Blogue #2 Goulet :BAC obligatoire pour les infirmières ?
L’éducation, tout comme la santé,est une priorité pour l’état québécois. Il faut souligner que l’éducation représente près de 27 % du budget du gouvernement. L’accroissement de la prospérité est étroitement lié à la capacité d’un état de développer son expertise. Au Québec, l’enseignement supérieur est structuré selon un modèle distinct de celui de toutes les provinces canadiennes. Nous avons deux réseaux ; le collégial et l’universitaire.
La formation d’infirmière est en majeure partie dévolue au niveau de la technique dans les CÉGEP. Actuellement, 65 % des infirmières possèdent une formation collégiale de trois ans. Dans le milieu des années 90, le gouvernement de l’époque a incité les infirmières à prendre leur retraite. Certaines d’entre elles ont été réembauchées à contrat tout en bénéficiant de leur régime de retraite. Je souligne ce geste politique car celui de rendre obligatoire le BAC à la formation initiale des infirmières aura certainement des impacts dans les milieux de l’éducation et de la santé. Nous sommes en pénurie de personnel infirmier au Québec tout comme dans d’autres provinces et pays. Même si je suis en accord avec cette idée, la question se pose « Comment allons-nous faire sans nuire à la fois au système de santé et garder l’accessibilité à tous à l’éducation ? »
Il a deux enjeux auxquels il faut s’attarder :
- L’articulation entre les ordres d’enseignement.
Il est clair que nous sommes en présence de deux ordres d’enseignement qui s'affrontent. Premièrement, les CÉGEP prétendent que de rendre obligatoire l’obtention du BAC pour avoir accès au droit de pratique comme infirmière risquerait d’en décourager plusieurs et ainsi accroître la pénurie actuelle dans le réseau. Également, ils font valoir que les infirmières techniciennes réussissent tout aussi bien l'examen de l'ordre que leurs consœurs du baccalauréat.
Du côté des universités, ils affirment que les temps ont changé. Le champ d’exercice s’est considérablement élargi. Aucune heure de formation n’a été ajoutée au DEC depuis 40 ans et ils anticipent que la relève sera en difficulté avec les départs massifs à la retraite, car elle risque de manquer d’encadrement par des infirmières d’expérience. De plus au sein des équipes de soins, l’infirmière transigera de plus en plus avec d’autres professionnels formés à l’université et elle doit être en mesure d’interagir efficacement avec eux. Toutes les professions de niveaux universitaires ont rehaussé leur exigence de pratique ex : physiothérapie doivent maintenant avoir une maîtrise pour pratiquer.
Selon moi, l’enjeu réel n’est pas de déterminer qui, des CEGEP ou des universités, doivent assurer la formation de base des infirmières. C’est d’attirer encore plus d’étudiants vers la profession infirmière et de les aider à obtenir leur diplôme pour combler les pénuries de main-d’œuvre.
- L’adéquation de la formation au besoin socioéconomique.
Aujourd’hui, avec les avancées médicales favorisant par la force des choses le vieillissement de la population, il faut être fier de nos institutions de santé mais nous avons des attentes très élevées auprès d’elles.
Le ministre de la Santé et des services sociaux, Yves Bolduc, se dit ouvert à rendre le baccalauréat obligatoire pour la pratique infirmière au Québec. Également, il veut accélérer l'implantation des infirmières praticiennes spécialisées dans le réseau de la santé, en allant même jusqu'à créer des spécialités en oncologie. Le facteur le plus important à déterminer dans cet enjeu est le contexte dans lequel la profession d'infirmière est enseignée dans les régions éloignées. À savoir l'absence d'établissements universitaires offrant le BAC dans certaines villes, même si le cheminement DEC/BAC est offert par tous les établissements et ce dans toutes les régions, lors du passage vers l’université il y aura une mutation des étudiantes vers le campus universitaire ce qui pourrait défavoriser leur région. Retourneront-elles dans leur région suite à l’obtention du diplôme? L'attraction et la rétention des jeunes professionnels en région s'avèrent très difficiles. Si le gouvernement désire aller de l’avant, il devra s’assurer que le principe de l’accessibilité pour tous à l’éducation soit respecté.
Actuellement, au Québec, les infirmières titulaires d'un baccalauréat représentent 34 % de l'effectif, soit une sur trois. Ailleurs au Canada, cette proportion atteignait déjà 42 % en 2009, et 50 % aux États-Unis. Il faut préciser que les autres provinces canadiennes, de même que plusieurs pays, ont choisi de former dorénavant leur relève infirmière au niveau du baccalauréat pour faire face aux nombreux défis des systèmes de santé.
Principes de l’éducation au Québec
Il faut normalement six ans pour faire le DEC en soins infirmiers suivi du bac en sciences infirmières. Mais une formation intégrée (DEC/BAC) offerte dans plusieurs établissements d’enseignement permet de retrancher une année au processus. Les élèves obtiennent d’abord un diplôme collégial en soins infirmiers après 3 ans d’étude, ce qui leur donnent accès à la profession (examen professionnel de l’ordre des infirmiers et infirmières du Québec OIIQ), elles complètent par la suite un baccalauréat en sciences infirmières d’une durée de deux ans.
Si on cumule les résultats des 10 dernières sessions d'examen, les six universités, offrant la formation initiale, ont un taux de réussite supérieur. Par ailleurs, 2 cégeps sont en tête de peloton de tous les établissements d'enseignement. On remarque toutefois que 22 cégeps sur 42 sont en dessous de la moyenne.
Au Québec, l’année où le nouveau cursus DEC-BAC est entré en vigueur, le nombre d’étudiants au DEC a augmenté de 21 %.
Il faut que la formation soit accessible à toutes. Que fait-on de celles qui n’ont pas les notes pour aller à l’Université ? Est-ce qu’on accepte qu’elle soit automatiquement acceptée à l’université si elles réussissent le collégial ? Et au niveau des frais de scolarité universitaire qui sont beaucoup plus importants que ceux du cégep qui assumera cet écart, le gouvernement ou l’étudiant ?
L’OIIQ doit compléter sa démarche de concertation avec les intervenants concernés. Ultimement, c’est le gouvernement qui sera appelé à modifier la réglementation. Selon eux l’horizon de 2015-2016 pour implanter ce changement est probable.
Ailleurs qu’au Québec
Il en ressort d’un plaidoyer unanime pour le rehaussement universitaire de la formation infirmière qui se dégage au niveau mondial. De leur côté, l’organisation mondiale de la santé (OMS) a fait de la sécurité des patients une priorité mondiale. Pour l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE), elle a dénoté des signes de manquement grave à la qualité qui se sont traduis par des morts, des incapacités ou des séquelles de santé qui n’auraient pas du se produire et qui en font qu’ajouter aux coûts. Il est pourtant reconnu qu’un ratio insuffisant d’infirmières qualifiées compromet la sécurité des clientèles et n’amène pas les gains d’efficience escomptés.
Pour la Belgique, elle est également en train de s'interroger sur sa formation universitaire. Il faut savoir qu'au Canada, toutes les autres provinces sont passées au baccalauréat. Seul le territoire du Yukon fait exception. Évidemment, il faudra des mesures de transition pour le Québec. On peut penser que nous en sommes rendus là, surtout à la lumière de l'entente sur la main-d’œuvre avec la France.
En Ontario, où le baccalauréat est devenu la norme d’entrée en 2005, les admissions ont augmenté de 28 % en quatre ans. Dans le reste du Canada (à l’exclusion du Québec et de l’Ontario), les admissions ont augmenté de 23 % en 3 ans, de 2005-2006 à 2008-2009 (le BAC est la norme dans les Maritimes et en Saskatchewan depuis la fin des années 1990, et l’est devenu en 2006 en Colombie-Britannique, en 2009 en Alberta et en 2010 au Manitoba).
En 2009-2010, la proportion des bachelières au sein de l’effectif infirmier du Québec dépasse pour la première fois la barre des 30 %. Néanmoins, la croissance s’effectue plus rapidement ailleurs au Canada. La proportion des bachelières dépasse 40 % dans certaines provinces et l’écart se creuse.
En terminant, qu’a-t-on besoin le plus :
- D’une réorganisation du travail ?
- De former les infirmières à l’université ?
- Embaucher plus d'infirmières quel que soit leur niveau de formation ?
- Comme société, est-ce une priorité pour notre système de santé ?
- Si oui, à quel prix ?
André Goulet
ENP7505
Mardi PM
Automne 2011
Références
Bernatchez,J. (2011). Enjeux comtemporains du réseau de l'éducation. Dans Michaud,N. Secrets d'états? Les principes qui guident l'administration publique et ses enjeux comtemporains ( 559-583). Sainte-Foy, Québec: Les presses de l'Université Laval.
Ordre des infirmiers et infirmières du Québec. Foire aux questions : Formation de la relève infirmière. Repéré à http://www.oiiq.org/lordre/dossiers- strategiques/formation-de-la-releve/faq
Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone. (2011).La formation universitaire des infirmières et infirmiers une réponse aux défis des systèmes de santé. http://www.sidiief.org/fr
Commentaires
La formation initiale des infirmières au Québec est un débat qui a débuté au début des années 80. À l'époque l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) faisait la promotion du "Bac pour tous en l'an 2000". À l'époque, le DEC-BAC n'hésitait pas et nous pouvions faire nos études universitaires en français seulement à Montréal, Québec ou Sherbrooke. Je suis de celles qui y croyait pour le rehaussement de la profession mais surtout parce-ce que soigner demande des connaissances. À l'époque nous parlions de soins intégraux, de qualité des soins. L'infirmière était la professionnelle au chevet du patient ou si vous préférez, la principale intervenante. En santé communautaire, seule les bachelières y travaillaient parce-ce qu'on reconnaissait que ce milieu demandait des connaissances supérieures ou à tout le moins supplémentaires acquises à l'université. Puis est arrivée le manque de ressources humaines et par la suite les mises à la retraite. Les soins intégraux et la qualité des soins ont fait place à l'efficience et à la diminution des coûts en santé. De nombreux postes d'infirmières ont été convertis en poste d'infirmière auxiliaire (même dans les CLSC en soins à domicile). La loi a été modifiée et nous avons obtenu le droit d'évaluer (mais nous le faisions déjà). Depuis peu, notre présidente Madame Desrosiers a repris un vieux cheval de bataille et de discorde, le BAC comme entrée initiale à la profession sans prendre en compte que la formation initiale au collégial à évoluer avec la profession. L'arrivée du DEC-BAC a permis de rehausser le niveau de scolarisation des infirmières. Il est normal que notre taux n'atteigne pas celui des autres provinces canadiennes, leurs jeunes infirmières sont tous formées à l'université, pas nous. Dans ce débat relancer par l'OIIQ, je pense que les premières questions à ce poser sont les suivantes: est-ce que les infirmières sont moins bien formées au Québec parce-ce que notre réseau d'enseignement supérieur est différent aux autres provinces canadiennes? En remplaçant les intervenants directs auprès des clients, bénéficiaires ou usagers (appelez comme vous voulez, ce sont les mêmes personnes malades)par des intervenants formés au niveau secondaire (DEP) mais supervisé par des infirmières bachelières au nom de l'économie, de l'efficience mais pas de la qualité des soins, est-ce une bonne décision pour la clientèle? Finalement, l'OIIQ ne serait-elle pas mieux de défendre notre système de scolarisation actuelle auprès des autres provinces canadiennes ou de l'Europe tout en faisait la promotion du BAC, de la maîtrise et de la formation continue de ses membres au lieu de faire resurgir un vieux débat.