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Louise B.-Repenser le système de santé

À partir des années 80’, la crise de l’État providence pousse les pays occidentaux à procéder à une série de réformes de l’administration publique inspirées de la Nouvelle gestion publique (NGP)1. Ces réformes, qui se sont succédées à ce jour, visent l’optimisation du processus de production des unités administratives, par l’introduction d’outils et principes de gestion provenant du secteur privé, mais aussi par la création d’une plus grande distance entre le processus décisionnel et opérationnel2. Cependant, l'articulation de ces réformes se différencie d'un pays à l'autre, compte tenu de leurs particularités de structures institutionnelles et politiques3. Considérant ces différenciations, il serait intéressant de s’inspirer des expériences d’autres pays pour améliorer les pratiques de gestion locale, sans toutefois oublier qu’un modèle ne pourrait être parfaitement transposable. Prenons, par exemple, les modèles de gestion de santé du Québec et de la Suisse.

En 1991, la Loi 120 sur la santé et les services sociaux est adoptée au Québec, afin d’accroître l’efficience et la qualité du système sanitaire4. Cette loi constitue en soi la première manifestation législative de la nouvelle gestion publique au Québec5. En décembre 2003, le gouvernement du Québec adopte la Loi 25 sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux (Art. 99.5), afin de mettre en place un nouveau mode d’organisation des services dans chaque région, basé sur des réseaux locaux de services6. En juin 2004, quatre-vingt-quinze Centres de la santé et des services sociaux (CSSS) sont créés par la fusion des établissements de santé à l’intérieur de territoires définis. Cette fusion a pour but de rapprocher les services de la population et ainsi de les rendre plus accessibles et mieux coordonnés au sein du réseau. Toutefois, une telle réorganisation a-t-elle réellement permis une meilleure réponse aux besoins de la population et d'améliorer la qualité des services ? Force est de constater qu'une réorganisation structurelle n'amène pas toujours les changements escomptés. Le mouvement de la fonction publique provoque parfois l'illusion que le politique apporte du changement sans que les valeurs et la vision n'aient été modifiées.

À titre de comparaison, la Suisse a aussi adopté les principes de la NGP, en introduisant plus de concurrence entre les caisses-maladie par l’ouverture du marché et d’autres modifications de la LAMal. Ces réformes n'ont pas été en mesure de ralentir l’augmentation des primes d'assurance. Les caisses d'assurance maladie ont beaucoup de poids dans le choix des réformes adoptées, défendant évidemment l'intérêt de leurs profits, allant jusqu'à brimer certains droits des assurés. Leur pouvoir est si important que l'État helvétique cherche maintenant une façon de le réduire et de mieux l'encadrer à travers des initiative prônant une recentralisation des pouvoirs cantonaux vers le fédéral, en matière de santé.

À la lumière de ces observations, le doute s'installe sur la réussite des tentatives des pays de réformer leur système de santé pour s'ajuster à la demande croissante de services. Pour réussir, les réformes adoptées ne devraient-elles pas amorcer des changements plus profonds? Et ces changements doivent-ils nécessairement poser comme enjeux une redéfinition du rôle de l’État et du marché ?

Quoi qu'il en soit, l’État doit innover et être plus stratégique dans sa réponse aux besoins de la population pour bien gérer le vieillissement de la population qui influence directement l’augmentation des coûts en santé et la rareté des ressources. Tant le modèle québécois que le modèle suisse comportent des avantages et des inconvénients, tout en partageant les mêmes préoccupations : assurer un accès universel aux services de santé et faire face à l’augmentation des dépenses de santé liée à la demande grandissante de services, dans leur contexte socio-économique respectif. De part et d’autre, différentes études ont été menées afin de trouver d’autres façons d’assurer l’allocation des services et leur gestion de façon plus efficiente, tout en respectant les droits fondamentaux et les valeurs nationales. Cette volonté de réforme est appuyée par un impératif de changement pour assurer la survie d’un service essentiel, garant de notre avenir. Tous s’entendent pour dire que des changements sont nécessaires. En se transposant dans notre réalité, quels types de changement devrait-on privilégier au Québec ? Sommes-nous en mesure de faire plus de place au secteur privé, comme l'a fait la Suisse, dans la gestion et l’allocation des services de santé? Et outre le débat public/privé, existe-t-il une troisième voie, celle d’un meilleur partenariat, sous la réglementation accrue de l’État qui, selon Crozier, serait « plus intelligent, plus efficace, capable de remplir les fonctions de plus en plus nombreuses et considérables qu'exige une société complexe post-industrielle sans l'écraser et étouffer ses initiatives »7? Ces questions sont porteuses de débats idéologiques, politiques et éthiques8 qui devront sans doute faire consensus pour déboucher sur des solutions concrètes investies socialement. Pourquoi ne pas enlever nos lunettes publiques/privées pour tendre vers une solidarité exempte d'appartenance politique et inventer de nouvelles institutions ?

 

 

1Jetté, Christiane et Martin Goyette (2010). Pratiques sociales et pratiques managériales : des convergences possibles ?. In : Nouvelles pratiques sociales, vol. 2, n˚22, p. 25-34.

2Giauque, David (2003). « La bureaucratique libérale : nouvelle gestion publique et régulation

organisationnelle : préface d’Yves Emery », l’Harmattan, Paris, 322 p.

3Op cit.

4Langlois, Paul (1992). Deux têtes et quelques doigts de pied : la réforme de la santé et des services sociaux. In : Nouvelles Pratiques sociales [En ligne], vol. 5, n˚1, p. 129-133. www.erudit.org/revue/NPS/1992/v5/n1/301162ar.pdf

5Larivière, Claude (2005). Les risques de la nouvelle gestion publique pour l’intervention sociale, Montréal, Regroupement québécois des intervenants et intervenantes en action communautaire [En ligne]. http://www.rqiiac.qc.ca/pub/lariviere.htm (consulté le 13 avril 2011)

6CSSS Saint Léonard et Saint-Michel. Perte d’autonomie liée au vieillissement- projet clinique [En ligne]. http://csss-stleonardstmichel.qc.ca/publications/projet-clinique-et-organisationnel/ (consulté le 5 avril 2011)

7Crozier, Michel (1988) cité par Jean MERCIER (2011). « L'administration publique : De l'école classique au nouveau management public » Les Presses de l'Université Laval, chap. 12, p. 460.

8Op cit, p. 73.

Rédigé par Louise Boulianne

Commentaires

  • Il y a de la passion dans ce blogue. J,ai bien hâte de le décortiquer dans toutes ses dimmensions. On y reviendra.
    Bravo pour avoir osée.

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