L’affaire Tomassi et l’enjeu du financement des partis politiques
Depuis plusieurs mois, nous assistons à un bouillonnement d’événements qui font trembler les mûrs de notre institution démocratique. Les allégations de collusion entre les partis politiques et des entreprises, la corruption dans le milieu de la construction, les infrastructures mal entretenues, les maires des municipalités réclamant plus de balises dans l’octroi des contrats et les demandes répétées d’une enquête publique sont des sujets que nous pouvons lier à la manière que les partis politiques ce financent.
L’affaire Tomassi en est un bon exemple. Les accusations d’abus de confiance et de corruption portées contre lui font l’objet d’une enquête par l’unité permanente anticorruption. Les faits reprochés se seraient déroulés entre juillet 2006 et mai 2010.(1) (2)
Le député Tomassi était un collecteur de fonds redoutable. Impliqué en politique depuis 1989, il a en 2007 et 2008, ramassé plus de 393 000 $ dans les coffres du parti libéral (4). Très présent dans toutes les activités politiques de sa circonscription, il a su convaincre de nombreuses personnes à donner de l’argent. Mais qu’est-ce qui motive un citoyen à donner son argent à un parti politique? Est-ce qu’en arrière de chaque donateur, il y a un entrepreneur?
On a le devoir d’y réfléchir. Il faut se demander pourquoi se sont majoritairement les individus possédant une entreprise qui contribue à un parti politique. Leurs attentes sont-elles d’être dans les bonnes grâces d’un ministre et du gouvernement au pouvoir pour obtenir un contrat?
Le don de soi et de son argent existe dans les causes humanitaires. Cela touche un sentiment d’entraide envers ceux qui ont besoin d’aide. Mais en politique, il faut bien une raison qui motive à faire un don. Si ce n’est pas un don relevant d’un sentiment, la logique me semble être l’accès au pouvoir décisionnel pour obtenir des contrats ou des subventions ou faire adopter des lois favorisant mon entreprise.
Je trouve personne de mon entourage ayant fait un don à un parti politique. Si très peu de citoyens financent un parti politique, comment ces derniers réussissent-ils à amasser leur financement? La loi électorale du Québec n'autorise que les dons d'individus inscrits sur la liste électorale. Les entreprises n'ont pas le droit de contribuer au financement. Il leur est également interdit de rembourser des dons électoraux effectués par des employés.
L'ancien ministre de la Famille Tony Tomassi avait compris les raisons. Deux des trois chefs d’accusations dont il est soupçonné l’accusent d'avoir favorisé l'octroi de permis de garderie à des contributeurs de la caisse électorale libérale et d’avoir commis un abus de confiance relativement à ses fonctions.
Avec ma lecture du chapitre 22 du livre Secrets d’états, je comprends pourquoi Monsieur Tomassi n’a pas fait bonne figure comme ministre de la Famille. Dans sa biographie publiée sur le site internet de l’Assemblée nationale, il est écrit que Monsieur Tomassi a étudié en science politique, mais n’a pas obtenu son diplôme de bachelier contrairement à la majorité des ministres qui ont un diplôme universitaire. Il n’a pas obtenu son poste de ministre grâce à ses diplômes. Je suppose que le premier ministre l’a nommé ministre au détriment des autres députés parce qu’il avait réussi à obtenir la confiance d’une large majorité des électeurs de sa circonscription en raison de son implication dans le milieu et aussi la renommée de son père avec l’entreprise familiale. Comme l’a écrit André Pratt dans son article de la presse du 13 octobre 2011, « est-ce que le premier ministre a pris le risque de promouvoir Tony pour plaire au père Donato, influent organisateur libéral du nord de Montréal? » La contribution financière au parti a sûrement été un autre élément considéré dans le choix.(7)
Dans l’octroi des permis de garderie, Monsieur Tomassi n’a pas retenu les recommandations du ministère. Il a plutôt utilisé son pouvoir de ministre comme le prévoyait à l’époque la loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance (L.R.Q.,chapitre S-4.1.1). Cette différence majeure de valeurs a provoqué chez des fonctionnaires une déloyauté envers le ministre. L’interaction du politique et de l’administratif dans le processus décisionnel a été rompue. C’est ainsi que l’information a été transmise aux médias. Depuis ce temps, la nouvelle ministre Yolande James a fait modifier la loi en faisant adopté le projet de loi 126 modifiant les règles d’attribution des permis.
Le 3e chef d’accusation indique que M. Tomassi aurait utilisé une carte de crédit de M. Coretti propriétaire de la compagnie BCIA pour payer ses factures d'essence, et ce, même s'il recevait déjà une allocation de l'Assemblée nationale pour défrayer ses dépenses de transport.(3)(6) Pourrait-on penser qu’en échange de cet avantage, le ministre aurait pu influencer le gouvernement en faveur de BCIA.
En mai 2010, M. Tomassi a été démis de ses fonctions au ministère de la Famille.(5) Depuis le dépôt des accusations, les partis de l’opposition réclament sa démission. Il serait surprenant que Monsieur Tomassi démissionne et se prive d’être défendu par le gouvernement. Notre justice prévoit que nous sommes innocents jusqu’à ce que l’on prouve le contraire.
La loi sur le financement des partis politiques me semble avoir provoqué cette situation. Elle entraîne nos politiciens à imaginer des stratagèmes pour financer leur parti politique.
Un des faits faisant l'objet d'une enquête concernant Tony Tomassi est qu’il aurait remis à Luigi Coretti des billets pour un cocktail de financement du PLQ tenu au golf d'Anjou le 7 avril 2008. Les billets, d'une valeur de 500 $ chacun, ont été remis à une dizaine d'employés.(4) On utilise ces derniers comme «prête nom» n'ayant pas défrayé eux-mêmes leur participation. Qui a payé les billets servant au financement du parti libéral du Québec? Ce genre d’activité et de financement est très répandu dans les partis politiques autant au palier municipal, provincial que fédéral.
L'agence BCIA, qui vient de se placer sous la protection de la loi sur la faillite, a été financée en partie par des fonds publics. Quatre Fonds d'intervention économique régionale (FIER), des fonds d'investissements en capital qui permettent d'injecter du capital de risque à des entreprises qui démarrent, ont investi 1 million de dollars chacun dans la firme.(4) Est-ce une façon de faire transférer l’argent entre le public et le privé? Dans la construction, l’octroi des contrats a des firmes de génie-conseil avec ou sans appel d’offres ou avec collusion entre elles favoriseraient que les coûts soient plus élevés. Est-ce que les bénéfices encourus seraient ainsi redirigé au financement des partis politiques?
Ces nouveaux événements entachent l'ensemble de la classe politique. La responsabilité et l’imputabilité de nos dirigeants sont sérieusement remises en cause depuis les derniers mois. Le cynisme de la population envers les politiciens jette un discrédit sur nos institutions publiques devant servir à protéger les citoyens. La population réclame une commission d’enquête publique qui pourrait révéler les faits. À la lumière des révélations, notre système démocratique pourrait en être modifié.
Références:
(1) Publié le 11 octobre 2011 à 16h55 sur cyberpresse .ca | Mis à jour le 12 octobre 2011 à 06h47 Tomassi face à la justice.http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/justice-et-faits-divers/201110/11/01-4456205-tomassi-face-a-la-justice.php
(2) SECTION VI, L.R.Q., chapitre A-23.1Loi sur l'Assemblée nationale section, SECTION VI, FRAIS DE DÉFENSE,FRAIS JUDICIAIRES, FRAIS D'ASSISTANCE ET INDEMNISATION.
(3) Publié le 12 octobre 2011 à 12h06 sur cyberpresse .ca | Mis à jour à 13h31 Gérard Deltell somme Tony Tomassi de s'expliquer. http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201110/12/01-4456483-gerard-deltell-somme-tony-tomassi-de-sexpliquer.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4456205_article_POS1
(4) Tony Tomassi, les amis et le parti, Mise à jour le jeudi 6 mai 2010 à 13 h 30 http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2010/05/06/001-tomassi_financement.shtml
(5) L'ancien ministre Tony Tomassi accusé au criminel, Mise à jour le mercredi 12 octobre 2011 à 8 h 46 HAE , http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2011/10/11/003-tony-tomassi-trois-chefs-accusations-actes-criminels.shtml
(6) Trois accusations contre l'ex-ministre Tony Tomassi, droit-inc.com http://www.droit-inc.com/article6402-Trois-accusations-contre-l-ex-ministre-Tony-Tomassi
(7) Le cas Tomassi par AndréPratte, editorial du 13 octobre http://www.cyberpresse.ca/place-publique/editorialistes/andre-pratte/201110/12/01-4456606-le-cas-tomassi.php
(8) Article sur Radio canada.ca, Chronologie d'une saga http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2011/05/17/004-financement-saga.shtml
Serge Charbonneau
ENP7505
Automne 2011, lundi soir, groupe 27
Commentaires
Bravo encore Serge pour oser un commentaire public sur une question d'actualité pour faire voir des principes d'administration publique concrets.
N'oublions pas de s'assurer une copie-papier dans les cahiers réservés à cette fin.
Ceci s'applique aussi pour les "commentateurs" de Serge.
Et bientôt ...de la correction, au sens d'examen de la copie !
Prof - dimanche le 23 octobre