Personne n’est à l’abri, vraiment?
Le 16 septembre dernier, témoignait à la CEIC, M. Robert Lafrenière de l’UPAC. « Je ne parle jamais aux élus, je parle au sous-ministre »
Auparavant, le 14 octobre, M. Michel Forget, policier à la SQ et ex-responsable du projet Bitume, répondait à la question de la commissaire : Avez-vous déjà été témoin d’intervention de nature politique?. « D’aucune façon »
Le 15 septembre 2014, ex enquêteur de la SQ, Sylvain Tremblay, responsable de l’opération Diligence. « La commission a négligé des preuves importantes » dit-il.
Et comment ! Laissez-moi tenter de vous expliquer les multiples liens entre des ex-policiers de la SQ, des fonctionnaires du Ministère de la Sécurité publique et des élus. Vous pourrez ainsi constater comment, au Québec, dans le domaine des enquêtes, on fait fi d’un des principes fondamentaux de l’État de droit, fondé sur la distinction et l’indépendance de ceux qui décident des lois, vis-à-vis ceux qui ont le rôle de les interpréter.
Pour les fins de l’exercice, je vais me réduire à n’utiliser que les exemples qui concernent le gouvernement dans le rôle de l’exécutif, et la coalition qui protège le gouvernement, soient : MSP-SQ-UPAC-CEIC, dans le rôle du judiciaire.
Pourquoi la coalition est si puissante? Parce que Robert Lafrenière, ex-SQ relève du sous-ministre au MSP, M. Martin Prud’homme, ex-SQ, et que celui-ci est… son gendre! Ensuite, parce que Mme Charbonneau a recruté des ex-SQ référé par Lafrenière. Parce qu’en 1996, M. Lafrenière a refusé de travailler comme enquêteur à la Commission Poitras, qui avait le mandat de mettre de la lumière sur l’enquête Matticks, sachant que Mario Laprise était aux premières loges des dirigeants dans cette enquête bâclée. Et finalement, parce que la cerise sur le sundae est arrivée ce matin : M. Prud’homme est nommé DG de la SQ… Comme si leur rôle de bien protéger le gouvernement en place était partie intégrante de leur description de tâches. Bref, de bons amis…
Les exemples suivants vous permettront de comprendre comment le législatif a permis au volet judiciaire, en l’occurrence la SQ, de détenir autant de pouvoir, qui sera malheureusement mis à profit pour épargner l’exécutif.
Opération Bitume, Collusion à Laval, 2003-2009
M. François Beaudry, ingénieur et conseiller au MTQ, a dénoncé à la SQ la collusion à Laval, leur fournissant toutes les preuves à l’appui, impliquant le maire et 2 hauts dirigeants. Au bout de 6 ans d’attente, de déception et d’inaction, M. Beaudry déballe son sac et Alain Gravel de Radio-Canada publie l’histoire. Ce sera le déclenchement des nombreuses manifestions des sonneurs d’alertes. La SQ se mérite alors le surnom de Police politique.
Dénonciations de Marteau
Les enquêteurs de Marteau ne demeurent pas dans l’ombre. En septembre 2011, ils font parvenir aux journalistes de La Presse, une missive dénonçant l’absence de séparation des pouvoirs au MSP. Selon eux, la distinction entre l’administration et le politique est de la poudre aux yeux. « …il n’y aura aucun membre du gouvernement actuel qui sera accusé par la SQ ou l’UPAC. Il n’y a aucune indépendance entre le pouvoir policier et le pouvoir politique, et c’est ce dernier qui dicte ses ordres au DG et aux DGA de la Sûreté. Nos enquêtes sont orientées sur des cibles précises et nos enquêteurs doivent constamment en tenir informés leurs supérieurs de leur évolution. Aucun membre du gouvernement ne sera enquêté sans que Monsieur Martin Prud’homme, sous-ministre à la sécurité publique, ou que Monsieur Robert Lafrenière, commissaire de l’UPAC, en soient informés. »
Opération Diligence, infiltration du crime organisé au sein de la FTQ, 2006-2009
L’affaire Brandone
Dans le cadre de l’opération ci-haut mentionnée, le sujet Eddy Brandone, connu comme ayant des liens avec le crime organisé italien, est sous filature. Les policiers suivent leur cible lorsque celle-ci se rend dans un hôtel à Dorval. Rapidement, ils comprennent alors que M. Brandone s’y rend rencontrer le chef du parti libéral de l’époque. De facto, les policiers reçoivent l’ordre d’abandonner la filature, sans explication supplémentaire.
L’affaire Arsenault
Le 11 septembre 2013 nous apprenons officiellement que la SQ avait avisé le gouvernement de l’époque, que Michel Arsenault, président de la FTQ, était sous écoute. Selon les transcriptions de l’écoute électronique publiées à la CEIC, un membre du gouvernement en informe Arsenault, qui par la suite, mentionne à ses interlocuteurs qu’il est sous écoute. Au même moment, les hauts dirigeants de la SQ ordonne la cessation de l’enquête…
L’affaire Lafortune
M. Serge Marcil organise un événement de financement au 1000 de la commune. Lors d’une conversation téléphonique, M. Lafortune, président des Grues Guay ayant des liens connus avec les motards, mentionne à M. Marcil être en litige avec Revenu Québec. Celui-ci lui propose alors d’assister à l’événement, puisque M. Jean-Marc Fournier y sera. Chose dite, chose faite. La rencontre a lieu, et par la suite, M. Lafortune se voit accorder un R-V avec le ministre pour discuter de son litige. Mais comment le Ministre pensait-il pouvoir régler la trop grosse facture de l’entrepreneur exactement?
Laprise H-Q
L’UPAC n’a jamais été en mesure d’enquêter les activités d’Hydro-Québec, par manque d’accès et de collaboration. Le responsable des enquêtes de H-Q, Mario Laprise, ex-SQ, se dévouait corps et âme pour protéger les dossiers de la société d’états. Quand on fait un aussi bon boulot, un retour d’ascenseur est attendu non? Oui! Il fut nommé DG de la SQ, malgré sa feuille de route on ne peut plus… douteuse. En janvier 1999, le rapport de la Commission Poitras révèle que M. Mario Laprise, ainsi que 3 autres officiers, avait montré un manque de collaboration et de transparence, malgré le fait qu’ils étaient impliqués au premier chef dans l’opération policière concernant les Matticks. Comment se fait-il qu’il soit ainsi récompensé par l’exécutif?
Me Dionne
Certains enquêteurs de Marteau accusent le directeur des poursuites criminelles et pénales, Me Louis Dionne, de favoritisme dans les dossiers qu’il traite. Les dossiers qui pourraient embarrasser le gouvernement sont retournés aux enquêteurs pour obtenir plus de preuves. N’est-ce pas un bel exemple d’inceste entre le législatif et le judiciaire? Mais pourquoi un procureur ferait une chose pareille?!? Parce que le 17 novembre 2011, Me Dionne se voit nommer juge? Serait-ce un retour d’ascenseur?
CEIC
Non seulement la CEIC a négligé des preuves, mais elle n’a pas convoqué certaines personnes clés, et surtout, s’est abstenue de poser des questions un peu trop embarrassantes. À Arsenault, pourquoi ne pas avoir persévéré pour savoir qui l’avait informé qu’il était sous écoute? À M. Forget, pourquoi ne pas avoir insisté sur l’arrêt des procédures dans Bitume? Et pourquoi aucune question concernant Brandone? Et à M. « Personne n’est à l’abri » qui ose dire qu’il souhaite que l’UPAC obtienne le monopole des enquêtes sur la corruption au Québec, pourquoi ne pas lui demander pourquoi aucune arrestations d’élus provinciaux?
C’est embêtant parce que la CEIC occupe une place bien délicate, elle est à la fois juge et partie. Mais elle aura tout de même su privilégié Montréal à Laval, le municipal au provincial, les syndicats au politique.
Alors qui a franchi le mur pas si étanche entre le politique et l’administratif, entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire? La collusion n’est pas qu’entre les entrepreneurs. Comme a dit M. Jacques Bergeron, vérificateur de la Ville de Montréal, la collusion interne crée une tempête parfaite impossible à détecter.
Nikita Tremblay
http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/201111/17/01-4469131-le-cardinal-lafreniere.php
http://www.vigile.net/Des-liberaux-a-la-commission
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/418449/la-commission-a-ignore-des-preuves-importantes
http://blogues.journaldemontreal.com/stephaneberthomet/tag/laprise/
Commentaires
Intéressant et d'actualité ...Nikita.
on lira avec attention.