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VLavoie - L'anglais : est-ce primaire?

Anglais intensif en 6e année du primaire : le débat est maintenant ouvert.

Comme pour toute question relevant de l’administration publique, il n’y a pas de réponse courte et sans équivoque. Le débat est d’autant plus épineux qu’il  met en perspective certaines particularités – pour ne pas dire susceptibilités – propres à l’État québécois : son histoire, son interdépendance économique vis-à-vis un marché essentiellement anglophone, sa culture basée sur le fait français qui perd du terrain dans l’usage chaque année, de la menace d’une immigration trop peu francisée. À ces questions bien linguistiques s’ajoute la dimension identitaire. L’éducation est un enjeu national et il convient donc de se questionner sur sa mission. Ainsi, rien n’est simple.

Revenons brièvement en arrière pour mieux saisir les enjeux liés à l’apprentissage de l’anglais comme langue seconde : depuis plusieurs décennies, à la création du ministère de l’Éducation et l’élaboration d’un même curriculum pour tous, l’apprentissage de l’anglais langue seconde démarrait à la 3e année du primaire et se poursuivait jusqu’à la 5e secondaire. Depuis le nouveau programme de 1995, cet apprentissage se prolongeait également au niveau collégial. En 2005, le gouvernement des Libéraux de Jean Charest mettent à exécution une des promesses électorales faite lors de la précédente campagne en instaurant l’apprentissage de l’anglais langue seconde dès la 1ère année du primaire. Le changement est annoncé à l’hiver et doit entrer en vigueur à la rentrée subséquente, malgré un avis défavorable du Conseil supérieur de l’Éducation qui mentionne que la décision n’est pas fondée sur des études permettant de conclure que cette mesure favoriserait un meilleur apprentissage de l’anglais.

En février 2010, lors du discours inaugural, le Premier Ministre annonce la volonté du gouvernement d’instaurer un programme d’anglais langue seconde intensif en 6e année du primaire. En 2008, Jean Charest avait rejeté l’idée puisqu’il estimait que cette initiative menacerait le français. Le milieu de l’éducation est sous le choc : il n’a pas formulé le besoin de généraliser cette initiative et n’a pas été consulté avant que la décision ne soit annoncée.

Le projet se résume comme suit : la moitié de l’année scolaire, soit 400 heures, serait  réservée à l’apprentissage intensif de l’anglais et l’autre moitié servirait à voir les apprentissages d’une année scolaire dans toutes les autres matières. Le modèle est déjà à l’essai dans plusieurs écoles du Québec, notamment dans les classes de 6e du Lac-St-Jean. Il est reconnu par les linguistes que ce contexte favorise une maîtrise plus rapide et plus efficace d’une deuxième langue.

L’annonce récente de la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, d’aller de l’avant avec le projet suscite des réactions très partagées. Alors que la Fédération des parents mentionne que 87 % des 55 parents qu'elle a sondés se disent en accord avec le projet, elle émet plusieurs réserves. Les syndicats enseignants rejettent l’idée et quittent les tables de travail, des commissions scolaires retardent d’une année l’application (Commission scolaire de la Capitale, Commission scolaire de Montréal (CSDM) de cette mesure.

Tous ne sont pas fondamentalement contre l’idée, mais plusieurs dénoncent que le modèle ne peut être généralisé, et ce, pour plusieurs raisons. Parmi les nombreux facteurs énoncés, on retrouve la problématique des élèves en difficulté pour qui le fait de condenser tous les apprentissages sur une demi-année scolaire laisse planer un spectre quant à la réussite ou des élèves avec un TDAH qui éprouvent d’immenses difficultés à maîtriser le système linguistique de base et à qui on demanderait de maîtriser aussi un autre système linguistique en parallèle. On parle aussi des élèves des classes d’accueil, nombreux sur l’île de Montréal. Ces élèves n’ont pas accès aux cours d’anglais parce que les études démontrent les effets néfastes d’apprendre deux nouvelles langues à la fois. Il y a aussi la forte concentration des familles immigrantes dont la langue maternelle et la langue d’usage à la maison n’est pas le français – 52 % des familles de la CSDM – pour qui il ne serait pas utile de favoriser l’apprentissage de l’anglais au détriment du français. D’ailleurs, la CSDM se questionne actuellement sur les moyens de faciliter l’usage du français dans ses cours d’école pour contrecarrer l’utilisation de l’anglais et de d’autres langues communes. Aussi, on se demande que faire avec les enfants déjà bilingues pour qui la perte de temps ne serait pas que de quelques heures par semaine, mais d’une demi-année complète. On doit aussi analyser comment cette mesure pourrait s’inscrire dans la réalité de plusieurs classes en régions éloignées où des élèves de 5e année et de 6e année cohabitent déjà et où la tâche de l’enseignant est déjà fort complexe. Cette mesure aurait aussi un impact sur la relation de proximité nécessaire dans le contexte scolaire primaire entre un enseignant et ses élèves. En effet, deux enseignants seraient attribués à chaque classe pour garantir tous les apprentissages. Par ailleurs, est-ce qu’on réduira le programme de 6e année pour permettre cet apprentissage? Est-ce que les professeurs réussiront à enseigner toute la matière prévue sur 10 mois en seulement 5 mois? Est-ce que les parents seront à même d’offrir le temps et l’énergie nécessaire à la période des devoirs et des leçons lors de la portion intensive des apprentissages? On doit aussi questionner si les ressources enseignantes seront suffisantes. Le fait d’instaurer les cours d’anglais dès la 1ère année a déjà causé des maux de tête aux directions d’école. Le ministère de l’Éducation prévoit déjà un manque de ressources enseignantes qui pourraient réduire les possibilités d’étendre le projet partout au Québec pour les 4e et 5e années d’application. Cela est sans compter la relative difficulté actuelle pour les milieux éloignés des grands centres de recruter des enseignants compétents et formés. En effet, il n’est pas toujours simple de recruter des enseignants qualifiés à Roberval ou à Mont-Laurier. Les critiques sont nombreuses et les questions restent sans réponses. On reproche au ministère de l’Éducation de ne pas avoir évalué les impacts de sa décision en amont du processus et de ne pas avoir consulté les différentes parties (parents, syndicat, cadres scolaires, population). La dernière réforme, le renouveau pédagogique, a été fait en ne tenant pas compte des différents acteurs et il a fallu plus d’une décennie avant qu’elle ne puisse se réaliser pleinement. Est-ce que l’histoire ne nous a pas enseigné qu’il vaut mieux obtenir un consensus sur le principe avant de procéder avec un projet de loi?

Et à cela, il faut ajouter d’autres questionnements sur la nécessité de l’école québécoise à rendre bilingues ses jeunes générations et des enjeux sur la pérennité du français comme élément central de la culture générale. Au Québec, dans les 50 dernières années, plusieurs efforts ont été faits afin de favoriser l’usage du français, notamment dans le milieu de travail et dans le milieu des affaires. La loi 101 est venue systématiser l’apprentissage du français pour les personnes issues de l’immigration et renforcer la prédominance de la langue commune au Québec. Malgré ces efforts, on remarque aujourd’hui que l’utilisation du français a perdu du terrain, et ce, particulièrement à Montréal. En 2011, on remarquait pour la première fois que la langue maternelle et la langue d’usage à la maison pour les élèves du primaire de la CSDM était majoritairement une langue autre que le français. Près de 40 % des milieux de travail à Montréal exigent la maîtrise de l’anglais alors que seulement 10 % de la population est unilingue anglophone. D’ailleurs, nous ne pouvons passer sous silence que seuls les francophones semblent devoir être bilingues dans les milieux de travail. Par ailleurs, est-ce qu’il en est de même pour tout le Québec? J’en doute.

Ce constat nous ramène à une question fondamentale : quel est le rôle du système éducatif dans une société? Doit-il veiller à développer les connaissances et les compétences de base afin que chacun bénéficie d’une base solide et de compétences minimales à partir desquelles il pourra déployer des compétences du plus haut niveau et une solide expertise. La moyenne en français pour tous les élèves de 6e année est présentement à 65 %. Dans un contexte où on se questionne en Occident sur les niveaux de littératie et qu’on doute de la compétence réelle à comprendre et à utiliser la langue, s’agit-il de renforcer la langue maternelle dominante, ici le français, ou à planifier simultanément la maîtrise moyenne de deux langues? Dans les faits, est-ce du ressort de l’État que de permettre à toute sa société d’acquérir la maîtrise d’une deuxième langue? On peut se poser la question des raisons qui motivent ce choix pour justifier la réponse. On mentionne l’avantage de maîtriser une deuxième langue sur le marché du travail. Pourtant, dans les faits, combien de jeunes québécois utilisent l’anglais comme langue de travail? Combien de propriétaires de PME s’en tirent très bien sans parler anglais? Est-ce que la jeune génération ne devrait être perçue seulement comme une main-d’œuvre potentielle? Si oui, n’est-il pas plus nécessaire d’avoir un diplôme qualifiant, d’apprendre un métier et de développer les compétences de base pour cheminer sur le marché du travail. Sans anglais, point de salut? 

Le Québec, de par son histoire et son évolution (pensons seulement au « Maîtres chez nous » de Lesage), est une nation intimement attachée au fait français et plusieurs moyens ont été mis en œuvre au fil des siècles pour en assurer la pérennité. Le ministère de la Culture et des Communications investit des sommes considérables pour définir et garantir le rayonnement culturel du Québec  et le fait français dans une Amérique du Nord très anglophone. Est-ce que l’identité québécoise se définit en français? Est-ce que le système d’éducation doit d’abord s’assurer de cette identité de par sa mission première? Certainement puisque l’éducation est perçue partout dans le monde comme un enjeu national de premier plan. Il n'y a qu'à voir l'exemple de la Lettonie où la population s'est massivement prononcée (plus de 75 %) pour refuser de reconnaître le russe comme deuxième langue officielle, malgré le fait que le tiers de la population est russophone. L'ancienne présidente avait instaurée en 1999 la politique de la langue lettone, exigeant un "quota" à la moitié des Russes installés en Lettonie sans quoi ils seraient considérés apatrides. Vaira Vike Freiberga qui a vécu au Québec durant quatre décennies et constaté l'importance des conflits linguistiques s'était inspirée de la loi 101. Aujourd'hui les Lettons sont fiers de leur identité et cette identité se confirme dans la langue du pays.

Plusieurs questions ont été exposées dans ce commentaire, mais peu de réponses ont été amenées. Je crois que se poser la question est aussi parfois y répondre. Pour toutes ces questions, je pense que le projet d’anglais intensif en 6e année doit être abandonné.

Commentaires

  • En tant que québécois d'origine immigrante et francophone convaincu, je ne peut que partager vos inquiétudes quant au recul de l’usage de la langue française à plus d’un niveau de la vie quotidienne au Québec. D’ailleurs, l’une des raisons qui ont motivé mon choix d’immigrer au Québec est, et demeure, sans nul doute, mon admiration du peuple québécois que de tenir si intensément à la langue de voltaire.
    Bien entendu, la langue véhicule la culture et s’en inspire, voire s’en nourrit, mais outre la rhétorique, il y a le pragmatique qui veuille que nous ayons des familles à élever et à nourrir, des carrières à gérer ou des entreprises à faire prospérer. Bref, le pain quotidien à assurer !
    Moi-même, qui parle l’anglais comme « une vache espagnole », ai-je payé le prix de mon entêtement à n’user que de mon français et ce, quel qu’en devait être le prix !
    Mais j’ai vite fait de me rendre compte que le prix est plus élevé que je ne le pensais. Si élevé qu’en tant que professionnel du marketing stratégique et de communication, je me suis vu fermer les portes de toutes, je dis bien toutes !, les entreprises québécoises qui semblaient avoir besoin de mes compétences. Je ne parlerai même des postes au gouvernement fédéral !
    Après quatre bonnes années de recherche d’emploi, je me suis résolu à mettre sur pieds une entreprise de design. Après quoi, les choses ont « marché ». Mais combien de professionnels de haut niveau sont capables de conjurer leurs sorts et d’éviter l’enfer de « l’aide du dernier recours » ?
    Croyez-moi, pas des masses !
    Il me vient à l’esprit une blague. À lire et à méditer, quand vous aurez le temps :
    « C’est l’histoire d’un chat qui courrait après une souris, à Montréal, en plein mois de janvier et à -30 degré C.
    Effrayée, la petite souris se réfugie dans un égout et attend que le chat libère le passage. Sauf que le chat, même ayant très froid, refusait d’abandonner si vite la partie. Passée une demi-heure, le chat eut une brillante idée ! Il se dit : « je vais m’efforcer d’imiter l’aboiement d’un chien et on verra ! ». Le chat pris, alors, tout son souffle et jappa deux fois plutôt qu’une.
    La souris mordît au leurre et se dit : « Si le chien est dans les parages, c’est que le chat est n’est plus là ». Mais dès que la souris, rassurée, mit la tête hors de sa cachette, le chat la cueilli.
    Bien entendu, la souris n’était pas contente et elle commença à se plaindre, en soutenant que « le chat avait triché, que ce n’était pas juste et que les chats doivent miauler… bla bla bla… Et le chat de répondre à la pauvre souris désabusée, en la regardant bien dans les yeux : « Hey, s’écria-t-il, icit-là, c’est Montréal,… Si t’es pas bilingue, tu ne survit pas ! ». Fin de la blague.
    Alors, si les chats l’ont compris !

    Aujourd’hui et après tout le martyr que j’ai enduré pour être capable de payer mes factures, je me suis rendu à l’évidence et je me suis inscrit à un cours d’anglais intensif, tout en travaillant sur mon projet de recueil de poésie en langue française. Non seulement cela, mais à la maison je ne parle à mes deux enfants qu’en français tout en leur apprenant combien grande est cette langue !
    Cependant, j’incite mes enfants à apprendre l’anglais, en faisant exactement comme la plupart des politicards, moyens et grands bourgeois qui nous martèlent sur la langue française et ses vertus, alors qu’eux-mêmes et tous leurs enfants sont quelques parts dans des écoles anglaises ou américaines. Qu’on ne se fasse pas d’illusion, la langue anglaise demeure, jusqu’à preuve du contraire, la langue du « business » au Québec.

    Alors, dès que l’on s’entendra sur ce qui précède, l’on peut dire qu’effectivement l’anglais intensif en 6ème est peut-être une grosse folie ou une gaffe stratégique et qu’il fallait bien penser la question et ses applications avant d’entreprendre d’en généraliser l’usage. Mais si le débat est là où le gouvernement a bien voulu le provoquer, il est également ailleurs !

    Je sais qu’en tenant ces propos je ne risque pas de plaire à plusieurs et qu’avec cette manière de penser typiquement « immigrante », je semble, peut-être, grossir les rangs de tous ces immigrants qui faussent la donne au Québec, comme la dit « si bien » M. Pariseau au lendemain du référendum. Mais que voulez-vous, aucun travail de fond, digne de ce nom, n’a été fait dans le sens de la préservation de la culture québécoise (Langue française inclue) afin de rallier les communautés ethniques à la grande cause québécoise et ça c’est déplorable !
    Les partis politiques, au Québec, sont trop occupés à scruter les intentions de votes et sont, à l’année longue, en campagnes électorales. Cela les empêche peut-être de présenter aux « immigrants » un projet clair sur la sauvegarde de l’identité québécoise dont nous, « immigrants et citoyens de seconde zone » faisons partie, si les politiciens et les médias de droite le veulent bien !
    Mon épouse qui vous passe, d’ailleurs le bonjour et tout en lisant au-dessus de mon épaule ces quelques derniers lignes me demande, je cite : « Que viennent faire les « immigrants » dans cette histoire (pour dire texte) ? ».
    Et moi, je préfère lui répondre par écrit :
    «… C’est parce que je suis immigrant et que les immigrants font, désormais, bonne partie de la société québécoise. Une partie si grosse qu’elle peut faire basculer un référendum. Alors, par courtoisie ou par intérêt, il serait grand temps de les « intégrer » et qu’on n’attende pas qu’ils s’intègrent… ».

    Une petite précision, pour clore : La population immigrante, ou à tout le moins celle admise pendant les dix dernières années est largement majoritairement francisante et qu’on pas besoin de faire trop d’effort pour la rallier la cause « francophone », puisqu’elle est déjà francophone !
    L’effort à faire est au niveau de son intégration aux valeurs québécoises qu’elle n’a aucun moyen de connaître. Pas même un « manuel du parfait immigrant ».
    Alors, livrée à elle-même, elle apprend sur le tas et il va falloir lui pardonner ses erreurs éventuelles !

    Sur ce, bonne soirée et à la prochaine chicane !

  • Cher Rachid, merci pour ce commentaire brillant et magnifiquement rédigé.

    Effectivement, votre point de vue se rapproche du mien et met en lumière, allégorie à l'appui, le passage obligé vers l'anglais pour satisfaire un poste à Montréal. Que l'on soit immigrant ou non ne change pas tout à mon avis. Le défi pour la personne immigrante est effectivement double, car il doit aussi "s'intégrer à la culture du travail au Québec", ce qui s'apprend difficilement dans les volumes, mais davantage par la pratique. Heureusement, votre constat est partagé. Il existe maintenant des formations offertes par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles intitulée S'adapter au marché du travail québécois. On y évoque plusieurs éléments de la vie professionnelles, des attentes de l'employeur et des collègues aux règles tacites qui régissent les échanges entre collègues et la résolution de conflit. On travaille aussi avec la personne immigrante pour voir avec elle les principales pratiques d'embauche, les valeurs du marché du travail québécois et les moyens dont on doit user pour réussir à décrocher un emploi. Évidemment, la formation n'est pas toujours garante de résultats tangibles, mais on outille la personne pour l'aider dans son processus d'intégration. Pour travailler majoritairement avec une clientèle d'immigrants, je sais que ces formations soutiennent la deuxième phase d'intégration, celle qui suit la formation en francisation, lorsque celle-ci est nécessaire. D'ailleurs, cette formation est inscrite à même le troisième niveau de francisation dans les collèges de l'île de Montréal et, au dire des animateurs responsables de diffuser ces formations, celles-ci sont riches en apprentissages et très formatrices. Il est primordial de soutenir la personne immigrante dans ses efforts d'intégration et de recherche d'emploi.

    Or, il demeure que la langue est le principal obstable à l'intégration en emploi selon le MICC et il n'existe pas de panacée, malheureusement. On assiste à l'anglicisation des milieux de travail depuis plusieurs années déjà et la tendance ne semble pas s'inverser. Un sondage récent démontre que 3 anglophones de Montréal sur 4 sont d'accord avec le fait que les entreprises doivent fonctionner en anglais et ils comprennent mal pourquoi les francophones revendiquent des milieux de travail en français. Cela se passe de commentaires. Il est déjà bien triste de constater cette situation, encore faut-il que le gouvernement ne proposent pas des moyens en amont pour favoriser l'anglais comme langue de travail au Québec. C'est un lieu commun de dire que les seuls bilingues à Montréal sont les francophones. L'État est le seul capable de remédier à la situation et de garantir la place du français au Québec.

  • Je suis entièrement d’accord avec tout ce qui a été dit. L’anglicisation de Montréal est inquiétante parce qu’elle remet en question les acquis linguistiques auxquels sont s’y fortement attachés les Québécois, toute origine confondue! Mais la question que nous pourrions se poser est de savoir d’où vient-elle? Des lacunes dans notre système de francisation sont indéniables. D’abord, il est intéressant de noter que la grille de sélection québécoise est plus permissive au niveau de la connaissance des langues que la grille canadienne. Autrement dit, il est plus probable d’être accepté au Québec sans aucune connaissance du français et/ou de l’anglais qu’au fédéral. Une fois admis, on ne sait pas à quoi correspond réellement la connaissance du français du nouvel arrivant puisqu’il n’y a pas de test formalisé auquel se référer. Trois cours de mise à niveau lui sont ensuite offerts pour lesquels il reçoit une compensation financière de 100$ par semaine sur une période qui varie entre 3 et 9 mois. Or une minorité seulement suive ces cours. La raison principale est que l’immigrant-type sélectionné est dans la trentaine, à des enfants, une femme ou un mari qui nécessitent une rentrée d’argent rapide. Même à 380$ par semaine au salaire minimum, l’offre gouvernementale de 100$ devient dérisoire et obsolète. Ainsi, plusieurs immigrants décideront de ne pas apprendre le français parce que l’impératif d’avoir un revenu suffisant pour subvenir aux besoins essentiels est trop contraignant. Le peu de connaissance de l’anglais sert donc ces gens qui ne seront francisés qu’inadéquatement.

  • Chère Valérie,
    Vous m’avez gratifié d'un commentaire du commentaire fort intéressant et qui dénote d’une large connaissance des questions immigrantes. Or, il se fait que je travail sur le projet d’une revue mensuelles justement sur la question.
    Faites-moi signe si vous avez des messages à passer ou des réflexions, je me ferais un plaisir de les inclure dans le premier numéro.
    Par ailleurs, le débat est intéressant et je t’invite cordialement à visiter particulièrement un de mes trois blogues intitulé « Rachid… Souverainiste ? ». Il m’importe beaucoup de voir ce vous pensez du contenu.

    Merci de votre réponse.

  • Les commentaires sont forts instructifs. je n'ajouterai que quelques mots, bien modestement, aux brillants commentaires préalables.

    D'abord, ne pas connaître l'anglais est une tare, surtout dans le contexte où les francophones ne représentent qu'une infime population en Amérique du Nord. Cependant, la société devrait être suffisamment complète pour qu'on y puisse vivre et s'épanouir en français. Nous savons que cela est possible, puisque nous le faisons pour la plupart quotidiennement. Parizeau a été cité plus haut. Bien que je ne soit pas particulièrement fan de Parizeau (sa définition de la nation est, selon moi, digne d'une autre époque) il faut admettre qu'il avait raison sur la nécessité de parler anglais: "je botterai le cul des québécois qui ne parlent pas anglais" s'amusait-il a dire. Il faut comprendre que l'émancipation passe par la connaissance des menaces et la maîtrise de leurs forces (Parizeau était gradué de la London School of economics). La survie du français passe donc par une connaissance de l'anglais, n'en déplaise aux clowns de la souveraineté (Larose ou Feu Falardeau). Cela signifie que les Québécois sont condamnés à vivre dans leur réalité minoritaire. Quel salut y a-t-il alors? Il faut faire en sorte que dans ce bilinguisme forcé le français passe en premier. Pour cela, il faut structurer le politique pour donner les moyens de le faire. Conséquemment, il n'y a que deux options acceptables (le statu quo menant à la Louisianisation du Québec): la réintégration au Canada dans un contrat fournissant des garanties à la société québécoise ou la souveraineté simple. A vous de choisir votre camp.
    Cela dit, tant et aussi longtemps que le Québec demeure dans l'inaction, les immigrants seront dans une position intenable. Faut-il choisir le français ou l'anglais? La décision portera sur l'anglais - le politique l'avantage (comme vous l'avez constaté, M. Rachid). Pour les mêmes raisons qu'un immigrant à Barcelone n'apprendra pas le catalan mais plutôt l'espagnol. Bien sûr, le français n'est pas le catalan: il est parlé par des centaines de millions de personnes. Ce n'est pas une langue marginale.

    Pourtant, la légitimité politique est un outil puissant qui dicte et conserve la culture.

    Un exemple: la Finlande. Ils sont moins d'une dizaine de million à parler une langue ouralienne - dans le monde. Nulle part dans leur pays nous voyons quelconque référence à l'anglais. Pourtant ils sont bilingues: ils parlent aussi le Suédois. Mais un immigrant en Finlande n'aurait pas comme réflexe d'apprendre d'abord le Suédois (ou l'anglais, puisque cela nous interpelle).

    Est-ce que la Finlande est un pays limité par les questions linguistiques? Aucunement. Leur niveau de vie est exemplaire, ils ont des fleurons économiques (Nokia?) et sont ouverts sur le monde.

    Toujours dans ces pays nordiques (le Québec est-il un pays nordique? non. Mais l'hiver, tout de même...) on remarque une indépendance - celle de la Norvège face à la Suède. D'un commun accord ils se sont séparés. Si on demande aujourd'hui à la Suède quels sont ses principaux partenaires (dans tous les domaines) la Norvège sera parmi les premiers, sinon le premier.

    Tout cela pour dire que c'est ce que le Québec souhaite: avoir les Canadiens comme partenaires et alliés. Chacun sa souveraineté, d'égal à égal. Que ce soit dans une confédération renouvelée ou dans la souveraineté.

    Bon je vais dormir maintenant. Au plaisir.

  • Cher Etienne,
    Bien vu, même si la réalité est plus complexe que cela. Il faut être dans la peau d'un immigrant pour comprendre que lorsqu'on on met les pieds dans pays d'accueil, notre tête bouillonne de tant de choses qui dépassent le simple souci de la langue ! Mais conne je ne cesse de le dire, tout le monde au Québec veut sauvegarder l'identité québécoise (identité linguistique inclue), mais personne ne veut rien faire pour !
    En passant, j'ai apprécicé votre sens du détail. Et c'est le détail qui fait l'ensemble !

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