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#2-Julien B.-La politisation des communications dans la fonction publique

Le constat est le suivant: les gouvernements font de plus en plus appel à la langue de bois, l'information est contrôlée de façon serrée et les contacts entre la population et son gouvernement sont devenus une guerre de tranchée. Les journalistes ont du mal à obtenir des informations malgré les mécanismes prévus par la Loi sur l'accès à l'information[1]. Lorsque l'information est disponible, les délais sont si longs qu'elle fiinit par ne plus être d'actualité. C'est, évidemment, le fait de la partisanerie des gouvernements. Le problème est que ce contrôle partisan s'est infiltré dans la fonction publique. Cela est particulièrement vrai lorsqu'on regarde les organigrammes des diverses organisations publiques: le département voué à l'information et à la communication relève directement du ministère du Premier ministre - que ce soit au niveau fédéral ou provincial. À cela s'ajoute les nominations partisanes: bien que cela ne soit pas nouveau, on peut remarquer que ses nominations ne sont plus circonscrites à la haute fonction publique ou à la tête d'organismes névralgiques, mais de plus en plus, justement, à ces fameux départements de communication rattachés au gouvernement et à son idéologie politique. Nous assistons donc à une intrusion d'un spoil system au sein de la fonction publique. L'ingérence du politique dans les activités journalières du gouvernement pose problème de plusieurs façons, comme nous le verrons.

Tout d'abord, il faut penser le problème en termes d'indépendance et de permanence de la fonction publique. L'idée de l'indépendance permet d'avoir une neutralité dans la fonction publique, en ce sens qu'elle préserve l'État de droit de toute forme d'ingérence, et en particulier d'une possible instrumentalisation partisane de la fonction publique. La raison en est simple: l'État et ses fonctionnaires sont les gardiens et les applicants de la constitution et doivent se libérer de toute influence partisane pour y arriver. Cette indépendance est en péril le moment où la carrière du fonctionnaire est conditionnelle à son allégeance politique: en devenant l'instrument du gouvernement du jour il ruine les fondements même de la permanence puisqu'il n'y a plus de neutralité. Comment, effectivement, un gouvernement nouvellement élu pourrait-il faire confiance à sa fonction publique? Phénomène d'autant plus pernicieux qu'un nouveau gouvernement voudra remplacer les éléments de l'autre parti par ses propres supporters. La conséquence est fâcheuse: nous quittons la logique où la compétence est un critère fondamental en fonction publique, au profit de l'idéologie. Les conséquences sur l'image de la fonction publique peut être catastrophique, autant au sein de la population qu'à l'étranger. La population y verra (avec raison) une forme de népotisme politique où ce ne sont plus les compétents qui sont embauchés mais les amis du partis. À l'étranger, notre réputation d'État de droit serait sérieusement entachée par le paternalisme de partis successifs dans le fonctionnement de l'État.

Il y a donc un danger lié à la politisation de la fonction publique qui n'est pas anodin. Le danger est d'autant plus grand si on regarde de plus près le secteur où la politisation s'effectue: les communications. Ce qu'il faut constater, c'est qu'un certain nombre de principes de la fonction publique sont directement touchés par le phénomène. Ces principes sont la loyauté, la transparence, l'éthique et l'intérêt collectif.

La loyauté de la fonction publique envers le gouvernement du jour est essentielle afin que puisse s'exercer les volontés programmatiques des élus; en ce sens, il s'agit d'un facteur essentiel de la démocratie. Nous parlons donc d'une imputabilité de la fonction publique liée aux programme électoral. C'est-à-dire que la loyauté permet d'achever ce qui a été promis aux électeurs par leur gouvernement. Cela implique aussi que dans son rapport avec les citoyens, la fonction publique a le devoir de respecter la légitimité du gouvernement en place. Or, dans cette logique, le noyautage du gouvernement du principal lien de la fonction publique avec la population (les communications) ne permet plus à la population d'avoir la certitude que les programmes électoraux se réalisent. Si effectivement le fonctionnaire demeure loyal à son patron, il n'en demeure pas moins imputable face à la population. Comment garantir que la fonction publique rende des comptes à la population si ceux-là mêmes qui sont chargés de l'informer n'ont comme seule préoccupation la réputation du gouvernement? Cela est d'autant plus profond comme problème dans la mesure on on place le fonctionnaire dans une position inconfortable: sa loyauté ne lui permet pas de dénoncer de possibles abus ou distortions de la réalité de la part des agents politiques aux commandes de l'information.

Cela mène naturellement à parler de la transparence de la fonction publique. Dans un contexte où la fonction publique a mauvaise presse par l'exposition médiatique de scandales, d'abus ou de corruption, il devient impératif d'augmenter la transparence. Elle permet d'éviter les dérapages puisqu'ils sont, justement, rendus publics et soumis à la pression populaire. Bref, la transparence permet d'établir un lien de confiance entre l'État et les citoyens, en plus de forcer les gestionnaires à la prudence. Le problème réside que les informations sont centralisées par le gouvernement du jour: il a tout intérêt, pour des raisons électorales, à rendre hermétique les informations. Du moment que le minimum transpire de la fonction publique, nous perdons tous les avantages de la transparence. Cela a pour effet de briser la confiance des citoyens envers l'État, d'avoir moins de contrôle sur la corruption et d'amoindrir l'imputabilité - celle des fonctionnaires, mais aussi celle des élus.

Nous avons affaire à un sérieux problème éthique: celui-là même qui doit être imputable des ses actions se trouve à être celui qui divulgue l'information sur ces mêmes actions. Si auparavant les citoyens étaient en droit d'avoir une information neutre et factuelle sur les agissement de la fonction publique, maintenant elle a une information potentiellement partisane et biaisée. Comment le citoyen peut-il avoir l'heure juste? Il ne possède plus, hélas, de moyen lui permettant de juger de la compétence de la fonction publique ni plus qu'il n'a d'information suffisante pour reconduire ou sanctionner son gouvernement.

Nous entendons par l'intérêt collectif la réalisation de politiques destinées à l'ensemble de la population vouées à son mieux-être à court comme à long terme. Par opposition, les politiques visant une clientèle au détriment d'une autre ou encore ayant comme but autre que le mieux-être de la population n'en font pas partie. Nous constatons que la politisation des communications de la fonction publique échoue dans notre définition de l'intérêt collectif. D'abord, elle ne favorise pas l'ensemble de la population mais bien plutôt un parti politique et ses sympathisants; conséquemment elle ne vise qu'un groupe restreint de citoyens. L'objectif n'est pas lié au mieux être des citoyens mais bien plutôt à la survie électorale d'un parti politique.

La politisation des communications dans la fonction publique amène un grand nombre de problèmes qui risquent de miner durablement l'État. Il s'agit d'une intrusion dangereuse qui peut mener à l'instrumentalisation de la fonction publique à des fins purement partisanes; si effectivement l'État obéit à son gouvernement, il demeure au service des citoyens. C'est justement dans la destination des services de l'État que la gangrène s'est intallée: l'État ne doit pas, en aucun cas, être au service d'un parti politique.

 

[1] Le phénomène du contrôle accru de l'information par les gouvernements est bien exposé par la Fédération professionnelle des journalistes. Le rapport d'analyse de la FPJQ de Régys Caron et d'Annick Poitras intitulé Les politiques de communications gouvernmentales au Québec: Dans l'intérêt public ou du gouvernement? Explique comment les informations sont devenues difficiles d'accès du point de vue journalistique. Il est diponible à l'adresse suivante: http://www.fpjq.org/fileadmin/FPJQ/pdf/11-11_Rapport_politiques_comm_QC.pdf

Commentaires

  • Bien recu Julien. Je donne le suivi. Bonne suite pour toi. Prof

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