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La saga du transport au Québec : un exemple de contrôles exercés sur l’administration publique

 

La saga du transport au Québec : un exemple de contrôles exercés sur l’administration publique

Isabelle Pilotte, ENP 7505

Bientôt arrivés à son cinquième anniversaire, nous nous souvenons de l’effondrement du viaduc de la Concorde à Laval le 30 septembre 2006 qui a fait cinq morts et six blessés. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois, ni la dernière, qu’un « accident » de ce genre se produisait dans le réseau routier du Québec. Pensons à l’effondrement du viaduc du Souvenir en 2000 qui a causé un mort et à celui d’une structure de béton dans le tunnel Ville-Marie cet été. Rappelons-nous toutefois de l’événement du viaduc de la Concorde pour sa particularité; il a enclenché des actions gouvernementales et des réactions provenant de diverses parti-prenantes, dont les derniers développements nous mènent aux fruits du travail réalisé par l’Unité anti-collusion (UAC). La saga du réseau routier québécois au cours des cinq dernières années montre plusieurs exemples de contrôles de l’administration publique. Nous verrons de quelles manières ces contrôles ont été exercés.

Contrôle d’opportunité

Le 3 octobre 2006 suite à l’effondrement du viaduc, le gouvernement libéral instituait une Commission d’enquête, la commission Johnson, ayant pour mandat « d’enquêter sur les circonstances de l’effondrement d’une partie du viaduc […], de déterminer les causes qui ont entraîné cet effondrement et de faire des recommandations au gouvernement sur les mesures à prendre afin d’éviter que de tels événements ne se reproduisent ».[1] On pourrait faire l’hypothèse que le choix d’établir une commission d’enquête offrait l’opportunité pour le gouvernement libéral de préserver sa réputation au regard des québécois en illustrant sa volonté politique de se saisir d’un événement de grande importance.  

Les recommandations de la commission Johnson, rendues publique le 18 octobre 2007, ont influencé considérablement la politique et l’opinion publique. L’effondrement du viaduc a même inspiré la pièce documentaire Sexy béton écrite par Annabel Soutar. Les recommandations de la commission visaient la révision des codes, normes et manuels, la révision du cadre juridique régissant la conception et la construction des ouvrages, l’amélioration de la gestion au sein du MTQ, l’imputabilité des ponts du réseau routier municipal et la remise en état des ponts au niveau national.[2]En réponse à la commission, le gouvernement et la ministre des Transports d’alors, Julie Boulet, ont annoncé un plan d’action gouvernemental comprenant un plan de redressement du réseau routier, la création d’une agence spécialisée dans la gestion des ponts et des méthodes en matière de surveillance du réseau. La planification stratégique 2008-2012 du MTQ y énonce les objectifs de redressement du réseau et les cibles attendues.

Contrôle de la légalité

Pour assurer la pérennité des infrastructures du réseau routier, le gouvernement a voulu encadrer les décisions et actes de l’administration publique par un contrôle plus serré et a fait appel à la règle de droit. D’une part, la ministre des Transports annonçait le 30 janvier 2008 le rapatriement de la gestion des ponts situés sur le réseau routier des municipalités de moins de 100,000 habitantsafin que leur inspection, leur entretien et leur remplacement soit sous la responsabilité et imputabilité du MTQ.La gestion des ponts avait été cédée aux municipalités en 1993 par le même gouvernement libéral. « Les petites municipalités n’ont actuellement pas et n’auront jamais les ressources nécessaires pour gérer des structures de cette importance ».[3]D’autre part, le projet de loi 32 favorisant le maintien et le renouvellement des infrastructures publiques a été sanctionné par l’Assemblée nationale le 21 décembre 2007. La loi vise à assurer la répartition adéquate des investissements entre l’entretien, la résorption du déficit et le développement d’infrastructures par le dépôt annuel d’un budget à l’Assemblée nationale et la reddition de compte de l’utilisation des fonds publics.

Contrôle législatif

Au milieu de ces développements, on retrouve des formes de contrôle législatif provenant des députés de l’opposition. Par exemple, les députés ont questionné et critiqué le projet de loi 53 portant sur la création de l’agence spécialisée dans la gestion des ponts. Est-ce que la création d’une agence publique offrirait l'assurance que le travail sera mieux fait? Faute d’une entente, le projet de loi a été abandonné. De plus, les partis d’opposition ont exercé un contrôle à travers les allégations de collusion dans l'octroi des contrats du MTQ, de fractionnement des contrats pour éviter les appels d’offre et d’allégations de réception de dons d’entreprises par le Parti Libéral du Québec. Ce type de contrôle s’est exercé avec plus de poids par le Vérificateur général qui a recommandé au MTQ « d'établir une stratégie visant à détecter des conditions de marché problématiques » dans l'octroi de contrats liés à la construction routière.[4] C’est suite à cette pression que la ministre des Transports annonçait le 23 février 2010 la création de l’Unité anti-collusion (UAC) ayant pour mandat « de prévenir la collusion dans l'attribution des contrats et l'exécution des travaux auxquels le ministère contribue financièrement, de manière directe ou indirecte».[5]

Contrôle de l’efficacité

Essayons maintenant de faire le bilan des résultats obtenus à ce jour face aux objectifs de redresser le réseau routier et d’en améliorer la gestion et la surveillance. On sait que des opérations d’inspection et de réparation des ponts et viaducs se poursuivent à ce jour. En attestent les grands chantiers, tels que celui du pont Honoré-Mercier et les problèmes de congestion routière qui y sont reliés. On constate toutefois que l’Ordre des ingénieurs demandait à l’automne 2008 un « contrôle plus rigoureux » de la surveillance des chantiers, arguant que les constructeurs n’étaient toujours pas obligés d’user des services d'un ingénieur pour assurer la surveillance d'un chantier de construction.[6] À ce jour, il y a un manque criant d’ingénieurs inspecteurs au sein du MTQ pour superviser les chantiers et vérifier la conformité des travaux routiers réalisés, et tout cela, dans un contexte d’abondance de chantiers en activité. Le MTQ confirmait que 90% des inspections des structures sont réalisées par des inspecteurs de firmes privées de génie-conseil.[7]

Alors qu’en est-il des résultats en matière d’amélioration de la gestion au sein de l’administration publique du MTQ? Que peut-on dire de l’efficacité des mesures de contrôles gouvernementales ciblant les habitudes de travail et la culture interne au sein de l’administration publique du MTQ, tel que le recommandait la commission Johnson? Nous attendons avec impatience le nouveau plan d’action gouvernemental proposant des mesures spécifiques découlant des travaux de l’UAC et de l'Unité anticorruption (UPAC) qui accroîtront la responsabilité des acteurs, autant du secteur public que du secteur privé.

 

Bibliographie

Cyberpresse, http://www.cyberpresse.ca/

Gouvernement du Québec (2007). Commission d’enquête sur l’effondrement d’une partie du viaduc de la Concorde; 3 octobre 2006 au 15 octobre 2007, Rapport, 202 p.

Gouvernement du Québec (2007). Des fondations pour réussir : Plan québécois des infrastructures, 15 p.

Mercier, J. (2002). L’administration publique, de l’école classique au nouveau management, Québec : Presses de l’Université Laval, 518 p., p. 239-273.

Radio-Canada.ca, http://www.radio-canada.ca/

Rapport du Vérificateur général du Québec à l'Assemblée nationale pour l'année 2009-2010, Tome II. Ministère des Transports du Québec : gestion de contrats présentant des situations à risque, 18 novembre 2009.




[1] Rapport de la Commission d’enquête sur l’effondrement d’une partie du viaduc de la Concorde, p.1.

[2] Rapport de la Commission d’enquête sur l’effondrement d’une partie du viaduc de la Concorde, p.179.

[3] Gouvernement du Québec. 2007. Rapport de la Commission d’enquête sur l’effondrement d’une partie du viaduc de la Concorde, p.191.

[4] Rapport du Vérificateur général du Québec à l'Assemblée nationale pour l'année 2009-2010, Tome II. Ministère des Transports du Québec : gestion de contrats présentant des situations à risque, 18 novembre 2009.

[5] Rapport de l’Unité anti-collusion

[6] Infrastructures : l'Ordre des ingénieurs veut un contrôle plus rigoureux. Cyberpresse, 18 octobre 2008.

[7] Rapport de la Commission d’enquête sur l’effondrement d’une partie du viaduc de la Concorde, p.1.

Commentaires

  • Il est facile de constater que l’état gère mal le renouvellement de nos infrastructures routières. Plusieurs ouvrages construits dans les 1960 et 1970 ont atteint leur durée de vie. Malgré les cris d’alarme de certains fonctionnaires, nos élus ont poursuivi la sourde oreille aux demandes d’investissements. Les lois et les règlements adoptés depuis les 30 dernières années nous ont conduits à cette situation précaire que nous vivons actuellement. Nous sommes en réaction à une situation prévisible.

    L'état des finances publiques des vingt dernières années a entrainé les gouvernements successifs à se déresponsabiliser en transférant vers les municipalités et les entreprises privées la gestion et l’entretien des routes et des ponts.

    On croyait fermement que les entreprises privées étaient mieux placées que le public pour assurer cette gestion. Les risques imminents d’effondrements de certaines infrastructures nous démontrent que l’entreprise privée doit être encadré par des lois et règlements sous la supervision de fonctionnaires compétents et en nombre suffisant pour en assurer l’intégralité et le respect des ouvrages. Nous devons rétablir le rapport de force entre le privé et le public. Cela améliorera le respect des coûts, de la qualité des constructions et l’évasion fiscale.

  • Bravo encore et encore Isabelle pour oser un commentaire public sur une question d'actualité pour faire voir des principes d'administration publique concrets.
    N'oublions pas de s'assurer une copie-papier dans les cahiers réservés à cette fin.
    Ceci s'applqiue aussi pour les "commentateurs" de Frédéric.
    Et bientôt ...de la correction, au sens d'examen de la copie !
    Prof - dimanche le 23 octobre

  • Bravo encore et encore Isabelle pour oser un commentaire public sur une question d'actualité pour faire voir des principes d'administration publique concrets.
    N'oublions pas de s'assurer une copie-papier dans les cahiers réservés à cette fin.
    Ceci s'applqiue aussi pour les "commentateurs" de Isabelle.
    (c,est bien beau le couper-coller mais faut le faire tout tout !)
    Et bientôt ...de la correction, au sens d'examen de la copie !
    Prof - dimanche le 23 octobre

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