#2-Boulé-Le retour du balancier?
Suite à la lecture du blog de Mme Chantal Soucy du 24 octobre 2011 sur l’unité permanente anticorruption, je ne pouvais que me questionner à quel point la situation était désolante. Avoir attendu au dernier moment que les structures s’effritent, s’effondrent ou s’écroulent, au grand bonheur des médias qui en tirent leurs manchettes gagnantes! Sans parler de la confiance précaire de la population envers les diverses administrations publiques, municipales, provinciales et fédérales, en charge de ces dossiers. Qui aurait dit douter de la solidité de nos infrastructures avant le 30 septembre 2006?
Toutefois, ce dossier demeure complexe et il n’existe malheureusement pas de solution simple à court terme. Le Québec est en besoin critique de béton, d’asphalte et de savoir technologique pour des chantiers spécialisés, que ce soit pour la construction de nouvelles routes et structures (le plan Nord, ça vous dit quelque chose?) ou pour l’entretien et la réfection de nos «vieilles» infrastructures. D’aucuns s’opposeront à des investissements «pour les générations» futures.
Il faut se rappeler que depuis le début des années 2000, dans un contexte où l’on référait souvent à une efficience moindre des administrations publiques (c’était avant que les États-Unis ne soient victime d’une crise économique sans précédent en 2008), les orientations des gouvernements locaux furent strictes quant à l’assainissement des finances publiques. Bien que l’idée derrière une économie d’échelle –en diminuant les coûts engendrés par des salaires bien portants, dans les hiérarchies plus élevées, au MTQ comme dans les administrations municipales- pouvait sembler bonne, le prix à payer est lourd aujourd’hui. Première dure leçon d’administration publique : la rétention du savoir est critique et il faut des années avant de recréer un certain niveau de compétence afin de retrouver l’expertise antérieure, surtout dans des domaines aussi pointus, où la technologie évolue à un rythme effarant. Éliminer un poste n’élimine pas les tâches qui y sont associées!
Nous avons alors fait le choix de nous tourner vers le privé, tout en leur faisant totalement confiance quant au résultat livrable. Après tout, si la tendance était de sous-contracter davantage afin d’éviter de payer des salaires publics et l’ensemble des avantages sociaux (et des fonds de pension) qui s’y accolent, l’idée pouvait être bonne. Après tout, il fallait bien tenter quelque chose de concret afin de lutter aux tendances expansionnistes récurrentes d’année en année des dépenses publiques (Loi de Wagner). Survient donc la deuxième difficile leçon d’administration publique : on ne peut pas sous-contracter un projet au privé sans être capable d’en assumer la surveillance des paramètres. C’est un peu comme faire un chèque en blanc… avec le compte de banque de l’État! Sans compter que le privé dont on vante les vertus est faillible! Retards de livraisons, sous-estimations des coûts, délais non-respectés, contrats avec des clauses complexes,… Et dire qu’en administration publique, «tout doit être approuvé»! Nos élus cautionneraient donc ces abus?
Néanmoins, il faut compter le contexte particulier dans lequel nous «tentons» de négocier des contrats de construction de tous genres avec l’entreprise privée. Avez-vous déjà tenté de négocier le prix du baril de pétrole avec les cartels? Résumons la situation : grands besoins d’infrastructures, quelques compagnies spécialisées dans le privé, une flotte limitée de grues, de camions, une main d’œuvre suffisante mais quand même limitée, une proximité entre les entrepreneurs qui s’embauchent l’un et l’autre afin de réaliser un même contrat pour lequel ils avaient tous deux soumissionné, l’occupation de postes stratégiques dans ces importantes compagnies privées par d’anciens cadres de la fonction publique qui connaissent les besoins et les failles du «système»… Et nous croyons avoir le gros bout du bâton? Il faut sérieusement questionner comment une administration publique souhaitant décentraliser et déréglementer l’attribution des contrats puisse engager des contractuels qui échapperaient à l’habituelle loyauté exigée des employés de l’état.
Malgré tout, il est important de prendre connaissance que, malgré le virage important qui s’annonce en administration publique depuis la publication du rapport Duchesneau, cette situation perdurera à court terme. Nos besoins s’accélèrent et l’expertise interne des administrations publiques en gestion de projet ou en estimation de coûts de chantier ne se développera pas en quelques mois. Cette situation plutôt désavantageuse pour nos finances publiques est donc appelée à se poursuivre encore un peu. Il faudra faire preuve de patience afin que les mécanismes de «redressement» et de prévention se déploient et montrent des résultats.
Toutefois, une commission d’enquête publique aux pouvoirs élargis devrait permettre d’illustrer les bases de notre état de droit, soit la distinction entre les divers pouvoirs législatif, exécutif et judicaire, plus particulièrement pour les deux derniers dans le cas présent. Après tout, à notre ère de consommation massive d’information et avec la Loi sur l’accès à l’information, tous les organismes doivent rendre des comptes. Bien que le MTQ fut imputable des conséquences tragiques de l’effondrement du viaduc de la Concorde en 2006, il y a des limites à déléguer des tâches au privé sans garanties de responsabilité ou de qualité.
Cependant, de cette aventure plutôt décevante avec le privé, se dégage un bel apprentissage. Notre société révise sa position et semble vouloir faire marche arrière en mettant fin à la lune de miel avec le privé! Ce nouveau regard sur les besoins cruciaux d’expertise au sein de l’administration publique mérite que l’on se questionne sur ce que l’on souhaite en tant que société pour l’avenir, quelque soit le domaine dont on traite. Même s’il aura fallu plusieurs coûteux scandales (compteurs d’eau, SHDM, Faubourgs Contrecoeur, Duscheneau pour ne nommer que ceux-là) avant que ce débat ne devienne un enjeu public, nous pouvons enfin dire que nous aurons de nouvelles orientations. Enfin, il n’est pas trop tard pour revaloriser notre fonction publique! Ne souhaitons-nous pas qu’elle soit un modèle à l’image de notre société et de ses besoins?
Frédérick Boulé
ENP-7505
Commentaires
Bon bob bob, un bon gros blogue bien rond et dodu...
Maintenant sous les fourches caudines du prof...