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Brigitte V.Le financement des coopératives de santé est malade… y a-t-il un médecin dans la salle?

Au Québec, on dénombre une cinquantaine  de coopératives de santé principalement situées en région puisqu’elles ont justement été créées  par et pour les communautés qui recherchaient, soit à maintenir un service de proximité existant mais menaçant de partir, soit à améliorer l’offre de services aux citoyens dans un mouvement de concurrence auquel s’adonne les municipalités par principe de rétention et d’accroissement de leur population.

 

C’est donc en s’appuyant sur les articles 90 et 91 de la Loi sur les compétences municipales, entrée en vigueur le 1er janvier 2006, que les municipalités ont pris à partie de participer à la création de coopératives de santé sur leur territoire et contribuer directement ou indirectement au financement de celles-ci.

 

Outre les contributions des municipalités et de celles de partenaires,  le financement des coopératives de santé repose aussi sur la contribution des membres-utilisateurs : les citoyens.  Un premier reportage choc mené par l’équipe de LA FACTURE et diffusé à Radio-Canada le 21 septembre 2010 a amené la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) a enquêté sur trois coopératives de santé, puis sur cinquante.1   Quinze d’entre-elles ont été mises en demeure de respecter la Loi sur l’assurance maladie en lien avec l’accessibilité à un médecin.2  Qu’aura l’effet du 2e reportage de l’équipe de LA FACTURE, diffusé le 7 février dernier qui laisse croire que la pratique qui consiste à être membre des coopératives de santé pour obtenir les services d’un médecin y exerçant prévaut toujours, de façon détournée, dans les trois quarts des coopératives de santé au Québec.

 

Au terme de ces enquêtes des radiodiffuseurs et de celles de la RAMQ, le constat de baisse significative des contributions des membres-utilisateurs des coopératives de santé se fera sans doute facilement.  Qui assumera le manque à gagner?  Les municipalités?  Après tout, ce sont elles qui ont largement participé à leur création.

 

C’est là que le bât blesse et que les enjeux sont grands!   Parce que le financement des coopératives de santé par les municipalités, directement ou indirectement,  par le truchement des O.S.B.L  auxquels les municipalités verseraient leurs contributions aux coopératives pour contourner la Loi sur l’interdiction de subventions municipales a lui aussi du plomb dans l’aile.

 

En effet, dans un article paru dans LE DEVOIR en avril 2011, on apprenait que huit citoyens de la Municipalité de Yamaska avaient fait parvenir une plainte au ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire (MAMROT) en 2009 alléguant , entre autre « …que le financement consenti par leur municipalité était en fait une subvention allouée à une entreprise, chose interdite au Québec. »3   On y apprenait aussi que « Dans un avis rendu le 26 janvier 2010 […] la direction régionale de la Montérégie  [du MAMROT]  leur avait donné raison. »4  et que « La question du financement des coopératives par les municipalités est toujours en analyse au MAMROT. […] `` C’est le gouvernement qui va statuer lorsque cet examen sera terminé ``, promet-on au Cabinet du ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard. »5

 

Près d’un an après les propos du Ministre, deux ans après qu’une plainte de citoyens ait été déposée au MAMROT, le problème reste entier.  Dans un autre article paru dans LE DEVOIR le 17 novembre 2011, on apprenait que la municipalité régionale de comté (MRC)  Nouvelle-Beauce  « …propose aux villes de lever une taxe supplémentaire d’un sou à un sou et demi par tranche de 100 $ d’évaluation municipale, soit une contribution d’environ 20 $ pour une maison de 150 000 $... »6   Selon l’article, la MRC Nouvelle-Beauce souhaite versé les sommes ainsi recueillies annuellement à un O.S.B.L.  « pour financer la construction et la gestion d’une nouvelle clinique à  Sainte-Marie-de-Beauce et assurer  la gestion à long terme de deux coopératives et de deux petites cliniques existantes.7    L’article mentionne, encore une fois,  que la réflexion est toujours en cours au MAMROT.

 

Pendant que le MAMROT analyse la question, promet de statuer et réfléchit,  le problème demeure et la maladie se propage!  Elle se propage jusqu’à Sainte-Thècle sous une forme nouvelle, mais prévisible,  puisque 2 des 3 médecins exerçant leur profession à la coopérative de Sainte-Thècle transfèrent leurs pénates à la coopérative de Saint-Boniface.   Peut-être pas prévisible pour tous, ce phénomène de concurrence ou de surenchère,  puisque la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Madame Julie Boulet, aussi ministre responsable de la région de la Mauricie et députée du comté de Laviolette s’exprimait sur ce sujet, selon ce que rapportait un article paru dans LE NOUVELLISTE le 31 janvier 2012 : «`` Je viens d’apprendre que ces médecins déménageaient de Sainte-Thècle à Saint-Boniface », commente-t-elle.   « Je vais rencontrer l’agence pour qu’on m’explique.  Je ne sais pas comment peut-on autoriser ça.`` »8  Pourtant… Pourtant, la ministre Boulet se souvient sans doute du temps où elle était pharmacienne et qu’elle avait « …pris la décision d’offrir un loyer gratuit pour d’excellente raison, afin de conserver dans la municipalité de Saint-Tite ses deux médecins locataires qui étaient fortement sollicités par des avantages équivalents de la part de la coopérative de santé de Saint-Thècle, situé dans le village voisin. »9   Curieux!

 

Curieux et désolant!  Alors que les municipalités sont des organismes publics décentralisés,  créés par le Gouvernement du Québec,  et, par le fait même, soumises aux principes fondamentaux des états de droits selon lesquels  tout est défendu à moins d’être approuvé, voilà qu’elles se sont engagées dans un processus de concurrence insoupçonné les rapprochant dangereusement du domaine privé et ce, sous l’œil attentif, plutôt passif, de leur créateur.

 

Alors que la Direction régionale de la Montérégie,  du ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’occupation du territoire (MAMROT)  s’est prononcée sur le financement direct des coopératives de santé par les municipalités, le MAMROT,  lui, réfléchit!  Et quelque chose me dit qu’il ne réfléchit pas tout seul.

 

Car, au-delà des principes fondamentaux, les enjeux, ici, sont de tailles.   A-t-on donné trop de latitude aux municipalités dans leurs champs de compétences sous prétexte de favoriser l’innovation et les initiatives locales?  La croissance constante des dépenses de l’État (Loi de Wagner) a-t-elle poussé le gouvernement a transféré, a peine subtilement, certaines responsabilités en matière de santé aux municipalités?  Lorsque la RAMQ aura terminé « son ménage » dans les coopératives de santé, le gouvernement comblera-t-il le manque à gagner de par la diminution des contributions volontaires des utilisateurs ou est-ce que les municipalités hériteront en majeur partie des organismes créés?  Et  si les tribunaux, le pouvoir judiciaire, déclaraient que le financement direct ou indirect des coopératives de santé n’est pas de compétences municipales, qu’adviendrait-il des coopératives de santé ainsi créées?

 

Voilà des questions qui, on le comprendra, portent l’État québécois à une longue réflexion…  Le temps serait quand même venu de circonscrire le problème avant qu’il ne se propage de façon épidémiologique!

 

Brigitte V.

Enap – Montréal

 

 

1.        RAMQ, Coopératives de santé - La Régie accentue ses actions,  QUÉBEC, le 6 févr. 2012 /CNW Telbec/

2.        Liste publié par la RAMQ, fév.  2012.

3.        Louise-maude Rioux soucy, « Coops de santé : Québec dans l’embarras », LE DEVOIR,  11 avril 2011.

4.        Idem 3

5.        Idem 3

6.        Amélie Daoust-Boisvert, «  MRC Nouvelle-Beauce – Une taxe municipale financerait la santé », LE DEVOIR,  17 nov.  2011.

7.        Idem 6

8.        Guy Veillette, « Médecins : Julie Boulet se questionne », LE NOUVELLISTE,  31 jan. 2012.

9.        Clairandrée Cauchy, « La ministre Boulet encore dans l’embarras », LE DEVOIR, 2 nov. 2004, p. A3.  Tiré de : HÉBERT, Réjean et PRÉMONT, Marie-Claude, « Les coopératives de santé : entre compétition commerciale et solidarité sociale », La Revue juridique Thémis, 44 (3-2010), p. 273 – 323.

Commentaires

  • Brigitte. Voilà un blogue des temps présents qui appelle des dimmensions fondamentales et des principes de l'administration publique dans un État de droit. À la lecture plus attentive nous verrrons bien si le rappel de ces principes a traversé le mur de la théorie pour s'incarner dans la réalité. Les efforts
    appellent une analyse attentive.

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