Y. D. SOMDA -Le pouvoir judiciaire : le Talon d’Achille de l’Etat de droit au Burkina Faso
L’Etat de droit étant, à ne point douter, la condition sine qua non sinon de l’applicabilité des principes de l’administration publique, du moins de leur efficacité, il nous a paru opportun de nous intérroger sur l’effectivité de l’Etat de droit au Burkina Faso. Cette démarche peut paraître, de prime à bord, sans intérêt dans la mesure où le Burkina Faso s’est doté depuis 1991 d’une Constitution qui pause clairement le principe de la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, et judiciaire). D’un point de vue institutionnel, il n’y a certainement pas grand chose à redire sur l’existence d’un système judiciaire organisé avec différents niveaux de juridictions. Cependant, il est de notorité publique que le Burkina Faso souffre de sa Justice qui est assez souvent mise à l’indexe. La perte de confiance des Burkinabé en celle-ci a atteint son point culminant, sans doute, avec la fameuse et dramatique affaire de l’assassinat du journaliste d’investigation Nobert Zongo et de ses compagnons dans laquelle étaient impliqué des personnalités politiques ; Cette affaire ayant révélé l’impuissance des autorité judiciaires à faire la lumière sur les circonstances de l’assassinat. D’où le sentiment général au sein de l’opinion publique de l’existence d’une justice pour les faibles et pauvres d’une part, et d’une autre justice, très complaisante, pour les hommes fort du régime, d’autre part. D’ailleurs, plus prosaïquement, cette dernière Justice se traduisait par l’expression suivante : « si tu fais, on te fait et puis il n’y a rien ». C’est la justice du deux poids deux mesures caractérisée par une sorte d’impunité généralisée au profit des privilégiés du régime, notament les militaires, hommes politiques et opérateurs économiques proches du régime ainsi que leurs protégés.
Ici le problème est que l’indépendance des magistrats est mise à rude épreuve par les interventions répétées de membres de l’exécutif pour donner des intructions afin que tel ou tel dossier soit intruit dans le sens voulu. Et le malaise dans le problème, comme le dirait l’autre, c’est de mon point de vue qu’il dévient dans ces conditions impossible du moins difficile de faire respecter les lois et règlementations à un fonctionnaire qui est dans les grâces du régime. En effet, au regard de ce qui précède, même le respect du tout prémier principe de l’administration publique selon lequel « tout doit être approuvé » dévient le cadet de préocupations des agents publics s’ils ont l’assurance de ne rendre compte à personne d’autre qu’à leur protecteurs de l’exécutif qui eux-mêmes n’en ont généralement cure. Les conséquences de cet état de fait sont bien connus que je nomme corruption, mauvaise gouvernance, détention arbitraire et bavures, exécution sommaire etc. A titre exemplatif, lorsqu’en 2007 le directeur général de la douane Ousmane Guiro fut frappé d’un mandat de dépôt émis par un juge d’instruction dans le cadre d’une affaire d’exonérations douteuses de droits de douanes accordées à des opérateurs économiques, il a fallu quelques heures pour que le ministre de la justice donna l’ordre au Procureur du Faso d’obtenir sans délai la main levée, et par suite, l’annulation du mandat de dépôt. Et le prémier ministre d’alors de justifier dans la presse que le Sieur Ousmane Guiro n’était pas n’importe qui.
Cependant, la gestion très récente des affaires liées au décès de l’élève justin Zongo et de la crise militaire qui s’en est suivie semble indiquer que les choses bougent, encore très doucement certes, mais assurément dans le sens d’une justice plus équitable. En effet, suite à ces affaires on a assisté pour la toute prémière fois à la mise à la disposition et à la condamnation des policiers impliqués dans le décès du jeune Justin Zongo. Malgré les nombreux doutes sur l’indépendant de la justice dans cette affaire - d’aucuns ayant soutenu que la célérité de la justice dans cette affaire n’avait pour seul objectif que d’apaiser la tension social croissante - une lieur d’espoir apparaissait dans l’opinion publique. Cette tendance s’est confirmée en ce début d’année avec l’arrestation en janvier et l’inculpation du même directeur général de la douane Ousmane Guiro pour détention par dévers lui d’une forte somme d’argent liquide et de nombreux objets de valeur dont la provenance n’est jusqu’à ce jour pas encore déterminée. L’affaire est encore en instruction et aboutira sans nul doute à un procès très prochainement ; espérons le. Dans cette dernière interpellation, l’actuel premier ministre a affirmé avoir instruit dès le début de l’affaire la poursuite des investigations des officiers de police judicaire et mis en garde formellement contre toute tentative d’ingérence d’ordre politique dans le dossier. Une autre affaire récente et pas la moindre est celle dite du « mécanogate » qui en dit long sur l’enracinement du sentiment de toute puissance des autorités qui ont du mal à s’adopter à la nouvelle donne de l’Etat de droit naissante. En effet, pour une altercation suite à un incident de la circulation entre un pauvre mécanicien et le désormais ex ministre de la justice et de la promotions des droits humains, Gardes des sceaux, excusez du peu, le 19 févier dernier, le malheureux s’est vu administré une bonne bastonnade par des agents de la garde de sécurité pénitentiaire, sous les ordres ou le silence coupable c’est selon, du ministre afin qu’il retienne la leçon. Après une nuit de détention au commissariat central de police de Ouagadougou, notre pauvre mécano s’en est tiré avec un visage tuméfié et de nombreuses commotions. On peut donc se demander légitimement au regard de ces faits, comment le ministre de tutelle de la justice et des droits humains, le premier responsable de la bonne administration et de l’application correcte des lois et règlementations en ces matières, peut-il en arriver à une telle inobservation grotesque et impardonnable de ces mêmes lois ? Le 23 févier dernier alors que nous étions en visite à l’Assemblée nationale à Québec, la nouvelle du limogeage est tombée comme un couperet sur la tête du ministre qui certainement s’en est effaré, lui qui croyait encore pouvoir « faire » le pauvre mécanicien sans que rien ne se passa. Le premier ministre, quant à lui, en avait une toute autre lecture. Et cette vision est sans doute la bonne. Si le Burkina aspire à l’effectivité de l’Etat de droit, on ne peut se permettre de tolérer encore longtemps ces agissements constitutifs d’une violation du principe de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir judiciaire devant effectuer les arbitrages des conflits dans l’exercice des droits, se doit d’être indépendant, impartial et irréprochable. Cela demeure un enjeux fondamental de l’administration publique du Burkina dont les maux ne peuvent être efficacement traités sans le préalable de l’Etat de droit et, par conséquent, entre autres choses celui d’un pouvoir judiciaire qui joue pleinement son rôle. La tache est loin d’être facile, car malgré la volonté politique forte du premier ministre, en avait-il encore vraiment le choix, de changer les choses, certains ont encore du mal à suivre ; la presse nationale nous relatait une fois de plus, il y a à peine quelques jours, le sort d’un gérant de débit de boisson qui s’est fait « flinguer » par des militaires en manque de bon sens qui du reste, si je m’en tiens à la nouvelle donne, devraient être mis au arrêt et inculpés conformément aux lois en vigueur.
Bonne lecture et merci de l'attention!
Commentaires
Bien rcu et maintenant à la correction . Bravo pour avoir osé.