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La guerre des clochers -Jonathan Chevrier

La chef de l’opposition officielle à la Marie de Montréal, Louise Harel, rapportait récemment la surgouvernance de la ville de Montréal avec ses 103 élus. Si on regarde la structure de la ville ainsi que les instances supralocales qui ont le pouvoir d’agir sur le territoire de l’île, on peut facilement s’y perdre et comprendre à quel point le tout est également ingouvernable. Le problème ne se situe pas uniquement dans le nombre d’élus, mais dans toute la structure générée par la réorganisation municipale de la décennie 2000.

Cette structure administrative est le résultat d’une série d’événements et de décisions politiques. C’est Mme Harel elle-même qui a initié le processus lorsqu’elle était ministre des Affaires municipales avec la réforme des structures municipale. Comme plusieurs villes dans le monde, cette réforme cherchait à améliorer et alléger les structures de gouvernement local en regroupant les municipalités. On voulait dépasser l’esprit de clocher par la centralisation des services à un niveau plus régional. Par exemple, les fusions cherchaient à améliorer l’efficacité des municipalités, améliorer les services collectifs, réduire les disparités fiscales, etc.

Initialement, les fusions se faisaient sur une base volontaire. Cependant, comme les 28 municipalités de l’île n’arrivent pas à s’entendre, l’Assemblée nationale adopte, en 2000, le projet de loi visant les fusions dans certaines régions, dont Québec, Montréal et Gatineau-Hull. Le projet de loi est rapidement rebaptisé « fusions forcées » par opposition aux fusions volontaires, car une partie de la population n’est pas en accord. Il faut toujours garder en tête que selon la constitution, les municipalités sont « des créatures du gouvernement provincial », ce qui fait que le gouvernement du Québec a pratiquement tous les droits et les pouvoirs d’agir sur celles-ci.

En 2003, la nouvelle structure commence à démontrer son efficacité lorsque le gouvernement Libéral, avec Jean Charest comme premier ministre, est élu avec la promesse électorale de permettre les défusions municipales. C’est à partir de ce moment que le désordre commence.

Dès la rentrée parlementaire, le projet de loi sur les défusions est déposé. Afin de convaincre les arrondissements de rester dans la ville de Montréal, le maire Tremblay propose plusieurs modifications à la charte dans un mouvement de décentralisation. Le transfert des pouvoirs vers les arrondissements comprend entre autres les droits de taxer, d’embaucher du personnel, d’emprunter et d’avoir des conseils d’arrondissements. C’est ici que la structure actuelle de la ville commence à prendre forme.

Suite à un processus référendaire fort complexe, plusieurs grandes villes se retrouvent amputées, dont Montréal, qui perd 15 de ses arrondissements qui se retransforment en municipalité distincte. Ces villes sont, pour la majorité, les secteurs les plus riches et comportant le plus d’anglophones de l’île. Bien qu’ils évoquent la question du sentiment d’appartenance ou d’identité envers leur ville, la principale raison de leur séparation est possibilité de voir leurs taux de taxation à la hausse.

La création de nouvelles instances supralocale est alors nécessaire, car le remaniement des pouvoirs avait également apporté des modifications au niveau régional. Notons qu’ici, nous ne prendrons pas la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) en compte, car elle n’est pas affectée directement par les défusions. Initialement, il y avait 28 municipalités réunies sous une seule instance régionale : la communauté urbaine de Montréal (CUM), qui avait pour territoire l’île de Montréal. Suite aux fusions, avec le projet « une île, une ville », la CUM n’a plus raison d’exister, car la ville de Montréal prend alors tout le territoire sur lequel la CUM avait ses pouvoirs. Les compétences de la CUM sont alors transférées à la grande ville de Montréal. De plus, la ville est divisée en arrondissements qui reprennent environ les territoires des anciennes villes de l’île. Donc, nous sommes ici toujours à deux niveaux de gouvernement local.

Suite aux défusions, la ville n’a plus le pouvoir sur l’ensemble de l’île, mais il y a toujours un besoin de partager les services régionaux. On recrée alors une instance régionale, qui prend le nom d’agglomération de Montréal. On se retrouve alors avec trois nivaux de gouvernements dits locaux sur l’île : des arrondissements et des villes reconstituées par les défusions, la ville de Montréal ainsi que l’agglomération.

Le choix des défusions par le gouvernement Charest est donc la source de la majorité des problèmes de gestion à Montréal. La décision s’est basée sur les valeurs personnelles, ce qui se réfère facilement au modèle du « public choice ». L’individualisme chez les populations les plus riches de l’île l’a emporté dans 15 des anciennes villes afin de ne pas voir leurs comptes de taxes augmenter. Certes, ceux-ci n’ont jamais utilisé directement cet argument pour démontrer leurs points de vue, se cachant plutôt la Charte des droits et libertés ou leur liberté d’expression quant au choix de leur lieu de résidence. Des citoyens de Westmount sont allés jusqu'à dire qu’ils étaient les seuls à pouvoir intégrer une communauté minoritaire sur l’île, soit les « WASP » (White Anglo-Saxon Protestant)…

De plus, le nombre d’élus que cette structure propose est propice aux conflits de compétences entre chacun des nivaux de gouvernement local. Par exemple, en septembre dernier, la ville de Montréal a dû intervenir dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal après que celui-ci ait instauré des mesures d’apaisement de la circulation. Ces mesures nuisaient aux services d’urgences, obligeant le Plateau à retirer les installations suite à la demande du Maire Tremblay.

Dans un élan plus optimiste, certaines villes semblent cependant vouloir sortir de cette torpeur par elles-mêmes. C’est le cas de Québec et de Longueuil qui, suite à une demande au ministre des Affaires municipales, auront moins d’élus. Pendent ce temps à Montréal, on s’accroche toujours à nos clochers!

Jonathan Chevrier

Cours de Mardi PM

Commentaires

  • Un bon deuxième blogue Jonathan. On va lire , scruter et analyser et...faire le jugement. Bravo
    Prof

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