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Blogue #2-LORTIE-Mais où sont nos médecins de famille?

Mes expériences avec des médecins ont pour la plupart été décevantes. En théorie, j’ai un médecin de famille mais celui-ci est en congé de maladie depuis que je le connais. Je reviens donc à la case de départ car je n’ai pas pu en trouver un autre. À toutes les fois où j’ai dû me rendre à l’hôpital ou à une clinique sans rendez-vous, je me suis sentie comme un numéro. Quelques questions, un papier signé et voilà qu’on me montrait poliment la porte. Pas de temps pour regarder mon historique de santé, pas de temps pour de la prévention, pas de temps pour un suivi. Bref, à toutes les fois, je me suis sentie terriblement seule, incomprise, bousculée et inquiète de ma santé. Ces expériences m’ont fait perdre confiance envers les médecins et le système de santé québécois et m’ont fait réaliser que j’étais bien la seule personne entièrement responsable de ma santé. Par la suite, j’ai rencontré des praticiens de médecines alternatives et des pharmaciens avec lesquels je me suis sentie beaucoup plus écoutée et importante. Ces professionnels m’ont aidé à régler efficacement plusieurs de mes problèmes de santé.

 Au Québec, il y a clairement une pénurie d’omnipraticiens. En 2010, 2 millions de québécois, n’avait pas de médecin de famille. Selon la Fédération des omnipraticiens du Québec (FMOQ), cette situation s’est aggravée de 45% depuis 2 ans.[1] Il faut parfois attendre jusqu’à 6 mois pour voir un généraliste![2] Cette situation est vraiment alarmante surtout avec la population qui vieillit et qui demandera plus de soins. Les médecins de famille jouent un rôle très important dans notre système de santé. Ils font de la prévention, du dépistage et assurent un suivi médical. Ils ont une vue globale de l’état de santé du patient ainsi qu’une vue d’ensemble du système. Ils en sont la porte d’entrée et sont les mieux indiqués pour diriger le patient vers des spécialistes. Or, la profession de médecin de famille n’est pas très « in » chez les étudiants en médecine. Comme s’ils étaient capables de « faire mieux » qu’un « simple » médecin de famille! Les spécialités sont beaucoup plus populaires et convoitées. Mais la médecine familiale, c’en est une spécialité ça! Un médecin à l’écoute des besoins de son patient, capable de communiquer, de rassurer, expert du fonctionnement du système de santé, aussi bon avec les bébés qu’avec les personnes âgées, connaissant toutes les maladies, qui en a vu de toutes les couleurs, etc.

Le problème de pénurie de médecins de famille est lié, entre autre, aux généralistes qui ne sont pas aussi bien payés que les spécialistes. En date d’aujourd’hui, on compte un écart de 55% de salaire entre les spécialistes et les généralistes.[3] C’est énorme! Je comprends bien alors pourquoi un étudiant surendetté choisi la voie la plus payante pour rembourser ses dettes d’études. (Message ici à M. Charest ou M.Legault: cette situation s’aggravera si vous augmentez les frais de scolarité!!!) De plus, ce problème peut s’expliquer par un manque de valorisation de la profession de médecin de famille dans les universités. Il faut que les enseignants et les départements de médecine soulignent l’importance du métier et qu’ils en fassent la promotion! Au printemps 2010, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec se disait extrêmement préoccupée des résultats du premier tour d’admission en résidence dans les quatre facultés de médecine de la province. Alors que la première étape du processus d’admission dans les différents programmes était terminée, il restait encore 80 postes à pourvoir en médecine familiale, soit plus de 20 % des postes offerts. En comparaison, moins de 7 % des postes en médecine spécialisée étaient toujours vacants après le premier tour d’admission. Au cours des 4 dernières années, près de 300 postes en résidence en médecine familiale sont demeurés vacants dans les facultés de médecine.[4] Le Dr. Louis Godin, président de la FMOQ propose différentes solutions pour régler le problème de pénurie de médecins de famille : s’attaquer à la formation des médecins et à l’organisation du travail; offrir un meilleur support informatique et professionnel (par exemple, plus d’infirmières); permettre un meilleur accès aux examens médicaux (radiologie, diagnostic); avoir une rémunération concurrentielle. Pourquoi le gouvernement n’écoute donc pas les recommandations de Monsieur Godin? Elles sont bonnes pourtant!

Et qu’arrive-t-il avec la promesse des politiciens d’avoir un médecin de famille par habitant? Présentement, elle est loin d’être atteint! On le sait, les politiciens font des promesses pour se faire élire. C’est leur première préoccupation. Mais les actions concrètes, elles,  ne suivent pas toujours. Pourtant, le gouvernement doit agir, il a rôle à jouer! Il doit faire des investissements supplémentaires, ciblés et structurés en médecine familiale, car sinon, la situation actuelle de crise continuera à se détériorer.  Seulement 2,9 % du budget total du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) est en ce moment consacré aux soins de première ligne offerts en clinique médicale, soit à l’extérieur du milieu hospitalier.[5] Il faut un plus grand investissement en médecine familiale afin que la médecine de première ligne soit véritablement traitée comme une priorité au Québec! À long terme, le gouvernement devra payer plus cher pour tous les services aux patients  malades nécessitant des actions plus spécialisées parce qu’il n’aura pas su mettre les efforts nécessaires pour prévenir adéquatement. Est-cela une mauvaise gestion publique? En quelque sorte, je crois que oui. On n’a qu’à regarder la dette de l’État en santé qui constitue 43% de son budget total…C’est beaucoup! Enfin, si la pénurie de médecins de famille s’aggrave, le Québec sera-t-il encore capable de respecter les 5 principes de la Loi canadienne sur la santé que sont la gestion publique, l’universalité, l’intégralité, la transférabilité et l’accessibilité?

Le Brésil, un cas intéressant

Depuis vingt ans, avec la création de son système unique de santé (SUS), le Brésil s’est fixé comme objectif de parvenir à la santé pour tous au moyen de l’approche des soins de santé primaire. Le système national de santé brésilien a connu un succès exceptionnel. 27 000 équipes travaillent dans pratiquement l’ensemble des 5560 municipalités du Brésil, chacune s’occupant d’environ 2000 familles, soit 10 000 personnes. Elles comprennent des médecins, des infirmiers, des dentistes et d’autres agents de santé. L’un des grands principes du système de santé brésilien, comme de l’approche des soins de santé primaires en général, est la participation de la communauté. Chaque mois, des réunions sont organisées avec des membres de la communauté, dont des représentants de l’église, des organisations non gouvernementales et des écoles. Les réactions et les commentaires sont alors transmis au Conseil municipal de la santé qui instaure ensuite certains changements, étape cruciale pour convaincre les communautés que le système est à leur service.[6]

Au sein de l’approche des soins de santé primaire, se retrouve le programme de santé de la famille (PSF) qui est la porte d'entrée du système local et qui articule des pratiques de promotion, de protection, de soins et de réhabilitation. Cela implique un travail multi-professionnel et l'implantation de mécanismes assurant l'accès des patients à différents niveaux du système de santé. Ce programme résume très bien le rôle d’un médecin de famille au Québec. Le gouvernement brésilien a encouragé les municipalités à mettre en œuvre le PSF, en apportant des aides financières incitatives, ainsi qu'en institutionnalisant le partenariat entre les organisations d'enseignement et les organisations de services de santé. Le financement est aussi le résultat d'un partenariat entre le gouvernement fédéral et le gouvernement municipal avec, quelquefois, la participation des états.[7]Le cas du Brésil nous démontre que la participation financière de l’État est indispensable à la réussite d’un système de santé de première ligne.

 



[1] FÉDÉRATION DES OMNIPRATICIENS DU QUÉBEC (Vidéo visionné le 20 novembre 2011). (En ligne), DIAGNOSTIC : Un documentaire choc sur la médecine familiale au Québec.

[2] Ibid.

[3] FÉDÉRATION DES OMNIPRATICIENS DU QUÉBEC (Vidéo visionné le 20 novembre 2011). (En ligne), Le Dr. Louis Godin présente les solutions à la pénurie de médecins de famille.

[4] FÉDÉRATION DES OMNIPRATICIENS DU QUÉBEC (Page consultée le 20 novembre 2011). Site de la Fédération des omnipraticiens du Québec, (en ligne), http://www.fmoq.org/fr/press/news/news/2010/default.aspx

[5] FÉDÉRATION DES OMNIPRATICIENS DU QUÉBEC (Page consultée le 20 novembre 2011). Site de la Fédération des omnipraticiens du Québec, (en ligne), http://www.fmoq.org/fr/press/news/news/2011/Lists/Billets/Post.aspx?ID=4

[6] ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ (Page consulté le 20 novembre 2011). Site de l’Organisation mondiale de la santé, (en ligne), Bulletin de l’OMS, Vol 86: 4, http://www.who.int/bulletin/volumes/86/4/08-030408/en/index.html

[7] COLLOQUE INTERNATIONAL « PRATIQUE SOIGNANTES’ ÉTHIQUE ET SOCIÉTÉS » (Page consultée le 20 novembre 201). Site de l’Encyclopédie de l’Agora, (en ligne), http://agora2.org/colloque/pses2005.nsf/Conferences/Le_Bresil__le_Programme_de_Sante_de_la_Famille_pratiques_et_enjeux_Maria_Guadalupe_Medina

 

Commentaires

  • Je ne suis pas entièrement d'accord avec toi, Je doute que le problème se trouve dans le manque d'omnipraticiens; il y a plus de 8000 omnipraticiens au Qc. Selon la fédération des médecins spécialistes du Qc on devrait compter 1 md. pour 1500 citoyens et on en compte actuellement 1 pour 1000. J'ai confiance à notre système de santé; le problème est l'accessibilité.

    Le Qc serait-il sur-administré dans le secteur de la santé? Le patient serait-il délaissé au profit de la paperasse? Est-ce normale que dans un département de radio oncologie on retrouve: 2 chefs, 2 chefs adjoints et 2 coordonnateurs tout ça pour 5 techniciens. Faut-il alléger la structure de la santé?

  • Il est évident que nous manquons de médecins de famille et la preuve n’est plus à faire. Cependant, je crois que le problème ne se situe pas seulement au niveau des conditions des médecins de famille, du manque de valorisation de la profession ou du manque d’investissements de la part de notre gouvernement. Tel que le mentionne Michael Vinberg, de Sortie 13, notre population vieillit et notre bassin de main-d’œuvre se restreint [1], et ce, dans de nombreux secteurs d’activités. Selon le Bilan des perspectives du travail, dans les années à venir, il y aura jusqu’à 26 fois plus d’offres d’emplois que de diplômés [2]. Ainsi, la pénurie de médecins de famille peut être attribuable aux causes que tu as mentionnées, mais également à un manque de relève au sein de notre société, manque qui sera appelé à s’accroître au cours des prochaines années.

    Pour pallier à cette pénurie de main-d’œuvre, le Québec devra miser sur l’immigration et revoir ses programmes et politiques afin de faciliter leur intégration et combler nos manque d’effectifs dans plusieurs secteurs.

    En ce moment, comme le souligne si bien notre collègue Seydou Sail dans son blogue du 24 octobre intitulé L’intégration des médecins diplômés à l’étranger, il est très difficile pour un médecin étranger d’obtenir un droit de pratique au Québec et selon Médecins D’Ailleurs, ce serait 3 000 médecins diplômés à l’étranger qui ne peuvent exercer en ce moment dans notre province. N’est-ce pas là une solution intéressante à la pénurie de médecin de famille?

    Une autre solution alternative à cette pénurie se situe dans le projet de loi 41, déposé par le ministre Bolduc la semaine dernière. Ce projet, s’il est adopté, accorderait plus de pouvoir aux pharmaciens. Bien que cela ne permettrait pas de donner un médecin de famille à chaque Québécois, ce projet permettrait tout de même de « réduire les délais pour les consultations à l'urgence et dans les cliniques médicales » [3]. L’accessibilité aux orphelins de médecin de famille à notre système de santé s’en trouverait ainsi facilité.

    Joannie Laplante
    ENP 7505, lundi soir


    [1] VINEBERG, Michael (page consultée le 24 novembre 2011).
    « Investir dans le futur capital humain du Québec », dans Sortie 13, [En ligne], http://www.sortie13.com/immigration-michael-vineberg.html

    [2] RENAUD, Carl (2011). « Une pénurie de main-d’œuvre accrue », Le Journal de Québec, le 3 février 2011, [En ligne], http://lejournaldequebec.canoe.ca/journaldequebec/actualites/national/archives/2011/02/20110203-045150.html (page consultée le 24 novembre 2011)

    [3] LAVALLÉE, Jean-Luc (2011). « Les pharmaciens auront plus de pouvoir », Le Journal de Montréal, le 15 novembre 2011, [En ligne], http://lejournaldemontreal.canoe.ca/journaldemontreal/actualites/national/archives/2011/11/20111115-201602.html (page consultée le 24 novembre 2011)

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