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Les petites municipalités et le projet de loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale : de bons principes mais utopiques

Par Michaël Tremblay, groupe 27, lundi soir, blogue no 2

 

L’Assemblée nationale du Québec se penche actuellement sur un projet de loi visant à rendre obligatoire l’adoption d’un code d’éthique et de déontologie par les municipalités locales et les municipalités régionales de comté. Les activités des employés municipaux seraient également encadrées par un tel code. Or, ce projet de loi ne fait pas l’unanimité dans le monde municipal. C’est ce que le Journal de Montréal nous apprenait la semaine dernière, alors que Sylvain Roy, le maire de Saint-Joseph-de-Kamouraska, a annoncé qu’il ne se soumettra pas à l’obligation de suivre une formation portant sur l’éthique, «si le gouvernement est incapable de montrer l'exemple»[1]. Cette affirmation de monsieur Roy fait référence aux multiples controverses qui ont été soulevées au cours des deux dernières années et qui décrédibilisent l’administration libérale; pensons notamment aux places en garderie, aux dédales de Tony Tomassi, au dossier des gaz de schistes ou encore, aux liens présumés entre le domaine de la construction et le financement des partis politiques. Le geste de ce maire est porteur de sens, car il remet en cause la légitimité d’un gouvernement sur sa capacité à légiférer, en raison de ses propres agissements. Cependant, au lieu de s’opposer purement et simplement à ce projet de loi, dont les principes sont louables, les maires des petites municipalités du Québec devraient plutôt s’unir et demander au gouvernement de profiter du contexte, dans lequel nous sommes plongés, pour revoir en profondeur la démocratie municipale et les outils dont disposent les administrations publiques de petite taille dans l’exercice de leurs fonctions.

 


 

Le projet de loi no 109 prévoit l’obligation de fixer les règles balisant le travail de l’administration publique, notamment sur «les conflits d’intérêts, le favoritisme, la malversation, les abus de confiance ou autres inconduites, les dons et autres avantages, l’utilisation des ressources de la municipalité ainsi que l’après-mandat»[2]. Cependant, les petites municipalités sont confrontées à leur qualificatif : la petitesse, en termes de bassin de population et d’administration publique. À mon avis, cette condition engendre trois problématiques qui sont liées à la proximité [1] entre le politique et l’administration publique, [2] entre le politique et les entreprises habilitées à répondre aux appels d’offre des municipalités et [3] entre la population en général et l’administration publique.

 


 

Dans la vie organisationnelle quotidienne de l’administration, au sens large, ces problématiques peuvent se traduire, volontairement ou involontairement, par des comportements qui sont pour le moins douteux. Dans un récent article du Journal Le Lac-St-Jean, le directeur général de Ville d’Alma, Guy Simard, se montrait élogieux quant au processus d’attribution des contrats dans sa municipalité : «le conseil municipal autorise par résolution la réalisation d’un contrat. Avant ce processus, la direction générale, le greffe, les directeurs de service et le responsable des achats s’assurent que tout le processus a été respecté et que la recommandation finale au conseil assure d’obtenir le meilleur prix»[3]. Si cette ville d’un peu plus de 30 000 habitants peut compter sur une fonction publique professionnelle et bien structurée, peut-on en espérer autant d’un village de 2000, ou même de 5000 habitants, pour qui il est impossible de se doter d’une telle expertise? Dans ces conditions,  l’administration publique des petites municipalités peut se trouver dans un état de vulnérabilité face à un système politique qui, lui, est redevable envers les contribuables, parmi lesquels on compte des entreprises privées ayant un intérêt envers les deniers publics.


 

 

La clé de la résolution de cette problématique réside, peut-être, dans le concept de centralisation. Actuellement, les municipalités, ayant à accorder des travaux en sous-traitance, doivent effectuer elles-mêmes les démarches d’attribution des contrats. Si la dépense est de plus de 100 000$, elles ont l’obligation de distribuer l’appel d’offre via le Service électronique d’appel d’offre (SÉAO) du ministère des Affaires municipales. Récemment, le reportage «Pavé de bonnes soumissions»[4] de l’émission Enquête, diffusé à Radio-Canada, nous apprenait que des municipalités de la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie payaient leur asphalte plus cher que partout ailleurs au Québec. Les journalistes ont mis au jour un stratagème de partage du territoire par des entrepreneurs qui, profitant de leur monopole, gonflent le tarif des services rendus à la municipalité. Comble de l’aberration, ces mêmes entrepreneurs exécutent des travaux de même nature, dans les mêmes régions, mais pour le compte du ministère des Transports, et ce, à des tarifs substantiellement plus bas. Cela me porte à croire qu’il serait avantageux de reléguer au ministère des Affaires municipales, des Région et de l’Occupation du territoire la responsabilité de négocier des tarifs fixes et uniformisés pour les services auxquels les municipalités font appel. Par exemple, cela éviterait aux citoyens de Mascouche de payer 650$ pour faire déneiger une borne fontaine, soit «jusqu’à 65 fois plus cher que ce que paient les principales villes du Québec»[5]. Cette façon de faire permettrait également de palier le manque d’expertise dans les petites villes et de répondre aux objectifs du code d’éthique et de déontologie, notamment, en impersonnalisant les processus d’attribution des contrats, en réduisant les possibilités de favoritisme, en amenuisant les risques de conflits d’intérêts et, finalement, dans le contexte du nouveau management public, d’améliorer l’efficience de la gestion des deniers publics.


 

 

Pour que le projet de loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale fonctionne, je suis d’avis qu’il ne suffit pas de responsabiliser les élus et les employés municipaux quant à leur imputabilité. En fait, il est nécessaire de cerner les facteurs qui rendent les élus vulnérables et de contrôler ces éléments. Au cours des dernières décennies, l’État québécois a décentralisé plusieurs responsabilités vers les municipalités de la province. N’est-il pas venu le temps de réagir à ce qu’ont engendré ces pratiques, notamment, en épaulant les élus municipaux dans l’allocation des ressources collectives? La réponse est oui.

 


 

Bibliographie

 

[1] D’ASTOUS, Caroline (2011). «Loi sur l’éthique : Charest mis au défi». Le Journal de Montréal. 17 octobre 2011.

[2] QUÉBEC. MINISTÈRE DES AFFAIRES MUNICIPALES, DES RÉGIONS ET DE L’OCCUPATION DU TERRITOIRE (2010). Projet de loi no 109 : Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale, [En ligne], Québec, Assemblée nationale du Québec, http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projets-loi-39-2.html (Page consultée le 20 octobre 2011).

[3] PARADIS, France (2011). «Rapport Duchesneau : Ville d’Alma a mis ses élus à l’abri des trafics d’influence».  Journal Le Lac-St-Jean. 5 octobre 2011.

[4] BONNEAU, Johanne et Claudine BLAIS (réalisatrices) (2011). Pavé de bonnes soumissions. [Documentaire]  [En ligne] Canada, Radio-Canada Production. 13 octobre 2011.

[5] De Pierrebourg, Fabrice (2011). «650$ pour déneiger une borne d’incendie».La Presse. 13 janvier 2011.

 

Commentaires

  • Un bon deuxième blogue Christiane. On va lire , scruter et analyser et...faire le jugement. Bravo
    Prof

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