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BLOGUE #1 – LIEUTENANT-GOUVERNEUR : QU’ATTENDENT LES LÉGISLATEURS POUR LÉGIFÉRER?- PIERRE GATINEAU (BROSSARD)

 

 

 

Chaque fois qu’il est question du lieutenant-gouverneur au Québec, les passions se déchaînent. Le plus récent scandale implique bien sûr l’honorable Lise Thibault et son penchant pour le faste aux dépens de ses sujets. Dès qu’on lui eu injecté du sang bleu, Son Honneur se mit à confondre les deniers de l’État avec les siens. Au terme de son règne d’une dizaine d’années, sur les 1,7 millions versés par le ministère du Patrimoine canadien pour le paiement de son salaire et les 9,8 millions versés par le gouvernement du Québec pour le fonctionnement de son cabinet, c’est une somme de plus de 700 000 $ que les vérificateurs généraux Renaud Lachance et Sheila Fraser n’arrivent pas à relier à ses activités officielles. Dans son rapport, M. Lachance souligne que « l’ancien lieutenant-gouverneur dépassait systématiquement son budget (par exemple, la dépense réelle en 2006-2007 fut de 1 074 000 $, alors que les crédits accordés alloués en début d’année étaient de 857 000 $). »

Au dessus de tout, « comme représentante de la Reine », elle n’avait pas à se conformer à ces directives sur les dépenses, a t’elle prétendu. Sait-elle que même sa Majesté la Reine Élizabeth II doit produire une reddition de compte très détaillée et la rendre disponible à tous ses sujets sur Internet? (http://www.royal.gov.uk/TheRoyalHousehold/Royalfinances/HeadofStateexpenditure.aspx)

 

On pourra dire, avec raison, que son « larcin » n’a rien de comparable aux actes des Vincent Lacroix et Earl Jones qui la côtoient dans les chroniques judiciaires. En effet, même si cette somme permettait d’assurer une retraite confortable au contribuable québécois moyen, assumée collectivement, c’est de moins de dix sous que chacun d’entre nous a été soulagé par cette dame.

 

Le scandale, ici, ne vient pas tant de l’ampleur de la somme que du mépris dont elle a fait preuve des principes de l’imputabilité et de la reddition de comptes, principes qui sont fondamentaux au système politique qu’elle symbolisait alors. Questionnée sur les « zones grises » dans sa gestion budgétaire devant les députés de l’Assemblée nationale en juin 2008, elle répond « Il y avait des traditions dans ce cabinet-là, les traditions nous ont été transmises ». Puisque les remboursements de dépenses demandés par elle ont été effectués par les ministères du Conseil exécutif et de Patrimoine canadien, elle nie toute responsabilité des dépenses injustifiées; « Ils avaient juste à ouvrir les yeux »!

 

Nous avons tous été choqués par cette effronterie, son déni de responsabilité. Elle a tort, c’est sûr, mais a-t-elle complètement tort? Comment étaient encadrés les budgets qui lui étaient alloués? Qui en avait la responsabilité?

 

Comme déjà mentionné, le ministère du Patrimoine canadien prend à sa charge la rémunération du lieutenant-gouverneur et ses avantages sociaux. Or, dans son rapport, Mme Fraser note que « Patrimoine canadien n’a ni élaboré ni fourni de lignes directrices claires permettant de distinguer les dépenses personnelles des dépenses à caractère officiel. Le ministère a accepté de rembourser à l’ancien lieutenant-gouverneur des dépenses douteuses ou présentées sans pièces justificatives adéquates. Ce faisant, il a approuvé implicitement les pratiques de dépenses de l’ancien lieutenant-gouverneur ». Dans son audition auprès du vérificateur général, Mme Thibault a dit estimer que la somme versée par le fédéral est une subvention comme supplément de rémunération non imposable pour laquelle aucune reddition de compte n’est requise et, de ce fait, ne croit pas qu’elle était tenue de conserver des pièces justificatives. À ce sujet, Mme Fraser émet l’opinion suivante dans son rapport : « Dans un contexte où le gouvernement désire simplifier l’administration de ses paiements de transfert, où les risques financiers sont relativement modestes et où les bénéficiaires sont des personnes ou des organisations qui jouissent d’une crédibilité et d’une notoriété certaines, l’utilisation d’une subvention peut être acceptable et raisonnable » (les soulignés sont de moi).

 

Quant aux sommes provenant du gouvernement du Québec, elles sont votées par l’Assemblée nationale et figurent dans un programme du ministère du Conseil exécutif (MCE), soit le ministère du Premier Ministre. Donc, selon la loi, c’est ce dernier qui est responsable de ces budgets et doit en répondre. C’est d’ailleurs ainsi que cette reddition de compte s’est toujours déroulée par le passé. Mme Thibault le souligne, on ne lui a jamais posé une seule question pendant dix ans! Comment peut-on expliquer ceci? Dans son rapport, le Vérificateur général du Québec constate que le MCE n’avait pas donné de directives claires et précises traitant de l’admissibilité des dépenses et des limites quant aux montants pouvant être réclamés. Il résume ainsi les relations entre le MCE et le Cabinet de l’ancien lieutenant-gouverneur : « Il y a confusion à l’égard des rôles et  responsabilités, faute d’encadrement et de communications efficaces. Dans les faits, chacun croit qu’il revient à l’autre de surveiller les opérations et, au bout du compte, personne n’a vraiment vérifié s’il était opportun de soumettre et de rembourser certaines dépenses ».

 

En effet, « Ils avaient juste à ouvrir les yeux »! Cette mère Bougon y allait à deux mains dans « l’assiette au beurre » pendant que les deux appareils administratifs dormaient au gaz. D’ailleurs, se sont-ils réveillés? Après avoir été muets toute la dernière décennie, tous s’indignent maintenant d’être privés du privilège d’interroger le nouveau lieutenant-gouverneur du Québec. Peut-être après s’être fait tiré l’oreille par sa confrérie du Commonwealth, ce dernier avait déclaré qu’il ne serait « ni présent, ni représenté » devant la commission de l’administration publique en janvier dernier, et ce, malgré l’engagement qu’il avait pris de rendre compte publiquement en commission parlementaire. Sous la pression, il a finalement délégué son aide de camp pour répondre aux questions concernant ses comptes, sur lesquels personne n’a rien trouvé à redire, heureusement. En guise de représailles pour ne pas s’y être présenté personnellement, une motion visant à lui couper les vivres a été présentée et battue de justesse à l’Assemblée nationale il y a quelques jours.

 

Est-ce que lui couper les vivres aurait été LA solution, ou plutôt l’occasion de querelles partisanes? Qu’a t’on fait depuis pour régler la situation?

 

Il y aura trois ans en juin, le Vérificateur général du Québec déposait son rapport spécial sur l’utilisation des fonds publics par l’ancienne lieutenant-gouverneur du Québec. En octobre 2008, La Presse publiait le contenu d’une note d’information à la ministre de Patrimoine Canada, Josée Verner, datée d’octobre 2007, qui indiquait que devant les abus constatés, on mettrait en œuvre un nouveau protocole pour le transfert de fonds fédéraux au MCE pour l’usage du lieutenant-gouverneur et rendrait ses fonds sujets aux cadres de gestion et d’imputabilité provinciaux. Aucun développement à ce sujet depuis. Le temps passe et si rien n’est fait, le tout tombera dans l’oubli sans qu’une imputabilité claire ait été établie. Jusqu’à une prochaine fois…

 

Évidemment, l’abolition de la fonction pure et simple serait la meilleure solution, mais c’est constitutionnellement irréalisable dans un avenir rapproché. Il faut trouver autre chose. 

 

Pourtant, comme on peut le lire dans le rapport du VG une piste de solution est suggérée par le lieutenant-gouverneur lui-même : Le lieutenant-gouverneur termine sa présentation en rappelant qu’il a soumis, « il y a maintenant cinq mois, aux représentants de toutes les formations politiques, les grandes lignes d’un projet de loi statuant sur l’administration des ressources du lieutenant-gouverneur ». Ce projet de loi attribuerait au lieutenant-gouverneur toute l’autonomie en matière de gouvernance et le tiendrait entièrement responsable de ses ressources au même titre que les personnes désignées par l’Assemblée nationale. Le budget du lieutenant-gouverneur ne serait plus assuré par un programme du MCE. En outre, les crédits, qui seraient octroyés par l’Assemblée nationale, seraient défendus par le lieutenant-gouverneur lui-même. Le budget serait accordé sur la base de celui du cabinet du président de l’Assemblée nationale, « avec lequel il y a la plus grande similitude d’activités ». Il s’agirait d’une somme d’environ un million de dollars, ce qui annulerait la compression de 30 % qu’il s’était imposée, décision qu’il estime maintenant trop « téméraire ». Enfin, le lieutenant-gouverneur rendrait compte de sa gestion annuellement, par le dépôt d’un rapport à l’Assemblée nationale, et se soumettrait à l’examen de ce rapport en commission parlementaire. 

 

Alors qu’on réclamait sa présence devant la Commission de l’administration publique, M. Duchesne a encore rappelé, en janvier dernier, avoir suggéré de préciser l’étendue de ses obligations dans un projet de loi.

 

Pourquoi les élus tergiversent-ils? Qu’attendent-ils pour légiférer? Combien de lois ont-elles été votées au Québec depuis la nomination de M. Duchesne le 18 mai 2007? Pourquoi pas celle-ci?

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