Blogue # 1 Colson Ratelle
Commission Charbonneau : sept mois de plus
La commission Charbonneau sera prolongée une seconde fois, cette fois pendant sept mois. Le gouvernement péquiste a été le premier à consentir à une prolongation en 2013 et ce, pour une durée de 18 mois. La nouvelle prolongation, annoncée par le gouvernement libéral le 11 février, fait passer la date de dépôt du rapport final de la commission de la fin avril au 30 novembre.
Cette fois, c’est donc un gouvernement libéral qui accepte la prolongation de la durée de la commission Charbonneau. Il y avait là un enjeu important pour le PLQ. En effet, ce parti est particulièrement visé par les enquêtes menées dans le cadre de la commission. Si la corruption touche et favorise les députés au pouvoir peu importe le parti, les libéraux sont plus affectés que les péquistes par les systèmes de corruption, selon un témoignage.
L’enjeu, pour le Parti libéral du Québec, est donc double : il faut à la fois maintenir la crédibilité de l’aile judiciaire de l’État de droit, tout en permettant à la députation libérale de conserver ses acquis et son support, c’est-à-dire maintenir la crédibilité du gouvernement en place. Ces sous-enjeux sont peut-être contradictoires, mais l’indépendance entre le pouvoir judiciaire du législatif et de l’exécutif est indissociable de la notion d’État de droit. À ce sujet, il faut noter que l’importance de l’État de droit est au coeur des valeurs libérales. En 2012, Jean Charest rappelait routinièrement aux étudiants grévistes l’importance de respecter les règles et la loi dans un État de droit. Soulignons qu’il a ensuite joint la parole aux gestes en créant la commission Charbonneau, puis en bonifiant les pouvoirs de cette dernière sous la pression de l’opinion publique.
À 1,2 million de dollars par mois, la prolongation de la commission Charbonneau a un cout très élevé. C’est cependant le prix à payer pour assainir le financement des partis politiques et s’attaquer aux problèmes de corruption du gouvernement québécois. Certains observateurs évaluent à 90 millions les sommes encaissées par les partis politiques québécois au cours des quinze dernières années. Autrement dit, il s’agit de sommes importantes issues de contrats gonflés payés par les taxes et impôts des contribuables pour financer des infrastructures de qualité, mais qui ont finalement abouti dans les coffres des firmes de génie-conseil et d’entrepreneurs de l’industrie de la construction, entre autres. La commission Charbonneau met en lumière plusieurs fuites de capitaux de l’administration publique québécoise. En ce sens, elle joue un rôle de contrôle de la qualité des opérations administratives des années récentes. À la condition essentielle que ses recommandations soient réalistes et réalisées consciencieusement par les futurs corps administratifs et gouvernements québécois, la prolongation de ce rôle permet d’améliorer la gestion publique à long terme.
La tâche monumentale de la commission Charbonneau a des implications qui touchent l’ampleur et même l’existence du rôle de l’administration publique au Québec. Aussi le Syndicat canadien de la fonction publique affirme-t-il, dans son mémoire à la commission Charbonneau en 2014, que l’un des facteurs qui favorisent le développement de la corruption et de la collusion dans les services publics est le fait que certaines municipalités se départissent de tous leurs effectifs et équipements pour faire appel à des firmes privées, notamment en ce qui a trait aux services de déneigement et de collecte des déchets. Par conséquent, affirme le SCFP, les municipalités n’ont plus les ressources pour maintenir une concurrence qui fasse contrepoids aux tarifs proposés par les entreprises privées, qui deviennent alors disposées à mettre en place des systèmes de corruption tout au long de la prestation des services en question. Le SCFP recommande donc que les municipalités réservent à l’interne au moins la moitié du territoire ou des services offerts. La réalisation de cette recommandation augmenterait initialement le cout des services publics dans les secteurs où ils ont été coupés, mais elle éviterait des couts de corruption, puisque les entreprises privées n’auraient pas autant de marge de manoeuvre pour créer des processus de corruption. À long terme, ces couts évités réduiraient les budgets nécessaires pour l’administration publique et permettraient donc une meilleure atteinte du déficit zéro, à s’en fier à la logique de la SCFP.
Étant donné que le fonctionnement de la commission est administré grâce à des fonds publics, la juge Charbonneau a besoin de l’approbation du gouvernement pour que ses activités se poursuivent. Cette commission n’est pas créée et renouvelée automatiquement, comme l’est, par exemple, la Commission de l’équité salariale. Au contraire, la commission Charbonneau a une étendue planifiée et une durée qui est fixée et peut être prolongée.
L’approbation de la prolongation de la commission Charbonneau est un signe de santé pour l’État de droit québécois, car elle démontre l’indépendance du pouvoir judiciaire. La production de son rapport mérite une réflexion complète et sans pression politique, puisque ses conclusions vont se répercuter sur la préservation et l’efficacité de la fonction publique.
Commentaires
À suivre...
Le contexte de cette Commission amène une réflexion nécessaire sur les mécanismes de contrôles dans une état qui est aussi un "donneur d'ouvrages".