Commission Godbout: une petite révolution scandinave?
Avant que la Commission Godbout chargée d’analyser la fiscalité québécoise dépose son rapport final, plusieurs analystes prévoyaient que les réformes proposées s’inspirent du modèle social démocrate scandinave. Certains allaient même jusqu’à prédire une petite révolution scandinave de la fiscalité québécoise.
Il est vrai que la participation de Luc Godbout au livre Social-démocratie 2.0 qui compare la situation financière, fiscale et économique du Québec à la Suède, la Finlande, le Danemark et la Norvège – notamment sa contribution au chapitre intitulé Renouveler la fiscalité québécoise – démontrait une véritable inclinaison pour le modèle social-démocrate et pour la construction fiscale des pays scandinaves.
Toutefois, le rapport déposé par la Commission Godbout est loin de proposer une telle révolution. Celui-ci propose plutôt un nouveau « modèle québécois » à coût nul, où l’État toucherait plus de revenus provenant des taxes et des tarifs, et moins des impôts. Un régime fiscal où l’on taxe plus la consommation et moins le travail, où l’on maintient le modèle et réorganise son financement.
Le tableau ci-dessous illustre les principales recommandations du rapport Godbout pour les contribuables.
Impôts |
Taxes |
Baisse des impôts de 4,4 milliard |
Hausse de la TVQ à 11 % |
9 paliers d’impôts contre les 4 paliers actuels |
Hausse de la taxe assurance automobile à 11 % |
Revenu imposable après le montant de 18 000 $ contre le seuil actuel de 14 281$ |
Bière : + 40 cents/litre sur 5 ans |
Abolition de la taxe santé |
Cigarette : + 5 $/cartouche sur 5 ans |
Bonification de crédit solidarité + prime au travail |
Essence : + 5 cents/litre sur 5 ans |
Prime aux travailleurs d’expérience |
Bloc patrimonial – électricité : + 0,8 cent |
Le « nouveau modèle québécois » proposé est encore loin du modèle social-démocrate qui prévaut en Scandinavie et du régime fiscal qui le caractérise, à savoir un système fiscal relativement uniforme qui taxe lourdement l’électorat, où les mesures fiscales d’exemptions ciblées sont pratiquement inexistantes, et où tous les citoyens sont appelés à contribuer.
Dans trois des quatre pays scandinaves, la taxe à la consommation est d’au moins 25 %. La part des recettes fiscales provenant des taxes à la consommation est de 26 à 29 % pour les quatre pays scandinaves, comparativement à 20 % pour le Québec. De plus, les pays scandinaves ne compensent pas l’impact de cette taxation pour les plus faibles revenus.
Lorsque l’on constate les différences qui persistent entre le « nouveau modèle québécois » et celui de la social-démocratie qui prévaut en Scandinavie, on constate le véritable gouffre idéologique qui sépare nos modèles et la fiscalité qui les caractérise pour créer et favoriser la redistribution de la richesse.
Au Québec, le régime fiscal se veut ciblé et progressif. Les politiques sont généralement motivées par un désir de redistribuer le revenu d’une classe à une autre, et les programmes souvent ciblés.
À plusieurs égards le rapport Godbout s’inscrit dans cette mouvance. Certes, il propose un grand ménage du système fiscal québécois et recommande d’abolir une trentaine de crédits d’impôt. Cependant, il n’échappe pas à la tentation de créer des mesures d’exemptions ciblées, tel que d’offrir une prime aux travailleurs d’expérience, créer un bouclier fiscal pour mettre à l’abri d’une forte hausse de leur fardeau fiscal les ménages qui parviennent à augmenter leur revenu, et à majorer le seuil en dessous duquel un contribuable est exempt d’impôt.
Dans le chapitre Renouveler la fiscalité québécoise du livre Social-démocratie 2.0, Luc Godbout et Suzie St-Cerny affirmaient que la Suède avait choisi un système fiscal qui semble moins dommageable pour la croissance économique et qui contribue davantage aux dépenses publiques, qui, elles, profitent autant à la prospérité économique qu’au développement social.
Il est dommage de constater que le rapport Godbout ne propose pas de faire le même choix, et qu’il se soit arrêté à mis chemin, proposant un ensemble de mesures comptables, qui offre au mieux un compromis et non la transition espérée vers le modèle de la social-démocratie.
Commentaires
Bon constat. Une société se batit sur plusieurs paliers idéologiques, le systeme fiscal des pays scandinaves, tel qu'il est décrit dans ce livre est l'une des pierres batissant l'ensemble du "Programme Social" de l'état providence. Malheureusement au QC, nous avons tendance à transférer ou à rajouter (baisser les impots sur les revenus et augmenter les taxes à la consommation) des choses sans pour autant regler véritablement le probleme de fond (augmenter le pouvoir d'achat des ménages). C'est question d'idéologie encore une fois!
Mme Likibi , voilà un sujet bien d'actualité qui nous amène à réfléchir sur une fiscalité plus juste dans les états de droits.
à la lecture maintenant.