Yareth T. Ponce: À la chasse aux « Baby-boomers » !
« L'état contre les jeunes ». Ce titre a attiré mon attention et l’entrevue télévisée avec l’auteur de cet essai m’a convaincue de l’acheter et de le lire. Eric Duhaime nous présente les gros défauts de ce qu’on appelle « l’état providence » en expliquant comment les « baby –boomers » ont détourné le système, ainsi que les conséquences dévastatrices de leurs politiques pour la jeune génération.
Je suis intéressée par le sujet non seulement en raison de mon statut d’étudiante en administration publique mais aussi parce que j’appartiens à ce groupe de jeunes dont le livre parle. Alors, dès le lendemain de l’entrevue j’achète le livre et je commence ma lecture.
Un essai de 162 pages qui frappe à première vue. La couverture noir du livre et son titre en gros caractères rouges qui occupent plus de la moitié de l’espace me donnent l’impression d’acheter un livre d’horreur de Stephen King. En fait, des mots bien choisis pour créer un sentiment sensationnaliste d’indignation. Le concept : nous décrire des histoires d’horreur de l’état québécois et la prévisible fin tragique pour toute la nouvelle génération de québécois et québécoises. Mais, cet essai est-il vraiment une représentation de la réalité québécoise ou plutôt le reflet du point de vue de son auteur imprégné d’un idéalisme de la droite?
L’histoire de cet essai est basée sur les politiques nées de « la révolution tranquille » au début des années 60 et sur toutes les autres réformes qui ont mené à la croissance spectaculaire de la fonction publique et le rôle considérablement accru de l’État dans la vie économique, sociale et culturelle de la province. Dans ce contexte, l’auteur nous présente les vilains de leur histoire : Les « baby-boomers » -autrement considérés comme les précurseurs de ce grand changement politique- et les victimes : Les générations X, Y et Z.
Pourquoi accuser les baby-boomers de tous « les malheurs » que nous vivons actuellement? Est-ce que « la révolution tranquille » représente la défaite plutôt que la réussite dans l’histoire québécoise? …
Sans doute, le Québec ne serait pas le même peuple qu’il est aujourd’hui s’il n’avait pas souffert de tous les changements de cette « révolution » qui a contribué à lui donner une identité. La nationalisation de l’industrie la plus importante, le système d’éducation accessible, laïque et obligatoire, la langue française et le rôle de la femme dans la société sont des exemples d’avancements qu’a vécus la société québécoise grâce à la pression de ces « baby-boomers » et dont nous, les jeunes d’aujourd’hui, continuons à bénéficier.
Présentement, il est incontestable que l’état québécois, dans le but d’accomplir son obligation de veiller au bien commun de tous les citoyens et citoyennes, doit faire face aux multiples défis d’une société moderne différente de la société des années 60: démographie, régimes de retraite, santé, éducation entre autres. Il est essentiel que le « modèle québécois » soit révisé afin de l’adapter à la nouvelle réalité québécoise. Par contre, affirmer que « Chaque jour, l'état québécois s’écroule un peu plus sous nos yeux, un peu comme le tunnel Ville-Marie ou le viaduc de la Concorde. Mal entretenu et à bout de souffle… » (Duhaime, 2011) c’est nier les bénéfices que ce modèle produit dans la société.
Un exemple d’avancement est visible dans le secteur de la santé. Tandis que ce secteur est un des points les plus critiqué non seulement par M. Duhaime mais aussi par l’ensemble de la société, ce système a réussi à prolonger l’espérance de vie de la population : en 1990 l’espérance de vie pour les hommes était de 73.7 ans passant en 2010 à 79,6 ans (Le bilan démographique du Québec, 2011). Il est illogique de penser qu’avec cette tendance à la hausse –ce qui représente plus de soins à fournir dû au vieillissement de la population -nos dépenses dans le système de santé devraient diminuer.
L'état de droits restera toujours la voie par excellence de la démocratie. C’est la seule entité qui peut garantir notre bien commun et une répartition équitable de la richesse collective. Sans être considéré comme partisan ou partisane d’un extrême politique ou de l’autre, il est facile de constater comment l’absence de l’état dans la vie d’une société peut mener au déséquilibre social. Pour illustrer ce propos il suffit de comparer –encore une fois- les systèmes de santé du Québec (système canadien, modèle Beveridgien) et celui des États Unis (assurance privée). Pendant que le premier assure la protection maladie universelle en utilisant des recettes fiscales, le deuxième est assuré grâce à des assurances privées payées par l’employer –qui n’a pas l’obligation de cotiser - et l’employé. Conséquences de ces deux systèmes : ici, au Québec – et partout au Canada- tout citoyen peut se procurer des soins de santé et tout le monde est assuré–sous certaines conditions de séjour -. Aux États Unis, un cinquième de la population n’a aucune couverture médicale et a donc l’obligation de défrayer le coût total des soins obtenus. Une inégalité présente dans une des sociétés les plus riches ou le secteur privé a le -dessus de l’état.
Nous ne pouvons culpabiliser ni cet « état providence » ni les « baby-boomers » d’appauvrir la jeune génération québécoise étant donné que nous bénéficions aussi d’une panoplie de programmes publics généreux existants seulement au Québec. Jean-François Lisée nous offre un exemple de cette réalité : « Chaque année, 113449 personnes profitent de l’assurance parentale, 535 000 ménages touchent la prime au travail accordée aux gagne-petit, 1,8 milliard de dollars servent à diminuer les coûts de garde…plus de 5 millions de jours d’hospitalisation sont offerts gratuitement… » (Jean-François Lisée, 2012. En référence à un article publié dans Le Devoir). Chose certaine, tous ces exemples représentent l’état québécois qui depuis la « révolution tranquille » évoque les valeurs d’une société plus collective, plus solidaire et plus équitable. Alors, pourquoi vouloir réduire l’intervention de l’état en faveur du capital privée ?, N’est-ce pas une société capitaliste où l’économie est dictée par les marchés financiers –avec une structure normative minimale- qui a mené la plupart des économies nationales à une crise mondiale en 2008? Regardons vers le sud, non seulement vers nos voisins les plus proches, mais bas et nous voyons des sociétés marquées par des inégalités sociales où des programmes sociaux tels que nous le connaissons sont presque inexistants créant un écart plus profond de la répartition de la richesse.
La société québécoise est en constante évolution. Héraclite dans sa célèbre phrase mentionne que “ On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve” pour indiquer que tout est en perpétuel changement. Comme les eaux d’un fleuve, les contextes de la société ne sont jamais les mêmes et, par conséquent, les mouvements qui y surgissent sont propres à un point spécifique de leur histoire. Alors, pourquoi accuser tous ceux qui ont vécu et participé à ce moment de l’histoire québécoise? Pourquoi les juger et les traiter de voleurs, d’inconscients et d'égoïstes sachant que les actions que nous posons aujourd’hui pourront être l’objet de jugements aussi démoralisants par les générations futures. Est-ce que nous avons la certitude que nos actions auront seulement des répercussions bénéfiques pour nos descendants?... Il faut répondre à ces questions en sachant que nous sommes en perpétuelle évolution et que les choses qui sont aujourd'hui ne seront pas les mêmes demain ...
Écrit par: Yareth Thamara Ponce
Commentaires
Bien recu Yareth. Pour avoir osé ...bravo. Voyons maintenant le produit.