nations Unies ne peut pas garantir la résolution des nombreux conflits mondiaux, mais de contribuer à leur prévention et au processus de médiation et qu’il revient aux États de coopérer davantage entre eux. Toutefois, les opérations de maintien de la paix tout comme le Conseil de sécurité méritent d’être analysés plus en détail afin de mieux repenser l’ONU.

  • Je suis content de constater que la réforme du CS fait l’unanimité. Nous soulevons tous la même question par rapport à la pertinence du droit de veto, utilisé beaucoup plus souvent à des fins politiques qu’à prévenir les ambitions militaires ou commerciales de certains pays, ou simplement pour rétablir l’ordre dans un État en guerre civile.

    L’idée d’André est intéressante. Dissoudre le CS pour soumettre les projets de résolution directement à l’Assemblée Générale. L’avis serait plus démocratique, sans nécessairement rechercher l’unanimité. Dans un monde idéal, éliminer le CS permettrait de retirer le monopôle des vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale, de dissoudre leur pouvoir et de démocratiser les interventions militaires, qu’elles soient de maintien de la paix ou pour la rétablir. Toutefois, cette solution ne serait pas possible, à mon humble avis. Lorsque le CS se réunit, c’est pour une gestion de crise. Toute personne ayant participé à ce genre de réunion sait très bien que, plus il y a de membres présents, plus il est difficile d’avancer. À ce niveau, je crois que de maintenir le CS à 15 membres est idéal. Il est important de rappeler que, lorsque le débat porte sur un pays en particulier, et que celui-ci ne soit pas déjà présent au CS, il est de norme que le pays en question soit invité à présenter son point de vue, ainsi que les autres acteurs potentiels, sans toutefois avoir de droit de vote sur son sort. Les décisions ne sont donc pas prises dans un univers parallèle, complètement déconnecté de la réalité de l’État en question.

    Pour le droit de veto, je préconise son abolition, mais par souci éthique, j’aimerais quand même présenter l’envers de la médaille. Oui, certains pays l’ont utilisé à outrance, notamment durant la Guerre froide. Oui, il est exclusif à 5 pays, sans aucune représentativité géographique (ou plutôt une représentativité datant de l’ère coloniale). Oui, il a été utilisé pour bloquer une intervention dans un État qui en aurait grandement bénéficié. Mais, malgré tout, il a eu, et a encore, son utilité. Prenons le contexte historique de la Guerre froide. Sans les utilisations répétées des deux superpuissances de l’époque, il y aurait probablement eu (ne pouvant empiriquement déterminer si les conflits auraient eu lieu ou non, je préfère rester dans le registre de la probabilité) une multiplication des conflits armés. Peut-on vraiment, à cet égard, reprocher l’existence du droit de veto? On pourrait débattre longuement à ce sujet. Au même titre d’éviter les interventions militaires à sous-entendu commercial ou politique, le droit de veto a souvent été utilisé pour faire respecter le droit à la souveraineté des États. Il s’agit d’un principe de droit international selon lequel un État est libre de faire ce que bon lui semble à l’intérieur de ses frontières, sans qu’aucun pays ou organisation ne puisse intervenir. C’est pour cela, entre autres, qu’aucun traité international n’a force de loi, tant que l’État en question ne l’a pas fait approuver par son gouvernement. Sans droit de veto, nous aurions encore une fois probablement assisté à une multiplication des interventions internationales dans les frontières d’un État. Dans les cas de génocide, ou de crise humanitaire, j’en conviens, on peut difficilement se positionner contre ces interventions, mais certains l’ont fait quand même. Mais dans les situations où un pays veut en renverser un autre pour placer un gouvernement les favorisant, c’est beaucoup moins blanc ou noir. La raison de l’intervention peut être légitime, mais le sous-entendu derrière un peu moins… Il y a donc des pour et des contre, et c’est ce qui complique les tentatives de réformes du CS.

    Les points soulevés par Jessika sont également très intéressants. Il est vrai que, depuis la fin de la Guerre froide, il y a eu un grand nombre de missions de maintien ou de rétablissement de la paix. Est-ce qu’on peut réellement parler d’un trop grand nombre de ces missions? C’est une question à part entière, mais j’aurais tendance à dire que, si elles ont eu lieu, avec toutes les conditions nécessaires à leurs approbations, elles étaient fort probablement justifiées. Avec la fin de l’ère coloniale, et les différents mouvements d’indépendances dans le Tiers-monde, il y a eu beaucoup de zones instables, requérant l’attention de l’ONU. Est-ce que l’on doit favoriser l’aide au développement ou la stabilité géopolitique? Encore une excellente question, puisque l’un va difficilement sans l’autre.

    J’aimerais toutefois apporter quelques nuances à la vision de Jessika sur l’ONU et le CS. Bien que les 5 membres permanents fassent quelque peu la pluie et le beau temps, caricaturalement parlant, je ne pense pas qu’il soit géré comme un club sélect. Avec la réforme de 1963, le CS est désormais beaucoup plus équitable dans sa représentativité géographique. De plus, c’est bel et bien l’AG, donc les 193 pays membres de l’ONU, qui élisent les 10 membres non permanents du CS. Il y a donc clairement un effort pour rendre le CS plus actuel. Est-ce suffisant? Bien sur que non, mais c’est déjà mieux que rien.

    En ce qui à trait aux autres méthodes utilisées par le CS, outre la force militaire, pour tenter de faire plier un État, ma pensée rejoint celle de Jessika. Les sanctions économiques, les blocus et les résolutions dénonçant les actions commises n’ont pas énormément d’effet sur les dirigeants ou l’armée, mais bien plus sur la population. Un exemple de pays sanctionné par le CS, dont la population souffre beaucoup plus que les dirigeants, est la République Populaire Démocratique de Corée. Jouissant de la protection et de l’appui de la Chine, la classe dirigeante coréenne peut continuer à narguer l’Occident, pendant que sa population souffre de la famine et d’un tas d’autres problèmes lié au manque de ressources. Mais, considérant que la Corée du Nord possède l’arme nucléaire, que peut-on faire d’autre que des sanctions? Une invasion militaire est tout à fait impossible, le risque planétaire serait trop grand et la Chine s’y opposerait farouchement, la Corée du Nord étant un des nombreux États tampons, entre elle et l’Occident. Et comme la Corée du Nord n’est pas reconnue pour sa volonté de trouver des solutions satisfaisantes pour tout le monde, les sanctions économiques sont pas mal juste ça qui restent, malgré tous les inconvénients qu’elles entraînent.

    On se retrouve donc dans une situation où l’on est pris entre l’arbre et l’écorce, entre une intervention armée, et tous les désavantages que ça comporte, et des sanctions économiques, avec une tout autre gamme de désavantages. Il n’existe donc aucune solution idéale, juste deux verres à moitié vides. L’ONU est le plus grand forum international et a été créée dans le but spécifique de favoriser la discussion et éviter les conflits. Elle a joué son rôle à maintes reprises, et des guerres ont pu être évitées grâce à cela. Malheureusement, aucune organisation n’est infaillible et parfois, des mesures doivent être prises pour étouffer toute menace à la paix mondiale. En ce sens, le CS a sa place, et son format actuel favorise les prises de décisions rapides pour régler une vaste gamme de situations, nécessitant de passer outre le principe de souveraineté des États. Mais comme nous l’avons déjà mentionné, il y a encore place à amélioration.

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