Tout le monde rêve de sa place au soleil : même les personnes handicapées ou pourquoi le Québec semble avoir cessé de rêver ? Sylvain Le May
Qu’en est-il aujourd’hui de l’application de ces mesures législatives mises en place pour favoriser leur participation sociale?
Force est de constater qu’en ce 40e anniversaire de la charte des droits et libertés québécoise , plus de 30 ans après la Politique à part égale du gouvernement du Québec et de la loi E-20.1 assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale , beaucoup de chemin a été parcouru en matière d’intégration des personnes handicapées.
Dans ce contexte, pourquoi voyons-nous naitre de nouveaux courants de revendications sociales en matière d’accessibilité chez les personnes handicapées? Pourquoi, malgré nos mesures législatives décrétées pour rendre notre société plus inclusive, les causes les plus souvent traitées par la Commission des droits et de la personne et de la jeunesse (CDPDJ) ne sont pas, contrairement à la pensée populaire, reliées aux accommodement religieux mais bien à l’accessibilité des lieux pour les personnes handicapées?
Selon une des dernières études de la CDPDJ, les personnes handicapées sont pourtant très positivement perçues aujourd’hui au sein de la société québécoise. Alors pourquoi sommes nous encore devant les tribunaux à traiter les plaintes à cet égard?
Serait-ce que, contrairement au reste du Canada, plus progressif en la matière, le Québec est également distinct en ce domaine?
L’arrivée sur la scène publique de groupes de pression plus revendicateurs confirme un certains malaise des personnes handicapées quant à l’accessibilité de nos structures. En effet, la création, il y a quelques années, d’un mouvement plus radical, le RAPLIQ, dont le manifeste prône une lutte pour une l’égalité des droits, semble le confirmer. Et, tout récemment, un regroupement citoyen plus axé sur de nouvelles obligations légales pour le Québec, Québec Accessible, a vu le jour. Ces mouvements viennent consacrer une certaine fracture avec les mouvements sociaux antérieurs.
A la question « comment apprivoiser nos craintes face aux personnes handicapées ? », il n’existe qu’une seule réponse «sans doute insuffisante, mais néanmoins nécessaire, c'est en organisant la société de manière à ce que la présence des personnes en situation de handicap devienne si habituelle qu'elle ne nous effraie plus. » . Québec Accessible, par une participation citoyenne, vise cet objectif. Il ne cherche toutefois pas, contrairement au RAPLIQ, la revendication d’une société plus accessible en favorisant la perturbation par des mouvements sociaux, par des manifestations ou un boycottages de commerces non accessibles, mais travaille plutôt à la mise en place d’un cadre législatif contraignant, pour l’atteinte de ce résultat. Ses membres se définissent, non pas comme un groupe de militants, mais comme les participants à une initiative citoyenne. Dans cette perspective, ils ont tout récemment participé à l’organisation du Forum social mondial tenu à l’UQAM en aout dernier, et dont un volet était uniquement consacré à l’accessibilité pour les personnes handicapées.
Québec Accessible s’inspire en grande partie de mouvements similaires ayant amené, en Ontario, la création d’une loi coercitive d’accessibilité et dont les cibles à atteindre sont claires et précises, l’échéancier y menant est également défini. Rien de tel n’est en place actuellement au Québec. Seules des cibles sont à atteindre et semblent reposer sur un seul et même principe, soit celui de la bonne volonté. Or, la bonne volonté québécoise semble ne donner que très peu de résultats.
Depuis 2005, il en va tout autrement chez nos voisins Ontariens. Les normes d’accessibilité sont établies par règlement et le respect de celles-ci est authentifié par des rapports sur l’accessibilité rédigés par des inspecteurs. Après quoi, ces rapports seront remis pour un examen à une direction. Ce sont les conséquences de la loi de 2005. Une loi similaire est déjà en préparation en Colombie-Britannique et le Manitoba et la Nouvelle-Écosse s’y appliquent.
Pendant ce temps, Québec tarde a adopté le nouveau code de bâtiment de 2010 et celui de 2005 est toujours en vigueur. Ce qui fait que l’AMT annonce une nouvelle ligne de transport complétement accessible, mais ne livre un circuit qui ne l’est que partiellement ; que la STM manque de fond pour rendre son réseau de métro accessible, pendant que des restaurateurs donnent aux infos, des scènes primitives de sociologie urbaine et narguent, en larme, la politique d’accessibilité universelle mise de l’avant par la ville de Montréal. Même le fédéral dame le pion à Québec et consulte les Canadiens au sujet d’une future loi sur l’accessibilité. Entre juillet 2016 et février 2017 les canadiens auront à définir « Qu’est ce qu’on Canada accessible pour vous ?». La consultation est maintenant ouverte et disponible dans les formats suivants : texte, langue des signes québécoise (LSQ) et version audio.
A l’heure où les échanges à l’Assemblée nationale du Québec ne sont même pas interprétés en langue des signes du Québec (LSQ), le message d’inclusion envoyé par Ottawa, grâce à cette grande consultation publique, devrait faire rougir nos élus provinciaux. L’ex ministre des ainées, Marguerite Blais, c’est longtemps battue pour cette simple reconnaissance des besoins d’informations en média substitut (Brailles, sous-titrage ou LSQ).
Plusieurs questionneront cette intrusion du fédéral dans un domaine de juridiction provinciale. Pourtant, le Canada est signataires de conventions internationales qu’il se doit de respecter. Il en va de même, par extrapolation, pour le Québec. En cette période de disette budgétaire, certains remettront en question les couts de ces mesures d’accessibilités, certains crieront probablement que d’autres sujets sont plus urgents, entres autre la santé et l’éducation qui, après la dette, occupent les deux plus gros postes budgétaires. Il serait trop simple de résumer l’ensemble des québécois uniquement par une ou des colonnes de chiffres. Malheureusement c’est trop souvent le cas par les temps qui courent. Mais avons-nous déjà mesuré les couts de la non participation sociale, les couts du retrait des citoyens de nos instances démocratiques et des impacts sur les tissus sociaux?
Malgré nos lois et nos principes d’égalité, force est de constater que le Québec, longtemps un pionnier en matière d’égalité des chances, est devancé dans ce domaine par des sociétés plus novatrices. Car, contrairement à la pensée populaire, l’égalité n’est pas toujours la justice !
Au final, peu importe où nous sommes : d’un océan à l’autre, nous rêvons tous d’une place ou soleil !
En cette période d’austérité, le Québec a t’il cessé de rêver ?
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Commentaires
La pensée écrite conduit à la réflexion et le développement de nouvelles pensées peu importe leur ampleur ! proftrudel