Printemps arabe ou absence de l’État de droit ?
Printemps arabe ou absence de l’État de droit ?
L’expression de « printemps arabe » est une métaphore qui fait référence aux révolutions et aux manifestations populaires que connait le monde arabe depuis décembre 2010. C’est une expression qui fait allusion, également, à l’éveil d’un peuple qui est enfin sorti de sa tanière après une longue hibernation, pour crier haut et fort sa souffrance et son désarroi et réclamer le droit à la dignité, à la justice sociale et à la liberté.
Cette brise printanière qui a soufflé sur l’Afrique du nord et une bonne partie du moyen orient, après presque un demi-siècle d’oppression, de précarité, d’exploitation et d’absence quasi-totale des libertés démocratiques a fini par réveillé dans la jeunesse arabe des rêves longtemps oubliés, des vœux avortés sinon tués dans l’œuf . Elle a permis, également, à cette dernière de prendre son destin entre ses mains et se projeter à l’avant-scène de l’histoire.
Comment et pourquoi la révolution arabe s’est produite ?
Tout commence à Sidi Bouzid, une petite ville au sud de la Tunisie où un simple marchand ambulant, Mohamed Bouazizi, un jeune diplômé chômeur s’est immolé, après une forte humiliation d’une agente de police. Cet événement dramatique signe de désespoir ouvrira une nouvelle page dans l’histoire mondiale.
Très médiatisée surtout par la chaîne qatariote Aljazeera, l’information a vite circulé sur les réseaux sociaux d’internet ( facebook et twitter). Frustrée et exaspérée, la jeunesse arabe longtemps victime du même paradoxe : la classe majoritaire mais minoritaire au pouvoir et au marché du travail, se reconnait en lui. Ainsi, des mouvements révolutionnaires de masses se sont structurés, et ont descendu dans les rues pour arracher des droits violés. Malgré la riposte violente et l’usage de la force à outrance par les classes dirigeantes, ni les arrestations, ni la torture, ni les tirs sur les foules, ni les bombardements des villes ne pouvaient les arrêter ou les intimider.
En Tunisie, Égypte, Lybie, Bahreïn, Yémen, Syrie, Jordanie, Algérie … les aspirations des peuples sont les mêmes. Abolir des régimes despotiques, totalitaires, pilleurs de ressources et spoliateurs de richesses, maintenus au pouvoir pendant plus de quartes décennies grâce au soutien des forces impérialistes et leurs services de police capables de réprimer toute tentative d’opposition. Contester des institutions démocratiques de façade et le semblant démocratique d’élections législatives biaisé par le clientélisme politique, dans lequel seul adhère le corps désuet des partis politiques intimement liés au pouvoir. Des partis qui ne représentent et défendent que leurs propres intérêts.
Lutter contre la corruption et les détournements de fonds publics régnant à toutes les échelles de l’administration publique. S’opposer au népotisme qui va de la transmission héréditaire du pouvoir dans les républiques à l’occupation des hauts postes de l’appareil politique par des familles oligarchiques, éteignant ainsi toute lueur d’espoir à un futur meilleur.
Protester contre des taux de chômage qui ne cessent de grimper, la cherté de la vie, le désert social ambiant (des hôpitaux sous équipés, des villages encore enclavés, des transports en commun inaccessibles), dans des pays qui regorgent, pourtant, de ressources pétrolières et de gaz naturel, l’une des raisons de l’appauvrissement des classes moyennes et l’affaiblissement de leur revenus.
Lutter contre les disparités sociales ou la dictature des riches, cette poignée de personne associée aux affaires, ces familles féodales et capitalistes qui s’accaparent les activités économiques nationales, condamnant les peuples à des salaires de misère et rendant par la même le gap de plus en plus large entre une classe aisée vivant dans la grande opulence et une couche opprimée n’ayant pas le droit à la vie mais à la survie et encore.
En fait, après ce long blocage la révolution arabe était pressentie et prévue par plusieurs observateurs et analystes spécialistes du monde arabe, car la situation est devenue insoutenable, et la tendance vers l’émancipation sociale et économique des démunis, la démocratie, la création des États de droit, des élections libres, aux changements des constitutions, à la séparation des pouvoirs, à l’indépendance de la justice, à une redistribution équitable des richesses était et elle est toujours de mise.
Mais si la révolution arabe à abouti au départ de Zine El-Abidine Ben Ali en Tunisie, Hosnie Moubarak en Égypte, Moamar Khadafi en Lybie et bientôt Saleh au Yémen, la chute de ces tyrans n’est qu’une première étape. Former des institutions démocratiques et changer des mentalités coriaces sera un travail de longue haleine.
Mais, en tant qu’arabe je suis fière de dire que nous sommes entrés, enfin, dans une ère nouvelle de libertés individuelles et collectives.
Manal Saidi.
ENAP 7505 Pricipes Et Enjeux De L'Administration Publique.
Commentaires
Bravo encore Manal pour oser un commentaire public sur une question d'actualité pour faire voir des principes d'administration publique concrets.
N'oublions pas de s'assurer une copie-papier dans les cahiers réservés à cette fin.
Ceci s'applique aussi pour les "commentateurs" de Manal.
Et bientôt ...de la correction, au sens d'examen de la copie !
Prof - dimanche le 23 octobre
Maintenant que la population a repris la main et chassé les tirants de Tunisie, Égypte et Lybie, quel est le véritable espoir de voir s’établir durablement l’état de droit dans les pays arabes et musulmans ?
On est en droit de se demander si l’utilisation de la Charia dans la nouvelle constitution libyenne ne va pas à l’encontre de ce qu’est un état de droit, où la religion ne peut dicter au Judiciaire et au Législatif la marche à suivre.
Qu’en est-il des militaires toujours en place en Égypte ? Sont-ils vraiment résolus à redonner le pouvoir au peuple où s’apprêtent-ils encore une fois à s’en emparer et bafouer l’état de droit que celui-ci réclame ? On peut se demander pourquoi un blogueur et militant égyptien du printemps arabe, Alaa Abdel Fattah, a été jugé dernièrement par tribunal militaire pour avoir inciter à la violence. Les faits qu’on lui reproche sont peut-être réels, mais comme 12 000 autres égyptiens depuis la chute de Moubarak, on peut se demander pourquoi il n’a pas été jugé par une coure civile. Ne serait-ce pas la première des institutions à garantir dans l’établissement d’un véritable état de droit ?
Enfin, la victoire des islamistes en Tunisie est certainement source d’inquiétude pour les défendeurs de l’état de droit, le passé démontrant malheureusement que ces mouvements politiques ont trop souvent tendance à bafouer l’état de droit en donnant à la religion un pouvoir de mettre dans le même lit l’Exécutif, le Judiciaire et le Législatif.
Espérons que ces mouvements marquent le début d’une nouvelle aire et que des modèles d’état de droit musulmans voient enfin le jour pour que ces pays puissent prendre pleinement part à la mondialisation dans laquelle ils ont encore des difficultés à trouver leur place !
Jean-Marie Heurtebize, ENAP7505, Automne 2011/Lundi soir
Après une longue et dure bataille contre l’injustice, l’absence des libertés démocratiques, l’oppression, le despotisme etc … certains pays arabes ont vu le début d’une nouvelle ère qui signifiait pour eux la marche vers la vraie démocratie et l’instauration d’un Etat de droit.
L’Etat de droit ne peut fonctionner sans les trois pouvoirs, à savoir le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Certains gouvernements du printemps arabe comme la Libye ont clairement exprimé leur intention d’introduire la charia dans leur constitution. La crainte est grande dans ces pays où le peuple s’attend à un nouveau départ avec les principes et fondements de la démocratie que sont la séparation des pouvoirs en trois pouvoirs(le législatif, l’exécutif et le judiciaire), l’indépendance de la justice, la liberté d’expression, le recours contre l’excès de pouvoir etc...
La montée aux pouvoirs des islamistes en Tunisie et en Egypte, la supervision de la constitution par les militaires en Egypte sont autant de facteurs qui pourraient entraver le fonctionnement des principes et fondements d’un Etat de droit.
Etant donné que la charia et la démocratie ne vont pas de pair, la grande question qu’on doit se poser est comment ces nouveaux gouvernements issus du printemps arabe vont concilier charia et démocratie ?
Espérons que cette nouvelle ère soit profitable aux générations futures de ces pays.