Jocelyn Pauzé : Le sous-financement des arrondissements montréalais
La réorganisation des municipalités de l’Île de Montréal ayant donné lieu aux fusions le 1er janvier 2002 devait résulter en des économies d’échelles substantielles et un accroissement important des services pour la Ville de Montréal «nouvelle » et ses 19 arrondissements nouvellement créés; c’est du moins l’engagement qui avait été pris envers les citoyens. Et dix ans après, qu’en est-il ? Selon les plus récentes données, les dépenses des 19 arrondissements montréalais explosent et leurs revenus en provenance de la Ville Centre stagnent, ayant pour conséquence que des services directs aux citoyens sont non seulement réduits, mais dans certains cas, ils sont entièrement coupés au sein de plusieurs arrondissements ! En effet, on procède à la fermeture de bibliothèques, à la fermeture de piscines, à l’annulation de services de camps de jour, etc., sans compter que la Ville Centre refuse de financer des projets majeurs d’infrastructures au sein de nombreux arrondissements, alors que les besoins des citoyens sont là (par exemple, le quartier Tétreaultville est complètement démuni d’insfrastructures sportives et la Ville Centre refuse d’y investir des sommes, laissant à elle-même l’Administration de l’Arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve dans ce dossier...).
Depuis les 3 dernières années, les budgets des arrondissements en provenance de la Ville Centre (ce qu’on appelle la dotation aux arrondissements) sont stagnés, alors que leurs dépenses ne cessent de croître (TVQ, indexation des salaires, entretien des infrastructures, développement des services en raison de la hausse de population et des multiples nouvelles constructions résidentielles, etc.). Et pendant ce temps, la Ville Centre se permet annuellement des hausses substantielles de dépenses et d’investissements qui sont loin de faire l’unanimité (Quartier des spectacles, Bixi,), qui donnent lieu à de multiples scandales (compteurs d’eau, SHDM, fraudes, etc.), qui coûtent de plus en plus cher mais qui tardent à voir le jour (Turcot, Autoroute Notre-Dame, Planétarium)…. Et après tout ça, le Maire Tremblay ose dire que Montréal va bien!
Si l’administration publique est un art tel que le veut l’un des principes fondamentaux de cette science que nous étudions, les artisans de nos arrondissements ne m’impressionnent guère lorsqu’ils décident littéralement de prendre les enfants en otage en leur soutirant le droit de profiter à plein de leurs vacances estivales en s’amusant au sein de camps de jour municipaux, et ce, afin de maintenir en place des structures d’encadrement des plus lourdes et très souvent inutiles tels 3 contremaîtres pour 1 col bleu; cette décision est d’autant plus choquante lorsqu’on sait que les familles montréalaises sont de moins en moins riches et que plusieurs d’entre elles n’ont pas les moyens financiers de payer à leurs enfants des séjours au sein de camps privés.
Et le maire de Montréal est certes un artiste déchu de l’administration publique car il semble avoir oublié qu’il a été élu pour veiller au bien public, au bien commun, au bien d’un large public composé de près de 1 700 000 habitants qui n’en ont pas pour leur argent équitablement et qui ne bénéficieront certes pas tous des investissements liés au Quartier des spectacles et d’un projet comme Griffintown par exemple ; car en effet, le Maire de Montréal «pense » beaucoup au développement du Centre-Ville et de cet arrondissement qu’est Ville-Marie (il est d’ailleurs le seul arrondissement montréalais à générer des surplus financiers impressionnants d’année en année...). Et c’est là que réside l’un de ses grands problèmes : il n’en a que pour le Centre-Ville et il en oublie les besoins des arrondissements, et plus importants, les services de proximité qui sont si précieux pour des citoyens au sein d’une Ville.
Et peut-on blâmer les fonctionnaires des arrondissements d’avoir des idées, des projets, de vouloir répondre à la dynamique montréalaise ? À mon avis, non, car ils répondent d’abord et avant tout à l’évolution sociale de leurs arrondissements et les projets qu’ils mettent de l’avant s’inscrivent en majorité dans ce sens. En effet, la population montréalaise ne cesse de croître d’année en année. Que ce soit en raison des répercussions du régime québécois d’assurance parentale sur le taux de natalité, du développement résidentiel ou de la hausse de l’immigration, le fait est que la population est en hausse à Montréal et que ces citoyens sont en droit d’être desservis. Ils ont droit aux services «de base» en matière de propreté, d’entretien, d’approvisionnement et de déneigement notamment, mais aussi, leur présence fait en sorte que les espaces culturels, sportifs, de loisirs et communautaires autrefois suffisamment nombreux sont aujourd’hui insuffisants et doivent être multipliés, de même que les budgets liés à leurs opérations, ce qui est tout à fait logique et en lien étroit avec la pensée de Wagner qui, admettons-le, est encore et toujours d’actualité lorsqu’on met la loupe sur le dossier montréalais. Et s’il en est qui sont des artisans dans toute cette complexité administrative montréalaise, ce sont bel et bien les fonctionnaires qui doivent composer sans cesse avec les contraintes de la Ville Centre et les choix non moins impressionnants de plusieurs de leurs élus.
Et le plus regrettable dans tout ça, c’est que dans le cas de nombreuses décisions, comme dans le dossier de Turcot, on fait des consultations «bidons» qui ne servent qu’à mettre de la poudre aux yeux aux citoyens et à leur donner l’impression qu’ils ont leur mot à dire dans les idées qui sont mises de l’avant. «Tout doit être approuvé» qu’ils disent ? Certes approuvé par les hautes instances, mais certes aussi désapprouvé par une majorité de citoyens.
Bref, malgré les bonnes intentions de notre Maire de vouloir ré-équilibrer les budgets des arrondissements dès les premiers mois de 2012, j’ai bien peur que tout ce qu’il fera sera d’apaiser le problème momentanément, car ce dernier perdure depuis trop d’années et le trou est beaucoup trop béant pour être réglé en l’espace de quelques semaines ou de quelques mois. Et en attendant, qui paie le plus pour les erreurs des 10 dernières années de cette administration montréalaise ? Les enfants, les familles et les citoyens des arrondissements les plus pauvres de Montréal, notamment dans Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, où la dotation financière de la Ville Centre par habitant est la plus faible du tout Montréal. Et quand on sait que ce quartier est l’un des plus pauvres à l’échelle canadienne, cela fait encore plus mal de constater qu’on semble très peu se soucier de l’importance du rétablissement de la qualité de vie de ces citoyens…et de ces enfants. C’est très choquant.
Jocelyn Pauzé, étudiant
Commentaires
Dans le débat qui se profile sur l'abolition d'un instrument démocratique ...les CS...un texte qui nous fait déjà réfléchir.
Dans un premier temps, il est vrai que la population de la grande ville fusionnée de Montréal continue de croître, mais sa croissance est nettement inférieure à celle des couronnes nord et sud. Entre 2006 et 2011, l'augmentation moyenne des habitants se chiffre à 1.8% sur l'île de Mtl (1.4% pour les villes défusionnées)contre 8.8% pour la banlieue Nord et Sud. (http://www.cyberpresse.ca/actualites/regional/201202/08/01-4494065-lappel-du-450.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4494108_article_POS1)
La périphérie accueille donc maintenant plus de la moitié de la population de la grande région de Montréal. Selon Louise Harel, chef de l'opposition à Montréal, une famille sur deux décide même de quitter la ville dès qu'elle a un deuxième enfant.
Est-ce une conséquence de décisions politiques??? Ou idéologiques??? Ou l'oeuvre d'un artiste déchu???
Évidemment, lorsque les services directement reliés à la famille diminuent (bibliothèques, piscines, arenas, etc.)en plus des prix exorbitants des loyers et maisons sur l'île, il n'est pas étonnant de constater l'exode des montréalais vers le 450(en passant, avez-vous déja vu le complexe sportif de Terrebonne, boul. des Entreprises???).
Finalement, en ce qui a trait aux choix du Maire Tremblay concernant le développement du centre-ville, il est bon de noter que les quartiers les plus pauvres de Montréal, dont Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, ne seront pas en reste puisque le maire s'est gardé un projet tout indiqué pour ce secteur: la construction d'une usine de compostage qui, très loin de faire l'unanimité, pourrait même anéantir tous les efforts entrepris depuis 10 ans par les résidants pour revaloriser leur quartier et garder les familles...(http://www.cyberpresse.ca/environnement/201202/06/01-4492953-montreal-un-projet-de-compostage-honni.php)
Vincent Bélanger