Nouvelle bataille à l’horizon : Les autochtones et le Plan Nord
Nouvelle bataille à l’horizon : Les autochtones et le Plan Nord
Karim Fala, Gr. Lundi soir.
En septembre 2008, lors d’un conseil général du Parti libéral du Québec, Jean Charest annoncé en grande pompe son souhait de développer le territoire québécois au-delà du 49e parallèle. C’est ce qui a appelé le Plan Nord. Que ce soit les mines, les forêts ou bien le potentiel énergétique, ce territoire de 70 000 km2 constitue une immense richesse pour le Québec. Le gouvernement propose «d’accélérer les projets de développement économique sur le vaste territoire du Plan Nord de manière concertée, ordonnée et respectueuse de l’environnement et des populations locales».
En clair, le premier ministre, en voulant aller de l’avant avec ce projet, savait très bien que la résistance allée venir des environnementalistes et des populations autochtones habitant le territoire. Ce projet soulève plusieurs inquiétudes au sein des nations autochtones du Nord québécois. Dans le cadre d’une journée de consultations, ces nations demandent à ce que leurs droits ancestraux et leurs titres aborigènes soient respectés et qu’ils soient consultés pour tous les développements qui se font dans leurs territoires. En premier lieu, il serait pertinent de voir en détail ce qu’est concrètement le Plan Nord pour ensuite d’analyser la question des droits autochtones ainsi que les appréhensions des nations face à ce projet.
Qu’est que c’est le Plan Nord ?
Un an après l’annonce du premier ministre, il n’y a aucun document qui explique le Plan. En effet, les sites gouvernementaux sont muets sur le sujet, il n’y a quasiment aucune trace du Plan. Le seul moyen d’avoir des informations est par l’intermédiaire du site Internet du Parti libéral du Québec. Même le site du Ministère des Ressources naturelles et de la Faune nous redirige vers le site du PLQ. D’ailleurs, l’opposition a dénoncé cette situation à la ministre responsable du projet, Nathalie Normandeau.
Cela dit, le Plan Nord va s’échelonner sur une période 25 ans jusqu’en 2035 et est divisé en quatre grands volets : énergie, secteur minier, développement durable et le secteur forestier. Tout d’abord, dans le domaine énergétique le PLQ promet 3 500 MW qui seront rajoutés aux 4 500 MW déjà prévus dans la Stratégie énergétique du Québec». Après, pour ce qui est du domaine minier, le gouvernement libéral promet la création de 4000 nouveaux emplois dans ce secteur d’ici 10 ans. Ensuite, en matière de développement durable, on promet de protéger 12 % du territoire du Plan Nord selon les normes internationales tout en créant cinq (5) nouveaux parcs nationaux d’ici 2011.
Définition et origines des droits ancestraux
Les tribunaux canadiens à travers plusieurs jugements (j’y reviendrais) ont déclaré qu’une nation autochtone qui habitait le territoire avant l’arrivée des Européens et qui ont continué d’y habiter depuis «a des droits distincts sur ce territoire, appelés « droits ancestraux». On définit un droit ancestral comme un droit «issu d’une coutume, d'une pratique ou d'une tradition qui caractérisent la culture d’un groupe autochtone».
Quant au titre aborigène, le gouvernement québécois le définit comme étant «un type de droit ancestral lié à une occupation exclusive d’un territoire. Il comprend donc le droit d’utiliser et d’occuper des terres de façon exclusive».
De la Proclamation royale à la Constitution de 1982
La Proclamation royale de 1763 signée par le roi Georges III qui définit les territoires conquis par l’Angleterre au profit de la France est le point de départ des revendications des autochtones. En effet, selon Georges Sioui et Bernard Cleary, historien et négociateur, cette proclamation «représente la base de toute reconnaissance des droits des autochtones au Canada».
Cette Proclamation a octroyé aux nations autochtones une grande partie du territoire québécois actuel. De plus, le gouvernement britannique prend l’engagement «de négocier avec les nations autochtones la prise de possession des terres qui leur étaient octroyées». En d’autres termes, on reconnait que les nations autochtones habitant ces territoires ont des droits territoriaux et qu’il faudrait lors des négociations, négociées de nation à nation sur un pied d’égalité.
En 1867, l’année de la Loi constitutionnelle, les autochtones et leurs terres deviennent de juridiction fédérale sans qu’ils soient consultés. De plus, la Loi sur les Indiens de 1876 voulait faire en sorte d’assimiler les autochtones pour qu’ils sortent de leur état «primitif». Cette Loi à plusieurs conséquences : ils sont considérés comme des mineurs, leurs terres deviennent sous tutelle du fédéral, établissement de critères pour le statut d’indien, etc.
Comme je le mentionner plus haut, le judiciaire a également eu son mot à dire par rapport aux droits ancestraux. Tout d’abord, en 1973 dans le jugement Calder, la Cour suprême du Canada «confirme l’existence des droits des Autochtones sur un territoire du fait qu’ils l’occupaient et l’utilisaient avant les Européens».
Toujours dans la même année, la Cour supérieure du Québec «reconnaît des droits aux Cris et aux Inuits et ordonne la suspension des travaux sur les chantiers hydroélectriques, ce qui pave la voie aux négociations et à la conclusion, en 1975, de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois». Donc, on peut affirmer que la judiciaire à travers plusieurs jugements a poussé les gouvernements à agir et négocier des traités avec les différentes nations autochtones. Les Cours ont donc reconnu juridiquement l’occupation territoriale des autochtones et leur conféraient des droits qui étaient absents des lois.
La Constitution canadienne de 1982 vient confirmer dans l’article 35 que «les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.» À partir de cela, les gouvernements et les nations autochtones doivent s’entendre par le biais d’ententes ou bien devant la Cour. Enfin, le gouvernement québécois (Conseil des ministres) a adopté en 1983 15 principes sur les questions autochtones qui reconnaissent plusieurs droits aux autochtones.
Ce bref rappel historique nous permet de voir l’évolution des droits ancestraux des autochtones depuis le 18e siècle. Cette évolution met en lumière toute la complexité du problème et des défis qu’on doit relever pour respecter le caractère distinct des autochtones et de leurs droits ancestraux.
Entre méfiance et colère des autochtones face au Plan Nord
«Sans le respect des droits territoriaux, des Premières Nations, le Plan Nord est un Plan Mort», disait le Chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard. Le message est clair de la part des autochtones, ils vont user de tous les moyens pour faire respecter leurs droits ancestraux. Pour eux, pour tous les aménagements et l’exploitation des ressources naturelles sur leurs territoires ancestraux, le gouvernement provincial doit avoir leur consentement et entamer des négociations. De plus, ils ne veulent pas seulement être consultés, mais ils veulent être impliqués directement dans les projets sur leurs territoires dans une relation nation à nation avec les deux paliers de gouvernements.
Selon le chef des premières nations : «en tant que Peuples et nations distinctes, nous possédons le droit à l'autodétermination, incluant le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Nous sommes fermement décidés à exercer ces droits et à entrer, avec les gouvernements du Québec et du Canada, dans une nouvelle relation de type nation à nation».
Le projet du Plan Nord devient donc un moyen pour les nations autochtones (surtout innus) de profiter de la vitrine que représente ce projet pour rappeler que les gouvernements ne respectent toujours pas leurs droits ancestraux, leurs titres aborigènes, leurs traités historiques et leur droit à l'autonomie gouvernementale.
L’idée du développement du Nord québécois n’est pas nouvelle. Le Nord québécois est constamment en développement depuis plusieurs décennies. Je crois que le projet du Plan Nord peut-être un projet rassembleur et qui va permettre au Québec d’exploiter les richesses sur son territoire au maximum pour faire profiter les générations futurs. Cependant, comme nous l’avons constatée, le gouvernement québécois est confronté à l’épineuse question des revendications autochtones. Le statut juridique particulier des autochtones du Québec fait en sorte que le gouvernement n’a pas le choix de coopérer pleinement avec les nations pour faire avancer le projet. De la Convention de la Baie-James et du Nord québécois à la Paix des Braves signée par Bernard Landry en 2002, le gouvernement québécois a su négocier avec les autochtones dans le respect de leur statut juridique. Je crois sincèrement qu’on peut arriver à s’entendre également avec la nation des Innus tout en tenant compte de leurs revendications pour permettre au Plan Nord de se mettre en marche.
Somme toute, pour certains le temps fera les choses dans le règlement de la question autochtone au Québec et au Canada. Que ce soit le Plan Nord ou des projets d’Hydro-Québec, il est important de se dire que le développement a eu des conséquences importantes sur les coutumes et le mode de vie ces nations autochtones. C’est dans ce sens que nos élus ont le devoir d’élaborer et négocier des ententes selon une «approche commune» (plus égalitaire) où les parties s’entendent sur les principes de bases avant d’entamer les négociations. Enfin, comme le souligné Rémy Trudel, le défi de nos gouvernements est de faire subsister deux régimes de droits et les concilier de façon harmonieuse dans le respect du droit international.
RÉFÉRENCES :
PARTI LIBÉRAL DU QUÉBEC. (Page consultée le 21 novembre 2009). « Le Plan Nord». [en ligne],http://www.plq.org/fr/PlanNord.php
Radio-Canada (Page consultée le 21 novembre 2009), « Les droits territoriaux des autochtones», [en ligne], http://archives.radio-canada.ca/politique/droits_libertes/dossiers/1119/
SECRÉTARIAT DE L'ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS DU QUÉBEC ET DU LABRADOR (Page consultée le 21 novembre 2009). «Le Plan Nord et les Premières Nations : Quel est le plan de Jean Charest?», [en ligne], http://www.apnql-afnql.com/fr/actualites/pdf/comm-2009-03-11%20.pdf
QUÉBEC. Secrétariat aux affaires autochtones (2009). Les principaux jugements et événements dont il faut tenir compte dans la négociation, [en ligne], http://www.versuntraite.com/documentation/jugements.htm (Page consultée le 21 novembre 2009).
QUÉBEC. Secrétariat aux affaires autochtones (2009). Les principaux jugements et événements dont il faut tenir compte dans la négociation, [en ligne], http://www.versuntraite.com/negociations/droits_ancestraux.htm(Page consultée le 21 novembre 2009).
Commentaires
Mr Karim on se demande est ce une bataille ou la guerre de l’horizon, une horizon chargé de brumes ou nous nous restons bien fixé sans rien n’apercevoir pourtant on s’en souvient le 6 novembre dernier sur CNW Telbec ou La vice-première ministre, ministre des Ressources naturelles et de la Faune accompagné du ministre responsable du Plan Nord, Mme Nathalie Normandeau, et le ministre responsable des Affaires autochtones, M. Pierre Corbeil, avaient annoncés la création de deux tables des partenaires du Nord ces tables aimeraient mobilisés plusieurs acteurs directement qui pourront être sollicités par le Plan Nord. Le gouvernement voulait alterner un terrain d’entente pour établir les bases d'un nouveau partenariat avec les communautés du Nord.
Peut-on continuer à faire le tour de « la table des partenaires.» en cherchant qui à tort ou à raison, en dépit de tout le Gouvernement du Québec ne devrait-il pas prendre en main ses responsabilités.
Entre autre, rappelons nous de cette fameuse declaration «Le partenariat que nous proposons avec les communautés se veut inclusif et révélateur de l'importance qu'accorde notre gouvernement au développement du Nord. Ensemble, nous créerons de nouvelles possibilités pour les prochaines générations et l'avenir du Québec», a conclu la ministre.
On se demande est ce que ce partenariat va être vraiment inclusif au Grand Nord est ce que les horizons ne vont pas être fermés. Une chose à suivre.
Winter Tulysse, Groupe lundi soir