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Blog 1 - M.Belanger

 

 

La nouvelle politique internationale sous le fleurdé Lisée


La récente nomination du Conseil des ministres du gouvernement Marois est passée sous la loupe des analystes politiques et économiques tant au niveau québécois que canadien. Entre l'émoi créé par le retrait du drapeau canadien lors de l'assermentation et les annonces chocs de Madame Marois concernant, entre autres, l'abolition de la taxe santé et l'annulation de la hausse des frais de scolarité, certains dossiers semblent toutefois s'être davantage fondus dans le nouveau paysage politique. Le choix de Monsieur Jean-François Lisée comme ministre des relations internationales n'a effectivement pas crée la surprise, confirmant, au contraire, les prévisions formulées par plusieurs analystes politiques. Malgré plusieurs articles accordés aux affaires internationales québécoises, les experts se sont cantonnés à analyser les nouvelles grandes tendances, éludant de ce fait, les différences notables entre les aspirations de Madame Marois et les directions  du gouvernement Charest. Cependant, il est important de recadrer les volontés du nouveau gouvernement dans un axe plus global, afin de comprendre la dynamique dans laquelle le Québec évoluera dans les prochaines années. Comme le souligne Ginette Chenard, ancienne déléguée de la Belle province à Atlanta, pour le Québec « tout est sans cesse gagné ou à défendre », confirmant ainsi l'importance de l'image du Québec à l'international.


 

Le Québec, État fédéré au même titre que l'Espagne, les États-Unis et l'Allemagne, entretient des relations internationales avec plusieurs pays à travers le globe. Théorisé par Panayotis Soldatos, cette action du Québec se définit comme la paradiplomatie, c’est-à-dire « une poursuite directe, et à divers degrés, de la part d’États fédérés, d’activités étrangères » (Paquin, 2005). Ayant pour fondement juridique un flou constitutionnel, la politique internationale du Québec prend racine dans la Loi constitutionnelle de 1867 et dans la décision du Comité judiciaire du Conseil privé à Londres de 1937, qui reconnait aux provinces canadiennes l’autorité de mettre en œuvre les traités qui touchent directement leurs compétences provinciales. Définie par la doctrine Gérin-Lajoie de 1965, la politique internationale du Québec a été réellement opérationnalisée dans le premier énoncé de politique « le Québec dans le monde » de 1985, comme le souligne Nelson Michaud (Michaud, 2012). Cette possibilité s'articule de plusieurs façons, se transformant le plus souvent au gré de la volonté du pouvoir en place. En effet, il est possible de discerner des tendances dans la façon dont la politique internationale québécoise est menée, oscillant entre une paradiplomatie classique et une protodiplomatie ayant pour objectif final la reconnaissance du Québec en tant que pays souverain. C’est deux visions de la conduite des relations internationales représentent bien souvent l’idéal poursuivi par le gouvernement en place, tergiversant entre une affirmation fédéraliste ou une exigence nationaliste.

 

 

 

C'est donc dans ce schème institutionnel que prendront forme les nouvelles orientations du gouvernement péquiste, résolument souverainiste, en matière de relations internationales. En avril dernier, Madame Marois avait déjà annoncé, lors d’une conférence au Conseil des relations internationales du Québec, la création d’une Banque de développement économique du Québec et une Agence québécoise de développement indépendante de sa consœur canadienne (l’Agence canadienne de développement international - ACDI). Dans cette logique, le gouvernement Marois compte attribuer plusieurs compétences autrefois dévolues au ministère du développement économique, de l’innovation et des exportations (MDEIE) au nouveau ministère des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur (MRIFCE), se calquant ainsi sur la structure traditionnelle des ministères des affaires étrangères d’États souverains. Ce désir de changement témoigne de la volonté de Madame Marois de mener une politique internationale empreinte d’un désir émancipatoire et d’une visée protodiplomatique.


 

Les priorités de Madame Marois et de son Ministre attitré, Moniseur Jean-François Lisée, se concentreront sur le rayonnement de la culture québécoise; le développement et la promotion des entrepreneurs sur les marchés mondiaux et sur le renforcement du Québec au sein du réseau de la Francophonie. Ces grandes aspirations ne devront toutefois pas éluder les avancées réalisées par le gouvernement Charest au chapitre des relations internationales. Dans les dix dernières années, le Québec s’est davantage impliqué dans plusieurs forums internationaux, a démarré les négociations commerciales avec l’Europe et a institué un comité conjoint permanent de coopération avec le Vermont. Il a aussi su tirer profit de l’intransigeance d’Ottawa lors des conférences internationales sur l’environnement pour faire figure de leader nord-américain aux côtés de joueurs importants comme la Californie. Il s’agit d’un héritage important et d’une voie dont le ministre Lisée et l’équipe du PQ, tout en menant leurs projets, ne devraient pas s’écarter. 


 

En choisissant de réorienter les grandes directives, le duo Marois-Lisée fait le pari que ce changement sera bénéfique pour le Québec. Ce virage à saveur nationaliste, s’il s'impose comme une tendance lourde, comporte le danger de nuire à la défense à long terme des intérêts québécois à l’étranger.  Cette décision de recadrer les objectifs du MRIFCE pourrait se traduire par le fait de prendre pour acquis les développements réalisés dans les dernières années et d’ainsi apporter une attention moindre à des dossiers essentiels et vitaux pour le Québec. Dans les prochains mois, le Parti Québécois devra notamment s’afférer à conclure le traité de libre-échange Canada-Europe, dont les négociations devraient arriver à terme avant Noël. Cet accord constitue une opportunité à l’exportation historique pour les firmes québécoises. La volonté affichée du Parti Québécois d’inclure une clause de protections des marchés locaux dans l’accord pourrait envenimer les discussions. L’Europe attache une grande importance à l’accès aux marchés publics et verrait d’un mauvais œil les velléités protectionnistes de Québec. Ce dossier constituera un premier défi pour l’équipe de Monsieur Lisée et posera les bases des actions concrètes endossées par le gouvernement péquiste.    

 


 

 

 

 

Quelques références:

 

 

 

Ginette Chenard, «Le Québec à l’étranger», Réflexion, Chaire Raoul-Dandurand, 25 octobore 2011, 3 p.

 

Nelson Michaud et Marc T. Boucher, «Les relations internationales du Québec comparées», L’Observatoire de l’administration publique, automne 2006, 42 p.

 

Stéphane Paquin, «Les actions extérieures des entités subétatiques : quelle signification pour la politique comparée et les relations internationales», Revue internationale de politique comparée, Vol. 12, 2005, p. 129-142.

 

Nelson Michaud (dir), «Secrets d’État? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains», École nationale d’administration publique, Presses de l’Université Laval, 776 p.

 

Ministère des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur, en ligne : http://www.mrifce.gouv.qc.ca/fr/, consulté le 24 octobre 2012.

 

Commentaires

  • Marlie,
    Qui vivra verra... s'il y a ...des changements de direction avec le nouveau gouvernement.
    Prof

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