Criminalité a col blanc
L’affaire Norbourg et l’affaire Earl Jones ont soulevé beaucoup plus qu’un scandale. La population vieillissante, la crise économique et ces événements ont placé la société dans un état de panique et a nécessairement entraîné une crise de confiance. Vincent Lacroix, 13 ans d’emprisonnement concurrent à la sentence prononcé par l’AMF, il sera sans doute éligible à une libération conditionnelle au sixième de sa sentence. Earl Jones soupçonné d’avoir orchestré une fraude de 50 millions de dollars. Peut-être faudrait-il se demander si l’obsession de l’argent et du profit n’est pas devenue trop omniprésente ?
Alors que certains citoyens voient s’envoler en fumée leur économie de toute une vie. Les conséquences sont dramatiques et provoquent des drames familiaux, des suicides et amène parfois des maladies incurables. Les pressions sociales deviennent fortes face à la criminalité à col blanc.
Le 13 septembre 2009, le Ministre de la sécurité publique Jacques Dupuis annonce la création d’une toute nouvelle escouade qui aura pour mission d’enquêter sur toute forme de malversation et de corruption concernant les institutions publiques du Québec. Le gouvernement met en place une première escouade qui travaille sur des crimes financiers et feront de la Cybersurveillance. L’escouade répondant de la Sûreté du Québec sera composé de vingt-six enquêteurs et travailleront sur des dossiers de malversations et les problèmes d’éthiques au sein des instances municipales et dans le domaine de la construction.
Depuis combien de temps avons-nous pris conscience du manque de pouvoir et de contrôle de l’autorité des marchés financiers? Or, le 11 septembre 2007, la ministre des finances avait annoncé l’amendement à la loi sur les valeurs mobilières permettant à l'AMF d’intervenir plus rapidement et de façon musclée. Et pourtant, cet organisme public indépendant a pour mission de veiller à la protection de l'épargne investie dans les produits financiers et tout autre placement donnant lieu à appel public à l'épargne ; à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers.
Sans doute, vous serez surpris d’apprendre que l’AMF a présentement 112 spécialistes qui tentent de contrer les malversations économiques. Les efforts mis pour élucider ces crimes favorisent certainement une croissance des cas médiatisés et favorise certainement la délation.
Les enjeux sont grands en matière d’économie car les Québécois devront compter sur leurs épargnes pour assurer leur qualité de vie et surtout leur retraite. Les fonds communs de placements représentent le premier choix d’investissement d’une grande majorité de Québécois et de Canadiens. Ces choix se font dans l’épargne-retraite, les épargnes liées à l’éducation et les épargnes courantes. Il s’agit du cœur de l’épargne du Québec.
Le phénomène de la convergence fiduciaire est entrain de faire son apparition éliminant l’approche classique de l’épargne par les institutions financières et laissant la place aux investisseurs individuels. Le gouvernement du Québec doit revoir les fondements qui encadrent l’ensemble des modes d’épargnes et des placements. Le défi du gouvernement du Québec est de procurer à ses citoyens un cadre d’épargne favorisant l’innovation et la concurrence tout en assurant la protection des épargnes. D’ailleurs, l’efficacité de la politique du gouvernement du Québec en matière de protection de l’épargne représente un enjeu critique pour la Société Québécoise.
L’ouverture des marchés financiers en dehors de nos frontières permettra l’accès aux produits innovateurs, performants et entraînera une concurrence à l’intérieur des produits financiers Québécois qui sont d’ailleurs les plus dispendieux du monde. Le libre échange des produits financiers de l’ALENA permettra une vigilance sur les produits tels qu’en Europe et aux États-Unis et permettra d’avoir des produits financiers moins dispendieux.Le Québec devra adopter des mesures de contrôle aussi sévère que nos voisins les Ontariens ou dans certains pays d’Europe tel que Londres. Le gouvernement devra t-il interdire les paradis fiscaux, tel que le Bloc Québécois, le propose?
La complexité des produits financiers oblige les consommateurs de produits d’épargne et d’investissement à être informé davantage par l’utilisation des outils mis à leurs dispositions. Le défi de l’investisseur est d’évaluer la légitimité de la société de gestion qui gouverne les fonds, la fiabilité du fond et des stratégies utilisées.
A l’intérieur de ces drames, les acteurs principaux de la société peuvent se responsabiliser et d’ailleurs améliorer les processus. Par contre, le gouvernement du Québec refuse depuis le début de faire toute la lumière sur la saga Lacroix. Il refuse l’idée de tenir une enquête publique et indépendante comme le réclame les victimes et parti politique à l’opposition. Le gouvernement de Jean Charest n’a aucun intérêt de connaître les rôles joués par l’autorité des marchés financiers, le ministère des Finances et la Caisse de dépôts.
Les victimes encore plus amères, mécontentes de la tournure des événements et floués par ce scandale financier. Les victimes fondent maintenant leurs espoirs sur un éventuel recours collectif qui permettrait aux victimes de revoir la couleur de leur argent. La liberté d’une retraite planifiée s’est envolée!
La criminalité à col blanc, n’est-il pas relié à un problème d’éthique? Les dictons tels que « voler ou frauder le gouvernement en ne payant pas complètement ses taxes ou impôts, n'est pas voler, car le gouvernement c'est nous ». Notre société de consommation nous amène à vouloir obtenir nos biens rapidement. Dans les milieux d’affaires, la corruption, la malversation et la fraude sont très présents.Chose certaine, la société, s’attend désormais de ses dirigeants, élus ou non, qu'ils suivent les balises de l’intégrité.
La justice n’a-t-elle pas été trop clémente dans ce dossier? Vincent Lacroix n’a ni commis d’homicide ou de voies de fait, néanmoins il n’en demeure pas moins que l’ampleur de son crime à des impacts tragiques, souvent violents, à l’intérieur de notre société. Le scandale Norbourg est à mon sens un crime violent par le nombre de vies détruites et des gens devenus en profondes détresses psychologiques. Plusieurs critiques ont dénoncé le manque de sévérité des peines imposées au Canada lors d'infractions reliées aux marchés financiers. Cette tolérance de notre système judiciaire, reflète un laxisme et une perception que les «crimes économiques» sont moins répréhensibles que les crimes contre les personnes Que faudra t-il faire pour amender les lois plus sévères? N’est-il pas légitime de demander au parlementaire de revoir la politique de la sortie des détenus après le sixième de la sentence? A mon sens, il faut évaluer les facteurs aggravants du crime tel que l'ampleur de la fraude, la durée, la complexité, son caractère prémédité, les conséquences et le nombre de victimes, l’impact sur la population, l’impact sur la confiance du système financier. Le système de justice au Québec est complètement détraqué !
Signé : Catherine H.
Jeudi AM
Commentaires
Bonjour Catherine,
D'accord avec vous sur le fond de la problématique et le questionnement qu'il impose. Et plus particulièrement sur la question de protection des épargnes des citoyens sur laquelle le gouvernement québécois doit se pencher le plus tôt possible. En effet, les épargnants doivent être mieux protégés et c'est aux législateurs de le faire, soit l'assemblée nationale, par des lois, des règlements ou dans ce cas-ci par des amendements à loi. L'Autorité des marchés doit avoir plus de pouvoir certes, mais elle doit aussi jouer un rôle d'éducation-prévention auprès de la population. Présentement, un citoyen floué peut faire une réclamation au fond d’indemnisation des services financiers qui ne peut excéder 200 000$. Est-ce que le gouvernement ne pourrait pas augmenter ce montant lorsqu’il s’agit d’une fraude majeure et que certaines personnes n’ont plus rien pour vivre à cause de ça ? Il y a lieu de se questionner sur cet aspect.
Par contre, je ne suis pas d'accord pour augmenter la sévérité des peines comme vous le proposez en enlevant le "privilège" du sixième de la peine. Une peine de prison doit s'imposer lorsqu'il y a un danger pour la société et je considère qu'un type comme Vincent Lacroix par exemple pourrait être "contrôlé" autrement qu'en étant derrière les barreaux. Même si cela fait beaucoup de bien aux victimes, il n'est pas dangereux (selon ma définition de dangereux évidemment). Des alternatives de justice s'offrent à nous et il est de notre responsabilité de les utiliser lorsque c'est possible.
La peine d'emprisonnement ne doit pas être punitive (ou être présente comme vengeance), elle doit être en place pour protéger les gens. En enlevant la libération au sixième de la peine, il y a aussi des coûts importants rattachés à cela. Selon le ministre fédéral de la sécurité publique Peter Van Loan, ce changement se traduirait par une dépense annuelle additionnelle de 60 millions $.
Alors pourquoi ne pas utiliser ce montant pour faire de l’éducation, de la prévention et pour aider les victimes ? Je sais pourquoi. Parce que cette solution représente un risque sur le plan politique car l’opinion publique est en faveur d’une plus grande sévérité et parce que les impacts de ce type d’intervention de l’État se font sentir à plus long terme et que les politiciens veulent être réélus.
Il y a tout de même lieu de réfléchir sur le type de société que nous voulons pour nous mais aussi pour nos enfants. Je suis d’accord pour que la répression soit un des moyens de contrer la criminalité à col blanc mais cela ne doit être la fin en soit.
Claude P, groupe du jeudi AM
Référence concernant le 60 millions : http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/politique/200910/26/01-915174-ottawa-veut-abolir-la-liberation-automatique-au-sixieme-de-la-peine.php