BLOG 2 - LETZELTER / CONCILIATION
ALEXANDRE LETZELTER
Cours ENP 7505 – Principes et enjeux de l’administration publique.
Professeur M. Rémy Trudel
Groupe 21 du lundi soir
Automne 2009
BLOG 2 :
L’Etat à l’écoute des enjeux sociaux-économiques : quel leadership assumer ? L’exemple du casse-tête de la conciliation travail-famille, à partir de la situation d’une salariée de Radio-Canada.
Le point de départ de ma réflexion : la situation d’une mère Québécoise.
De ma place de psychologue, à l’écoute des personnes en difficulté, intervenant sur le plan psychique mais aussi social, je me rends compte de l’ampleur des phénomènes, problèmes et symptômes sociaux contemporains auxquels nous avons à faire face sur le plan collectif, et qui nous dépassent individuellement. Psychologue ou administrateur, je me sens parfois le devoir de me faire le porte-parole de ces enjeux de société et de bien comprendre le partage des responsabilités.
J’ai reçu il y a quelques temps une mère monoparentale Québécoise dans la trentaine, visiblement épuisée, déprimée, découragée. Elle est employée comme technicienne à Radio-Canada, au Québec, au statut de temporaire depuis son arrivée, il y a cinq ans déjà. Elle pose le problème de la conciliation travail et famille. Elle fait face à la réalité suivante, comme beaucoup de ses collègues : elle consacre plus de temps au travail qu’à son enfant de huit ans. Elle doit se tenir disponible du jour au lendemain pour travailler aussi bien de jour, de nuit, que les fins de semaine, à des horaires toujours changeants. La répartitrice l’appelle parfois la nuit. Elle a tenté plusieurs fois d’obtenir un horaire de travail décent, mais aussi bien son supérieur hiérarchique que la haute direction ne peuvent pas grand chose, selon elle. Elle se voit répondre que n’étant pas permanente, elle n’a pas vraiment accès à des aménagements travail et famille. On lui refuse pour l’instant son statut de permanent : pas de budget, pas de poste. Mais elle constate que même pour les permanents ce n’est pas si évident. Elle dénonce une mentalité rétrograde, elle accuse les dirigeants qui semblent évoluer dans une sphère lointaine, les syndicats qui semblent immobilistes et le gouvernement « qui ne fait rien ». Elle n’ose pas se plaindre trop, par crainte d’être mal vue, ou de perdre son emploi, ce n’est pas la main d’œuvre qui manque dans le domaine. Elle ne peut s’organiser adéquatement pour assurer l’éducation suivie de son enfant, ce qui provoque des crises à la maison et du décrochage scolaire, et la met en conflit avec le père, dont elle est séparée, qui travaille beaucoup lui-aussi, et ne parvient pas à s’organiser non plus. Ça marche au jour le jour. Elle ajoute : « En plus clair, en tant qu'employée de cette Société d'Etat, je n'ai aucun droit ! Ma bataille sera encore plus longue et ardue que je l'imaginais ! ».
Son cas est loin d’être isolé, bien au contraire, nos sociétés occidentales, nos gouvernements et nos entreprises publiques et privées ont à faire face à un défi de plus en plus grand : comment rester dans la course tout en ne laissant pas pour compte nos citoyens et travailleurs, tout en préservant notre qualité de vie ? Les problèmes liés à la conciliation travail et famille rencontrés en entreprise sont nombreux et fréquents : l’absentéisme, les horaires de travail, la fatigue et le stress, le manque de disponibilité. La majorité des parents qui travaillent considèrent que le défi causé par la difficulté de concilier les responsabilités familiales et les responsabilités professionnelles a augmenté au cours des cinq à dix dernières années. Ils affirment que les milieux de travail sont plutôt mal adaptés à la réalité familiale où les deux parents travaillent. Ils considèrent que la responsabilité de la conciliation travail et famille incombe principalement aux parents et aux milieux de travail conjointement, peu d’ailleurs considèrent que c’est à l’Etat d’intervenir.
Ma question est simple pour cette analyse de situation : qui est en mesure de faire quoi, et en particulier l’Etat ? Et comme toujours, la réponse ne va pas de soi, les choses sont complexes quand on adopte le point de vue d’un administrateur public, quand on tente de faire l’inventaire des responsabilités.
La réalité compétitive et économique des entreprises et des milieux de travail
Radio-Canada, organisme autonome est aussi une entreprise publique de type monopole fiscal, selon Parenteau (dixit Jean Mercier, dans « L’administration publique », 2002). Elle compétitionne avec d’importants conglomérats issus de fusions-acquisitions (Québécor, CTCgm, Canwest). Au-moins 65% de son financement provient de fonds parlementaires, le reste des revenus de publicité et d’abonnement. Son conseil d’administration est indépendant, son président est désigné au libre choix du premier ministre fédéral. Ça n’arrange pas ma patiente, qui se voit exclue totalement, comme tous les employés du gouvernement fédéral et de ses sociétés (10% de la population), des mesures, lois et normes du travail provinciales. L’entreprise de radiodiffusion est assujettie au Code canadien du travail. Au-delà de la compétence fédérale, le cas de Radio-Canada est représentatif de la réalité des entreprises. Quand on lit les politiques institutionnelles, de gestions des ressources humaines, les plans quinquennaux, et qu’on les compare à la réalité, on constate une grande ambiguïté. D’un côté on prône des valeurs et des grandes orientations, on cherche à appliquer les lois (ainsi, offrir des conditions de travail flexibles comme par exemple le télétravail, mettre en œuvre la loi sur le multiculturalisme canadien et des plans d’équité en matière d’emploi dont font partie les femmes, donner la priorité à la personne et au rôle citoyen, transparence, leadership, mise en commun de talents, renouvellement et rétention de la main d’œuvre qualifiée, adaptation de la main d’œuvre aux nouvelles technologies, etc …). De l’autre côté, on consulte trop peu les représentants des employés, les processus administratifs sont lents, on est soucieux des risques politiques, accaparé par les systèmes de gestion, préoccupé par des questions budgétaires, de coûts et de rentabilité, qui amènent bien souvent des réductions d’effectifs annoncées ! L’effort de bonne volonté est louable et incontestable, il y a une tentative d’approche d’ensemble, des mesures immédiates, mais pour l’instant, sur le terrain, ça ne suit pas. Partirait-on du haut pour aller vers le bas, plutôt que l’inverse ?
A l’heure où le vieillissement de la population et le renouvellement de la main d’œuvre sont des problèmes, où les conventions collectives expirent, les syndicats tentent de négocier avec plus ou moins de succès, et l’on s’aperçoit que les conventions collectives ne s’améliorent pas forcément. Là encore, pas de chance pour ma patiente, sa convention collective ne mentionne quasiment rien au sujet de la conciliation travail et famille, sinon la réunion d’un comité chargé d’étudier la question. Les revendications et batailles sont nombreuses pour les syndicats. Tensions au travail et conflits sociaux en vue, encore !
On voit que ce n’est pas facile pour les entreprises de s’adapter à la mise en place de nouvelles lois, bien que pertinentes. A titre d’exemple, la Presse du jeudi 22 octobre 2009 nous apprend que le gouvernement Québécois s’apprête à donner des amendes aux entreprises retardataires à appliquer la Loi sur l’équité salariale, en vigueur depuis 13 ans ! La moitié des entreprises Québécoises est concernée (25000 entreprises qui emploient 400000 personnes !) et pourtant elles avaient jusqu’en 2001 pour s’y conformer. Le porte parole du Conseil du Patronat, Norma Kasaya, explique que c’est la complexité de l’exercice qui est en cause, du fait des réalités économiques contraignantes, de la nécessité de développer de nouvelles compétences, des politiques institutionnelles de gestion des ressources humaines et de culture organisationnelle à redéfinir, des priorités sociales et gouvernementales.
Qui plus est, selon plusieurs enquêtes, l’opinion des employeurs est divisée en ce qui concerne l’implication de l’Etat dans l’aide aux familles (par exemple par le biais de congés de maternité et de subventions aux services de garde) : une moitié pense que l’Etat en fait assez, l’autre moitié pense que non.
Du côté du gouvernement fédéral
On peut lire sur le site web du Ministère du Travail que l’approche de la politique gouvernementale fédérale est d’intégrer la conciliation travail et famille dans la gestion des ressources humaines. Compétence attribuée donc au Ministre des Ressources Humaines et du Développement des Compétences. L’approche privilégiée passe par la négociation de dispositions dans les conventions collectives. Il y a aussi la loi sur l’assurance parentale entrée en vigueur en 2006, la loi sur l’équité en matière d’emploi, des aides financières aux services de garde, quelques consultations et études. Certains syndicats et certains gouvernements provinciaux (devinez qui ?) poussent à des projets de modernisation des normes du travail fédérales, comme la révision de la partie III du Code Canadien du Travail. C’est une des difficultés : la compétence en matière de travail est souvent partagée entre les administrations fédérale et provinciales. Pas grand-chose pour aider ma patiente dans l’immédiat, là encore.
Du côté du gouvernement Québécois
Le gouvernement Québécois est proactif, en particulier le Ministère de la Famille, des Ainés et de la Condition Féminine, et beaucoup plus que les autres provinces ou le gouvernement fédéral : il agit en amont (consultations, réunions de comités, législations, propositions aux niveaux provincial et fédéral) et en aval (application des lois et programmes, négociations). A la différence du gouvernement fédéral, l’action gouvernementale Québécoise, s’origine et se puise d’abord et avant tout dans un questionnement incessant : quel projet de société (distincte) pour le Québec ? Comment l’égalité de droit peut-elle devenir égalité de fait ? Pour une économie de marché mais pas pour une société de marché ? L’appareil gouvernemental est ainsi mobilisé dans son ensemble, le législatif, l’exécutif et le judiciaire, à partir d’un débat de société. De nombreux rapports posent des questions de fond, dont la principale : le travail ou la famille d’abord ?
Depuis 15 ans, des mesures gouvernementales concrètes ont été prises, sous la pression des groupes de femmes et de certains syndicats (non exhaustif):
(1) Consultation publique du Ministère de l’Emploi, de la Solidarité Sociale et de la Famille du Québec, pour définir une politique gouvernementale, en automne 2004.
(2) Interventions législatives :
· Diverses mesures relatives aux événements familiaux ou aux responsabilités familiales ont été adoptées dans la Loi sur les normes du travail (2002), dans la Loi sur la santé et la sécurité au travail, dans la Loi sur l’équité salariale. Cela concerne 1,6 millions de travailleurs qui n’ont pas de convention collective.
· Loi sur l’assurance parentale et Régime Québécois d’Assurance Parentale
(mars 2009).
· Projet de loi 51.
· Norme en matière de conciliation travail-famille, à l'intention des milieux de travail, en cours d'élaboration. Démarche à l'initiative du ministère de la Famille et des Aînés, pilotée par le Bureau de Normalisation du Québec, pour définir la notion de conciliation travail-famille.
(3) Mesures de soutien direct aux individus et aux familles :
· Création de 33000 places dans les services de garde.
· Crédit d’impôt pour frais de garde, pour personnes aidantes, pour soins à domicile.
· Modernisation du programme de prêts et bourses pour les parents étudiants.
· Programme d’Aide aux Devoirs.
· Investissements pour les services de halte-garderie communautaires.
· Services de garde à frais réduit en milieu scolaire.
· Congés parentaux bonifiés.
· Programmes d’aide aux employés.
· Retrait préventif des travailleuses enceintes.
· Prix ISO famille jusqu’en 2004.
· Programme de soutien financier aux milieux de travail en matière de conciliation travail-famille et à des projets issus de la communauté en matière de conciliation travail-famille.
Le leadership gouvernemental Québécois dans la conciliation travail et famille
Il me semble que le gouvernement Québécois joue pleinement son rôle, à l’écoute de la multiplicité des acteurs : citoyens, parents, associations, institutions, groupes de femmes, syndicats, médias, entreprises, gouvernement fédéral, … Et ce même si les choses prennent beaucoup de temps, après tout les choix, valeurs et mentalités d’une société ne se transforment pas comme ça, doivent évoluer et se synchroniser.
Le gouvernement se positionne adéquatement, pour définir sa politique, à la frontière des différents enjeux :
- En oeuvrant à la fois en direction des familles (faire équipe avec les partenaires communautaires) et du travail (encourager les milieux de travail par des mesures incitatives).
- En s’appuyant sur des lois « constitutives » déjà existantes (Charte des Droits et Liberté), en procédant à des aménagements (Normes du Travail), mais aussi en réfléchissant à la pertinence d’une loi-cadre. Promulguer une loi versus promouvoir un projet de société.
- En agissant dans l’immédiat, avec des mesures et programmes urgents à mettre en place (on fait ce qu’on peut) mais aussi en préconisant une vision plus large (on fait ce qu’on veut).
- En laissant s’exprimer les crises, mais aussi en cherchant à les apaiser.
- En tenant compte du contexte international, en particulier les recommandations de l’Union Européenne et de l’OCDE : « La mise en place de mesures de conciliations entre le travail et la famille permet de préserver à la fois des taux d’activité et de fécondité élevés dans nos sociétés développées, afin d’assurer le remplacement des générations et le renouvellement de la population active ».
Le modèle Québécois est très intéressant face à la crise contemporaine de l’Etat-providence, n’ignorant pas que les impulsions gouvernementales ne font pas tout, comme le dit Marie-Agnès Barrère-Maurisso. Ce modèle prône les initiatives d’acteurs citoyens ou « intermédiaires » (entreprises, municipalités, associations, syndicats, etc…).
Du point de vue de la population, cela peut engendrer une certaine confusion. On a quand même le sentiment parfois qu’il manque une certaine coordination et communication : qui pilote et quoi ? Que se dit-il au Conseil des Ministres et à l’Assemblée Nationale sur le sujet par exemple ? Y a-t-il des comités interministériels qui coordonnent les actions ? Comment un simple citoyen, un employé, une PME, peuvent-ils se retrouver dans toutes les lois qui s’appliquent et les questions soulevées par la conciliation travail-famille ? Un vrai casse tête !
Conclusion
Le gouvernement a la responsabilité de continuer à jouer un rôle de relais ou de coordination entre les diverses initiatives, à continuer d’installer un dialogue entre les différents acteurs, un brassage d’idées et de propositions. On pourrait le voir comme un nouveau mode de gouvernance en marche : pour construire et être bien, on ne peut se passer les uns des autres, les crises et conflits sont parfois nécessaires pour avancer. Chacun doit y gagner, et accepter d’y perdre peut-être aussi un peu. Il faut prendre le risque des responsabilités partagées, celui que rien ne bouge un temps, qu’on se retrouve paralysé parfois, c’est propice au débat. Le leadership du gouvernement est peut-être d’inviter à l’engagement de tous, en mobilisant pleinement l’appareil d’Etat. Dans notre économie moderne, parfois, trop d’Etat ne tue pas l’Etat, car quand il utilise tous les moyens pour pousser à L’Etat de droit, à la démocratie participative, à la décentralisation des pouvoirs, à la délégation, cela finit par renforcer l’exercice de la citoyenneté par les individus et les groupes, par donner une société active et bouillonnante.
Et pour cette mère monoparentale me direz-vous ? Nous avons vu que sa perception se limite à un constat d’impuissance : à son niveau individuel, les choses n’avancent pas assez vite, et elle perçoit cela comme une inaction politique et organisationnelle, ce qui n’est pas nécessairement faux, mais pas non plus nécessairement le cas. Elle a réalisé qu’elle devait faire valoir sa voix, obliger en quelque sorte son entreprise, son syndicat, son gouvernement à l’inviter, elle et ses collègues, à un processus encore plus participatif et démocratique. Elle poursuit son parcours du combattant, elle a trouvé des ressources et a mobilisé un groupe d’employés. « Je me souviens » que le Québec doit beaucoup historiquement et socialement aux femmes. Alors, une fois encore, en incitant au courage politique et social, les avancées viendront-elles de ces dernières ?
Quelques sources :
www.cnt.gouv.qc.ca/non-couverts/travailleurs-non-vises-par-la-loi-sur-les-normes-du-travail/index.html : les normes du travail fédérales
www.mfa.gouv.qc.ca/fr: les mesures de conciliation adoptées par le gouvernement Québécois
www.radio-canada.ca : politiques institutionnelles et de ressources humaines, rapports annuels, plans quinquennaux
www.travail.gc.ca : mesures étudiées par le gouvernement fédéral
www.rhdcc.gc.ca/fra : mesures étudiées par le gouvernement fédéral
http://www.aspq.org : travaux sur la conciliation travail/famille
http://www.commodus.ca : travaux sur la conciliation travail/famille
Association pour la Santé Publique du Québec : « Vers une politique gouvernementale sur la conciliation travail-famille ». Mémoire présenté dans le cadre de la consultation du Ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la famille. Octobre 2004 (et article : La CFT : un dossier choc, printemps 2007)
AFEAS : « Concilier travail-famille ou concilier famille-travail : où sont nos priorités comme société ? ». Mémoire présenté dans le cadre de la consultation du Ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la famille. Septembre 2004
Centrale des Syndicats du Québec : « Travail/famille : adapter les milieux de travail aux réalités familiales ». Proposition de loi-cadre. Mémoire présenté au Ministre de l’Emploi, de la Solidarité Sociale et de la Famille. 29 octobre 2004
Ministère de la Famille et des Ainés, Ministère de la Culture, de la Communication et de la Condition Féminine : « Pour que l’égalité de droit devienne une égalité de fait. Politique gouvernementale pour l’égalité entre les femmes et les hommes ». Chapitre 3.3. Décembre 2006
Comité de normalisation du Bureau de normalisation de Québec sur la CTF : « Projet de norme CTF ». 2009
« Concilier travail et famille. Le rôle des acteurs. France –Québec », sous la direction de Marie-Agnès Barrère Maurisson et Diane-Gabrielle Tremblay. Presses Universitaires Québec, collection Études d’Économie Politique, 2009
Commentaires
Bonjour Alexandre,
Conciliation travail-famille ou précarité d'emploi?
La conciliation travail-famille n'est pas facile en soi même pour quelqu'un qui a un horaire régulier. Mais tant et aussi longtemps que tu es une femme travaillant du lundi au vendredi de jour, tu peux toujours espérer trouver quelqu'un pour garder tes enfants. D'ailleurs les services de garde sont conçus dans la grande majorité du temps en conséquence de ce type d'horaire (politique familiale ou pas) Pour les autres, c'est le système "D". Les autres types d'horaire? Ce ne sont pas des exceptions. Domaine de la santé, restauration, commerces et j'en passe. On note une forte majorité de femmes dans ces types de travail.
Je suis infirmière, j'ai travaillé de jour, de soir, de nuit, les fins de semaine, sur appel au début et j'ai même fait la garde pour mon CLSC! J'ai travaillé dans 4 région socio-sanitaires différentes: le constat est le même partout. Contrairement à la dame, j'étais détentrice dans la majorité du temps de poste donc je connaissais mon horaire à l'avance. Je travaillais dans des milieux syndiqués. Je n'étais pourtant pas plus choyée au niveau des garderies: aucun employeur chez qui j'ai travaillé n'offrait de service de garde en dehors des heures de jour. Je peux te dire que si je n'avais pas eu ma mère pour me dépanner quand j'en avais besoin, j'aurais du me résigner à faire autre chose. Eh oui, j'avais une gardienne pour les horaires particuliers en plus des horaires "réguliers". J'ai étudié et mes études supplémentaires associées avec mon expérience professionnelle m'ont permis d'accéder à des postes plus faciles en terme d'horaire. Heureusement. L'ironie du sort, c'est que maintenant que j'ai l'horaire idéal, je n'ai plus besoin de gardienne car mes enfants sont grands! Les milieux de travail ne tiennent pas compte de la réalité familiale: de plus en plus d'employeurs offrent des horaires impossibles dans des milieux où cela n'est pas toujours nécessaire. Quand je pense que les centres commerciaux sont ouverts 7 jours sur 7 : est-ce vraiment nécessaire? On demande aux parents de s'impliquer davantage dans l'éducation des enfants. Je me rappelle, tous les arrangements que je devais faire pour aller à une réunion avec le professeur de mon enfant: échange d'horaire avec une compagne de travail ou accepter de faire une journée d'extra la fin de semaine pour avoir congé la semaine. Il faut être vraiment motivée pour arriver à concilier travail-famille!! Je suis inquiète pour les jeunes femmes qui me suivent. Nous sommes en ce moment dans un mini baby-boom et je vois de plus en plus de femmes abandonner leur carrière. Une des raisons? difficulté à concilier le travail et la famille. Il reste beaucoup de travail (sans jeu de mot) à faire...
Cette réflexion de M.Letzelder m’amène à réagir à une situation vécue en milieu de travail. J’étais alors chargé de recueillir auprès de tous les employés les éléments permettant de présenter un « bilan de satisfaction du personnel ».
Il y avait notamment un point sur la conciliation travail-famille. Je me suis alors rendu compte qu’en dehors des aspects légaux qui encadrent cette notion, il y a bien des enjeux humains et relationnels informels que tout gestionnaire devrait comprendre.
En effet, certains employés se sentent lésés, et me l’ont exprimé, par le fait que certains de leurs collègues aient des « horaires aménagés » ou « travaillent moins juste parce qu’ils ont des enfants ». On m’a carrément dit : « Ils ont choisi de faire des enfants. Hé bien, qu’ils assument ! »
Pour eux, des mesures pour permettre la conciliation travail-famille ne sont rien d’autre qu’un « accommodement » superflu. Les employés qui bénéficient de ces mesures peuvent donc se confronter à un « backlash » qui pourrait pourrir leurs relations avec leurs autres collègues.
Tout gestionnaire devrait donc s’intéresser aux aspects humains et informels de toute mesure légale, aussi bien fondée soit-elle.
Amadou Lamine CISSÉ
Groupe du lundi soir