Blog #2 Christiane Richard : Plan Nord : Quelle place pour la population locale?
Le Plan Nord, dévoilé par le Premier ministre du Québec Jean Charest le 9 mai 2011, permettra l’exploitation des richesses naturelles que renferme le sol du grand nord québécois. Cela entraînera d'importantes retombées économiques pour tout le Québec et créera 500 000 emplois sur une période de 25 ans. Bref, il s’agit du « projet d’une génération »[1], au même titre que l’ont été les projets de construction de barrages hydroélectriques de la Baie James dans les années ’70.
Le débat est présentement essentiellement centré sur la question du système de redevances et des parts québécoises dans les compagnies minières étrangères qui exploiteront les ressources du sol québécois. Le financement des infrastructures sur le territoire est également un enjeu. Les compagnies minières n’accéderont pas aux sites miniers par hélicoptère; des routes et des ports en haute mer seront nécessaires. Le gouvernement de Jean Charest ne compte bien sûr pas financer les infrastructures qui ne serviraient qu’à ces compagnies minières[2]. Cependant, certains projets d’infrastructure qui contribueraient également au bien commun tel que le prolongement de la route 167, qui relierait Chibougamau, les Monts Otish, un parc naturel et une mine de diamant, vont être financés en grande partie par le gouvernement provincial. Cette annonce a suscité beaucoup d’hostilité face au Plan Nord dans la population, certaines personnes arguant que le gouvernement, en plus d’ouvrir ses portes à des compagnies minières étrangères qui s'enrichiraient avec les richesses du sol québécois, financerait en plus à même l’argent des contribuables les infrastructures leur permettant de le faire.
Or, si nous changeons de perspective, le prolongement de la route permettra de désenclaver de petites municipalités rurales, élargissant leurs possibilités de développement économique. Bien que le Plan Nord concerne tous les Québécois et non pas seulement les 120 000 personnes qui vivent sur ce territoire, il ne faut pas oublier les petites municipalités rurales qui seront touchées par ces grands développements, telles que Chibougamau, Fermont, Sept-Îles, etc. À ces petites municipalités s’applique la Politique nationale de la ruralité dont l’orientation générale est de supporter le développement des petites municipalités sous la conviction que les municipalités rurales ont un avenir et qu’il faut mettre tous les efforts en œuvre afin de favoriser leur développement.
Le Plan Nord est un premier pas vers un épanouissement économique des petites municipalités rurales concernées, qui s’accorde avec l’orientation générale de la Politique nationale de la ruralité 2007-2014. Or, le gouvernement Charest doit aller plus loin et s’assurer qu’il respecte les orientations plus précises de cette politique, soit :
1. Promouvoir le renouvellement et l’intégration des populations;
2. Favoriser la mise en valeur des ressources humaines, culturelles et physiques du territoire;
3. Assurer la pérennité des communautés rurales;
4. Maintenir un équilibre entre la qualité de vie, le cadre de vie, l’environnement naturel et les activités économiques.[3]
Bref, il faut s’assurer d’une part que soient appliqués les principes du développement durable qui conjuguent les facteurs d’économie, d’environnement et d’acceptabilité sociale. D’autre part, le gouvernement devra favoriser l’emploi local afin que les habitants de ces municipalités bénéficient de réelles opportunités. Ensuite, le gouvernement du Québec devra leur fournir les ressources nécessaires afin qu’elles développent leurs infrastructures, construisent de nouveaux logements et de nouvelles rues etc. afin d’être en mesure d’accueillir les 500 000 travailleurs qui investiront le nord du Québec dans les 25 prochaines années. Malheureusement, si nous nous fions aux dires de la mairesse de Fermont[4], l’aide tarde à venir et est même pratiquement inexistante pour ces petites municipalités.
Une autre question un peu plus présente dans les médias est celle des revendications des autochtones habitant le grand nord québécois. Le Plan Nord affectera vraisemblablement leur mode de vie comme cela avait été le cas pour le développement de la Baie James, les sédentarisant davantage. Le chef Innus Raphaël Picard revendique une somme d’argent compensatoire beaucoup plus élevée que celle proposée par le gouvernement actuellement, prétextant des droits fonciers sur le territoire, des droits ancestraux et rappelant l'ampleur des investissements ainsi que des revenus générés par ce projet à grand déploiement[5]. Le gouvernement devra également s’assurer d’inclure les communautés autochtones de la région en s’inspirant de l’entente de la Paix des Braves qui soutient ces principes relatifs à l’exploitation minière :
a) favoriser les Cris à l’égard de l’accès aux opportunités d’activités d’exploration minérale;
b) de favoriser le développement d’entreprises d’exploration minérale par les Entreprises cries;
c) de favoriser et encourager l’accès par les Cris et les Entreprises cries aux programmes réguliers de financement et aux autres encouragements du Québec pour les activités d’exploration minérale;
d) d’agir comme une porte d’entrée pour l’offre de service de Cris et d’Entreprises cries en matière d’exploration minérale.[6]
Le Plan Nord parle beaucoup de la formation de la main-d'œuvre, du développement des compétences de la main-d'œuvre, etc. Toutefois, nous n'entendons pas parler de compagnies minières autochtones ou locales qui se développent à cette occasion. Les grandes compagnies minières étrangères sont à l'avant plan dans ce projet, ce qui n'étonne pas considérant les investissements majeurs qui devront être faits par celles-ci dans les infrastructures et l'équipement. Toutefois, le gouvernement Charest ne devrait-il pas un peu plus supporter le développement de compagnies autochtones et locales, embryonnaires soient-elles? L'exploitation des richesses naturelles du grand nord québécois est une opportunité en or pour toutes les compagnies minières, mais rien ne presse. L'accueil de 500 000 travailleurs sur une période de 25 ans dans une région habitée uniquement par 120 000 autochtones et habitants de petites municipalités rurales risque de chambouler les habitudes de vie. C'est pourquoi il est important d'intégrer convenablement toutes ces communautés dans le processus et les supporter, afin qu'elles en retirent des bénéfices véritables. Le roc québécois est là depuis des milliards d'années et il ne se volatilisera pas demain. Prenons le temps de réfléchir à ce que nous voulons en faire.
[2] http://www.lesaffaires.com/bourse/nouvelles-economiques/plan-nord--charest-se-fait-rassurant-/538064
Commentaires
Un bon deuxième....???? blogue Christiane. On va lire , scruter et analyser et...faire le jugement. Bravo
Prof