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Éléments d’une stratégie d’établissement d’un État de droit en RDC par Erica Beuleu

Éléments d’une stratégie d’établissement d’un État de droit en RDC- Erica Beuleu

 En 2011, pour la seconde fois dans l’histoire du Congo, les Congolais choisiront leurs dirigeants nationaux et provinciaux à travers des élections démocratiques. Ces événements traduisent une détermination apparente à rénover radicalement la gouvernance politique et économique et à reconnaître les aspirations démocratiques inassouvies depuis l’indépen­dance. La réalisation de ce dessein passe néanmoins par l’établissement d’un État de droit.

 

De notre point de vue et ainsi qu’il en ressort du programme de M. Tshisekedi, une stratégie d’établissement d’un État de droit au Congo doit comporter quatre priorités :

1) une stratégie crédible et globale de restauration de l’autorité de l’État ainsi que la réforme du secteur de sécurité, en mettant l’accent sur le renforcement des capacités institutionnelles et la justice;

2) un plan spécifique pour la promotion de la réconciliation et de la sécurité humaine qui se concentre sur la responsabilité judiciaire ;

3) un engagement politique visant à améliorer la gouvernance par le biais d’une transparence économique accrue, la décentralisation et la tenue d’élections locales; et

 4) le maintien des efforts quant à la stabilisation des relations régionales.

 

1.    Une stratégie pour désarmer les groupes et milices armés, combinée à la restauration de l’autorité de l’État  et la réforme du système de sécurité.

 

Depuis des années, deux pierres d’achoppement ont gêné les efforts de désarmement : le manque de volonté politique de Kinshasa, le manque d’implication et de coopération des pays voisins. L’Europe, les États-Unis, le Canada et les pays africains devraient renforcer les pressions politiques sur Kinshasa et les pays voisins. La réforme du système de sécurité au Congo a été entravée en raison du fait qu’elle ait été marginalisée dans les priorités gouvernementales. S’agissant de la réforme des services de sécurité, comme beaucoup d’armées africaines, l’armée congolaise est un acteur principal de violations des droits de l’Homme. Par conséquent la réforme de l’armée doit comprendre une formation complète sur les droits de l’Homme et sur les règles humanitaires internationales, ainsi que la poursuite systématique des coupables par la justice militaire.

 

Pour éradiquer l’actuelle culture d’impunité qui sévit parmi les forces armées, il sera crucial de renforcer et de faire appliquer la législation interdisant la violence sexuelle et de créer à l’intérieur de la police militaire et de la justice militaire des unités soutenues internationalement pour enquêter sur les crimes sexuels et ouvrir des poursuites judiciaires. A long terme, la responsabilité de la sécurité domestique devrait passer de l’armée à la police. Il sera toutefois nécessaire d’assigner en justice, à travers des procédures d’enquête approfondies, les membres de la police qui ont commis des violations des droits de l’Homme et d’autres crimes comme les viols, tout en les retirant de la police, ainsi que les membres de l’armée ayant commis des crimes identiques. Pour les partenaires internationaux, le défi le plus important de la réforme du système de sécurité sera d’accompagner le gouvernement congolais sur cette voie.

 

2.    Favoriser la réconciliation nationale et la sécurité humaine

 

La peur des autres communautés et le désir de revanche se sont propagés au Congo, devenant ainsi un instrument de contrôle et de mobilisation. Il faut à présent gérer ces mentalités parmi les populations civiles, traumatisées par des années de conflits ininterrompus. Si la réconciliation est un aspect clé de la stabilisation du Congo, elle ne se réalisera pas sans sécurité humaine. La restauration de l’autorité de l’État à travers l’armée, la police et les services administratifs étatiques avec un contrôle et un support international fournit une condition nécessaire mais non suffisante pour la sécurité humaine. Un traitement privilégié pour une communauté, un manque de sensibilisation et de consensus dans le processus de réconciliation, une corruption institutionnalisée dans l’allocation des terres, et l’insécurité du système foncier sont des facteurs d’insécurité. Il est nécessaire d’aborder ces éléments comme une composante essentielle de la politique de réconciliation. Pour consolider la paix au Congo, il est temps d’en finir avec la culture de l’impunité qui a prévalu trop longtemps.  Toutefois, puisqu’il s’agit de diminuer les tensions, cette procédure doit être équilibrée et équitable – non une justice de vainqueurs qui règle ses comptes car compte tenu de la taille du pays et des tensions politiques internes déjà existantes, le Congo est sujet à des rébellions locales alimentées par des querelles intercommunautaires. Certaines insurrections ont démontré un potentiel suffisant pour entraîner une perte de contrôle des autorités.

 

3.    Améliorer la gouvernance

 

L’amélioration de la gouvernance est une des composantes de la stratégie d’instauration d’un État de droit prônée par le programme de M. Tshisekedi.  L’exploitation illégale des ressources minérales prive le gouvernement du revenu indispensable des taxes et consolide la puissance des chefs militaires qui prétendent être les représentants légitimes de leurs communautés. L’État de droit dépend d’une économie de paix fonctionnant à l’intérieur d’une structure légale transparente. La construction de la paix requière en particulier une amélioration de la gestion économique provinciale et la construction d’institutions provinciales efficaces et fonctionnelles. La décentralisation fut identifiée comme une exigence clé pour la rénovation de la gouvernance dans le pays durant la conférence nationale au début des années 1990 et elle reste une aspiration fondamentale pour la plupart des Congolais. Les autorités locales qui représentent toutes les communautés et fournissent des services sont perçues comme un élément nécessaire de la structure décentralisée exposée dans la constitution de 2005. A son tour, cette structure est censée servir de contrepoids aux tendances prédatrices du pouvoir central tout en rapprochant un gouvernement responsable de la population. La lutte contre la corruption doit aussi être institutionnalisée. Une stratégie de lutte contre la corruption fondée sur les efforts de la société civile et les expériences enregistrées dans d’autres pays sortant d’une période de conflit doit être élaborée.

 

4.    Stabiliser les relations entre le Congo et ses voisins

 

Le Congo et ses voisins ont besoin de promouvoir la réconciliation. Dans son programme, Tshisekedi prône le maintien des efforts quant à la stabilisation des relations régionales dans l’indépendance et le respect mutuels. Les gouvernements du Congo et des principaux pays voisins que sont le Rwanda et l'Ouganda ont la responsabilité partagée de superviser et d’assurer un environnement régional sûr. Les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies doivent donner aux casques bleus de la MONUSCO les ressources leur permettant de concentrer leurs actions sur la protection des civils.

 

En conclusion, comme ailleurs en Afrique, le problème au Congo ne réside pas tant dans l’identification des objectifs de construction de l’État de droit que dans la capacité à maintenir la volonté politique nécessaire. L’occasion offerte par les prochaines élections ne devrait pas être une fois de plus gâchée. L’environnement favorable à des élections crédibles et transparentes devrait être crée.  A moins d’encourager un vote transparent, les élections risquent de déboucher sur le maintien du statu quo actuel sans l’établissement d’un État de droit. Comme le préconise le programme de Tshisekedi, il est à présent temps de concentrer les efforts sur cet objectif car les enjeux sont très importants pour l’avenir du Congo. Poursuivre le projet démocratique est indispensable pour stabiliser le Congo à moyen et à long terme. Produire un nouvel élan susceptible d’inverser la tendance actuelle exige que les réformes institutionnelles et le programme législatif cessent d’être uniquement considérés sous leurs aspects techniques.

 

Erica Beuleu

 

Commentaires

  • Un bon texte ....à corriger maintenant. On voit le résultat en classe.

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