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Ministre : un métier à risques
Dans sa proposition de règlement concernant la modification du calendrier scolaire, soi-disant pour contribuer à la persévérance scolaire, la ministre de l’Éducation ne se doutait pas à quel point elle touchait à une corde sensible qu’il vaut mieux éviter par les temps qui courent quand on veut rester populaire face à l’opinion publique. Ce dossier s’avère un sujet plus que complet pour démontrer notre compréhension de quelques principes et enjeux de l’administration publique.
Le 3 février dernier la ministre Courchesne dépose un projet de règlement qui viendrait modifier le calendrier scolaire. Le dépôt de ce projet de règlement à la Gazette Officielle du Québec, laisse 45 jours de consultation pour s’exprimer sur le sujet avant le dépôt officiel pour approbation à l’assemblée nationale en vue de sa mise en application à partir
du 1er juillet prochain. Avant de pouvoir être appliqué par le pouvoir administratif, ce nouveau règlement doit parcourir un chemin parsemé d’obstacles et d’embûches parfois impossible à surmonter. En effet, avant d’avoir atteint sa formulation la plus élégante et la plus susceptible de recevoir l’approbation des membres du conseil des ministres, ce projet de règlement aura été transmis au ministère concerné, au comité ministériel approprié en plus de faire un saut au conseil du trésor pour évaluer les coûts financiers reliés à sa mise en application. Le but de cet exercice est de faire une analyse complète tant au niveau législatif que financier de l’introduction de ce nouveau règlement mais surtout de s’assurer qu’une fois sur la table du conseil des ministres l’adoption du règlement ne sera pratiquement qu’une formalité. Dans cette optique on comprend que l’analyse du poids politique d’une telle proposition revient quant à elle à l’ensemble des membres du conseil des ministres qui, nous présumons, devaient avoir accumulé une fatigue extrême le jour de l’adoption de ce règlement. Par ailleurs, celle qui devra assumer toute la responsabilité du dossier une fois que celui-ci est connu du grand public est nulle autre que la ministre responsable de ce dossier, dans ce cas-ci la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Madame Courchesne. Celle qui a tenté de défendre sur toutes les tribunes la pertinence mais surtout la légitimité de son règlement.
La ministre avait la volonté de faire en sorte que six écoles juives orthodoxes privées financées à hauteur de 60% par l’État, se conforment au régime pédagogique du ministère qui prévoit un certains nombres d’heures d'enseignement en français, en mathématique, etc. Le courage derrière cette décision est parfaitement louable mais les moyens pour y arriver semblent tout à fait disproportionnés. Vouloir faire adopter une loi qui pourrait avoir un impact sur l’ensemble de la population qui a des enfants qui fréquentent une école au Québec, pour s’assurer que six écoles se conforment au programme pédagogique, n’aura pas été la meilleure position prise par la ministre pour faire des gains politiques. En effet, comment pouvait-on imaginer que l’ensemble de la population allait se ranger derrière une décision dont l’élément, assurément le plus irritant, concerne l’abolition de l’interdiction d’enseigner les samedis et les dimanches. À une époque où l’ensemble des ménages sont surchargés et se plaignent de manquer de temps en famille et où 60% des enseignants présentent des symptômes d’épuisement professionnel, qui a envie d’entrevoir une seule fraction de seconde la possibilité d’ouvrir les classes durant les précieux samedis et dimanches? N’aurait-il pas mieux valu que la ministre autorise une dérogation à ces six écoles afin de leurs permettre de faire l’étude de la Torah et du Talmud tout en s’alignant sur les politiques du ministère pour le reste des matières? Nous n’avons pas de difficultés à imaginer, qu’un amendement au calendrier scolaire pour accommoder des écoles qui offrent un programme sport-étude en natation par exemple n’aurait probablement pas suscité autant les passions. Sur ce dernier point, il est étonnant pour un gouvernement qui ne se positionne pratiquement pas sur les épineuses questions d’accommodements raisonnables prenne un tel risque politique.
La ministre Courchesne, de passage à l’émission de Christiane Charrette sur les ondes de Radio-Canada le vendredi 19 février, a tenté de se débattre tant bien que mal en affirmant que la volonté derrière l’adoption de ce règlement modifiant le calendrier scolaire est un moyen en faveur de la persévérance scolaire ou autrement dit pour lutter contre le décrochage scolaire. Cette affirmation, aussi vraie puisse telle être, semble manquer d’innovation pour tenter de faire « raccrocher » des jeunes déjà démotivés par l’école en les y invitant les samedis et dimanches! Aussi, en fouillant dans la documentation du ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport sur sa principale stratégie d’intervention en faveur de la persévérance scolaire, le programme Agir autrement, on y lit qu’il revient à chaque école de faire l’analyse de sa situation et de proposer des moyens adaptés à son milieu afin d’agir en faveur de la persévérance scolaire. Cette façon de présenter les choses vont de pair avec la mission et les rôles attribuables à chacune des principales institutions impliquées dans le système d’éducation, soit le ministère de l’éducation et les commissions scolaires. Effectivement, les commissions scolaires qui existent depuis fort longtemps, sont l’équivalent d’un gouvernement local dont une des responsabilités concerne l’adoption d’un calendrier scolaire. Si la demande de modification du calendrier en provenance de ces « gouvernements locaux » était si forte, la pression serait venue du bas vers le haut et la ministre aurait eu toute la légitimité de proposer une modification qui aurait répondu aux préoccupations de l’ensemble des écoles publiques. Dans le cas des six écoles au cœur de cette polémique, étant privées, elles relèvent directement du ministère sans l’intermédiaire d’une Commission scolaire d’où l’intérêt d’un arrangement à l’amiable avec celles-ci.
Des solutions possibles?
Il reste à peine quelques jours avant la fin de la consultation à ce sujet et il y a fort à parier que le sujet va retrouver une place importante dans l’actualité, étant donné les protestations qui ont suivi chez les syndicats d’enseignants pour ne nommer que ceux là. Des solutions envisageables :
1)Un règlement qui aura une formulation donnant la possibilité exclusivement aux écoles qui en font la demande de déroger à l’interdiction d’enseigner les samedis et dimanches sans l’imposer à l’ensemble des écoles.
2) Ouvrir un véritable débat public sur la question sans grande chance de gain
3) Tenir ça mort en souhaitant que l’opinion publique n’en tienne pas trop rigueur à la ministre Courchesne, mais le prix à payer de cette dernière option risque de mettre au moins six écoles dans le camp ennemi de la ministre.
Et vous, quelle solution entrevoyez vous pour se sortir de ce dilemme? Je vous invite à réagir et ou à proposer vos solutions,….
Entrevue de la ministre Courchesne sur les ondes de Radio Canada
http://www.radio-canada.ca/emissions/christiane_charette/2009-2010/archives.asp?date=2010-02-19
Article du Devoir concernant une étude de l'École nationale d'administration publique (ÉNAP) sur la santé mentale des professeurs
http://www.ledevoir.com/societe/education/282856/detresse-psychologique-les-enseignants-montrent-la-reforme-du-doigt/
Programme d’intervention Agir autrement
http://www.mels.gouv.qc.ca/Agirautrement/index.htm
BLOG no1 Groupe du jeudi soir Montréal
I. Francoeur