Des aidants naturels...la pointe de l'iceberg
Des aidants naturels …la pointe de l’iceberg
Je considère indécent de devoir compter sur la notoriété de quelqu’un pour voir avancer des causes, tel que celle des aidants naturels, que nombreuses femmes ont décrié depuis de nombreuses années. Sans vouloir minimiser la situation vécue par Chloé Ste-Marie, il n’en demeure pas moins que ces derniers ont été des privilégiés par, l’âge de Chloé Ste-Marie, sa disponibilité et surtout par leurs indépendances financière.
Les rapports sociaux de sexe présents dans la société québécoise attribuent aux femmes la charge des êtres dépendants : enfants, conjoint, membre de Ia famille en état temporaire ou permanent de dépendance. II n’est donc pas surprenant que les femmes assument les tâches de la prise en charge comme allant de soi, cela constitue une norme sociale que les termes amour inconditionnel, sacrifice, devoir, justifie.
Les femmes sont toujours plus nombreuses que les hommes à soutenir un proche dépendant et elles assument le rôle d’aidantes naturelles dans une très large mesure. Ce rôle ne cesse de se faire au détriment de leur vie professionnelle, familiale, sociale et de couple. Il suffit pour s’en rendre compte de consulter les études de terrain sur le sujet des soins à domicile.
Nous ne pouvons évidemment rester insensible au cheminement des derniers moments de vie de Gilles Carle et du support qu’à déployé sa conjointe, Chloé Ste-Marie, pour le maintenir à son domicile. Malheureusement c’est le lot quotidien de nombreuses familles Québécoises anonymes qui sont laissées à eux-mêmes depuis toujours.
À la suite d'une tendance politique et sociale à sortir les soins de santé des établissements, de plus en plus de personnes sont soignées à domicile et dans la collectivité. Cela augmente la demande d'aidants naturels et ceux-ci jouent un rôle essentiel dans la durabilité de ce secteur des soins.
À moins de changements démographiques majeurs, d’ici 2041, le Québec, sera l’une des sociétés les plus vieilles en occident. Près de 30 % de la population québécoise sera âgée de 65 ans et plus. Ces projections illustrent l’urgence de développer des modèles d’intervention plus novateurs en vue de penser à des politiques publiques appropriées. Le vieillissement soulève plusieurs problèmes tant au plan individuel que social incluant tous les coûts liés aux soins et services à mettre en place pour une population vieillissante.
Le vieillissement de la population pose également le délicat problème de l’hébergement. L’approche institutionnelle coûte très cher et se voit de plus en plus délaissée dans de nombreuses sociétés industrialisées. Une véritable orientation de maintien à domicile va nécessairement avec des investissements additionnels en personnel, en équipement et en soutien aux aidants naturels.
Devant l’ampleur des changements démographiques et les besoins en soutien aux personnes âgées, le Québec doit favoriser le maintien à domicile mais surtout l’accessibilité universelle aux services par un réalignement des priorités du système de santé. La mise en place des garderies accessibles pour tous les poupons du Québec est un exemple qui aurait intérêt à être imiter, en terme d’accessibilité, afin de maintenir les personnes âgées dans leur domicile et alléger quelque peu le fardeau des femmes.
Des projets favorisant des solidarités intergénérationnelles permettraient également de développer des pratiques sociales, citoyennes et culturelles afin que les aînés prennent pleinement leur place dans la société et puissent contribuer à son développement. Le « rapprochement des générations » est un moyen important pour permettre aux jeunes de profiter de l’expérience et de l’affection des plus vieux et aux aînés de profiter du dynamisme et de la créativité des jeunes. Ce rapprochement devrait amoindrir les intolérances et les préjugés à l’égard de leurs différences. De nombreux projets à caractère intergénérationnel pourraient voir le jour avec un petit coup de pouce des pouvoirs publics qui donneraient aux citoyens les moyens de s’organiser. Il est nécessaire, de mieux penser les milieux de vie afin de tout mettre en œuvre pour permettre à tous ceux qui le veulent de rester chez eux. C’est d’ailleurs ce que souhaiteraient 95% des personnes âgées. Rester chez soi permet de vivre dans un environnement connu, riche émotionnellement et rassurant.
Les personnes âgées, par leurs savoirs, leur mémoire d’expériences de vie, par leur disponibilité, peuvent jouer des rôles sociaux et familiaux appréciables. Les pouvoirs publics doivent assumer leur responsabilité sociale à l’égard de l’importante tranche d’aînée dans la population. Cela implique des choix budgétaires dans le cadre d’une politique concertée de financement de services publics qui devra tenir compte des changements importants qui affectent la taille et la composition du réseau familial. Ce réseau représente aujourd’hui le principal acteur dans la prestation des services à domicile destinés aux personnes âgées en perte d’autonomie. Or, ce défi est loin d’être gagné.
La " mise de côté " de nos aînés constitue un mépris de leurs savoirs, de leurs expériences et un véritable gaspillage tant humain que financier. Le vieillissement et les pertes d’autonomie n’offrent actuellement que l’alternative du placement en institution, que l’on aura plus les moyens très bientôt de se permettre. Les aînés sont des consommateurs au même titre que les autres groupes de la population. Grâce à leurs contributions fiscales, à leur pouvoir d'achat et à leurs investissements, ils participent au produit intérieur brut du Québec.
Pour conclure assurons nous de maintenir l’indépendance des femmes, si difficilement acquise, et reconnaître, financièrement, leurs contributions au maintien des personnes âgées à domicile. Cette contribution d’aidant naturel, doit cesser de se faire en sacrifiant la qualité de vie de ceux qui l’accomplissent.
Doris Johnston
Trois-Rivières
Mardi PM
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