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Le référendum écossais ou la route tracée vers le fédéralisme britannique

Le 18 septembre dernier, l’Écosse a eu à se prononcer sur son avenir constitutionnel. Une question fut posée au peuple écossais par voie de référendum, à savoir si l’Écosse devait devenir un pays indépendant. L’accord d’Édimbourg, signé par le premier ministre du Royaume-Uni, David Cameron, de même que par le premier ministre écossais, Alex Salmond, scella les modalités de la question et du pourcentage acceptable pour que l’Écosse parte de l’Union en toute quiétude ou demeure avec la mère patrie en toute connaissance de cause (Le Devoir, 2012) ! Fort heureusement pour certains ou malheureusement pour d’autres, la nation a choisi de demeurer au sein du Royaume-Uni.

Quoi qu’il en soit, Westminster se doit de délivrer par voie de dévolution les pouvoirs promis à la nation écossaise en échange de la confirmation de son adhésion à l’ensemble britannique, même si cela nécessite une réforme constitutionnelle. Le Royaume-Uni avait déjà opéré une décentralisation de pouvoirs au profit de certains de ses territoires, le référendum pourra lui donner l’impulsion nécessaire pour se diriger vers le fédéralisme.  Je débuterai donc en abordant le contexte de l’Union britannique pour ensuite discuter des principes d’attribution des pouvoirs dans un contexte fédéral.

L’Union sacré (ou la sacré Union), pour le meilleur et pour le pire !

Les pays du Royaume-Uni, du Canada et des États-Unis, au-delà de leur spécificité politique et juridique, ont été formés sur la base d’une appartenance de plusieurs nations à une Union politique, économique et juridique. En ce qui concerne le Canada ou les États-Unis, c’est officiellement le système fédéral qui forme la structure de cette Union, c'est-à-dire un partage de compétences législatives entre deux paliers de gouvernement à l’intérieur d’un document constitutionnel, à l’abri (en principe !) de toute modification unilatérale significative imposée par un ordre gouvernemental à un autre (Han-Ru Zhou, 2014).

Quant à lui, le Royaume-Uni  possède une spécificité particulière en ce qu’il est question d’un système de dévolution dans lequel certains pouvoirs ont été octroyés à trois de ses régions importantes, soient l’Écosse, l’Irlande du Nord et les Pays de Galles (Halberstam, 2009). Étant donné que l’Angleterre ne possède pas de Constitution écrite, la dévolution de pouvoirs n’est pas ancrée dans un document constitutionnel. Il n’est donc surtout pas question d’une abdication de la souveraineté du Parlement britannique sur ses champs de compétences. Londres reste bel et bien, en dernier ressort, maître en son domaine législatif ! C’est pourquoi on parle de dévolution à différents degrés, et non pas d’un partage de compétences définitif. Il n’en demeure pas moins qu’une tendance se dessine pour nos compatriotes britanniques, celle de la tendance fédérale. Dans ce contexte, et surtout après l’issu du référendum, de véritables pouvoirs doivent être attribués de manière formelle à l’Écosse.

Le fédéralisme, une méthode d’ordonnancement des pouvoirs publics

Les termes confédération et fédération peuvent sembler en effet empreints d’une certaine confusion. Par exemple, au Canada nous faisons partie d’une fédération, mais notre constitution elle-même réfère à une confédération. Pour simplifier les choses, parlons d’un partage des compétences législatives entre deux ou plusieurs paliers de gouvernement, à plus ou moins grande échelle, de manière plus ou moins définie. En 2009, on estimait que 50% de la population mondiale avait joint une forme ou un autre de système fédéral. Ce chiffre grimpe à 70% si on inclut la Chine qui a atteint un tel niveau de décentralisation de pouvoir que certains auteurs parlent de fédéralisme de facto (Halberstam, 2009).

Il faut cependant spécifier d’entrée de jeu que le fédéralisme n’est pas une fin en soi, mais un moyen pour le peuple d’atteindre un idéal, de parvenir à des valeurs communes (Han-Ru Zhou, 2014). Pour le peuple Écossais, même si les raisons qui ont pu motivées son choix de poursuivre sa route avec le Royaume-Uni peuvent paraître obscures, voir insondables, on peut probablement avancer que c’est parce qu’il se sent profondément attaché à l’Angleterre et qu’il veut parfaire son Union avec elle.

Au-delà de cet idéal qui peut paraître flou et imprécis, se posent des questions juridiques et économiques fondamentales. Quels devraient être les critères d’attribution des pouvoirs octroyés à l’un ou à l’autre des paliers de gouvernement ? Sans aucun doute, des critères d’efficience et de légitimité devraient agir comme lanterne afin d’offrir un éclairage au corps législatif britannique.

Tout d’abord, traitons de l’efficience; un pouvoir législatif doit être attribué à un ordre de gouvernement afin que le citoyen puisse en retirer le plus de bénéfices possible tout en étant efficace (Han-Ru Zhu, 2014). Des critères comme l’expertise déjà en place dans un territoire ou une province, les économies d’échelle pouvant être réalisées ou la manière d’assurer le mieux possible une redistribution de la richesse doivent servir de guide (Halberstam, 2014). Deuxièmement, il est question du principe de légitimité. Ce principe doit être compris dans le sens de la représentativité de la communauté. Lorsqu’on attribue un pouvoir, on doit le faire de manière à ce que la communauté se sente le mieux représentée au niveau de ses valeurs communes, comme par exemple la langue et l’histoire de la nation (Han-Ru Zhou, 2014).

En sommes, à la lumière de ces deux critères, un pouvoir de taxation doit être dévolu à l’Écosse en raison de l’efficience économique qui en résulterait au niveau de la redistribution de la richesse. Un gouvernement décentralisé est davantage en mesure de connaître les besoins de sa population au niveau des infrastructures, des politiques familiales, etc. De plus, au niveau de la légitimité, l’Écosse en tant que nation forte et distincte doit pouvoir bénéficier d’une plus grande prise sur l’orientation des politiques publiques qui ont lieu sur son territoire. En ce sens, une Assemblée constituante écossaise doit pouvoir jouir de réels pouvoirs puisque la population est mieux représentée avec une plus grande proportion d’élus locaux plutôt qu’avec des députés siégeant à Londres, loin de beaucoup de ses préoccupations quotidiennes.

En guise de conclusion …

Étant donné que Londres a promis une plus grande dévolution de pouvoir à l’Écosse, la pondération de ces deux critères devant guider l’allocation de pouvoirs au sein d’une fédération nous mène inexorablement vers la conclusion que l’Écosse doit  bénéficier de pouvoirs accrus dans une variété de domaines. Par exemple, il est impératif que cette nation bénéficie d’un pouvoir de taxation qui lui est propre. De plus, le résultat du référendum peut être lu comme une volonté profonde du peuple écossais de s’affirmer d’une manière plus importante sans se détacher de Westminster. Que le pouvoir central anglais le veuille ou non, il devra mettre le doigt dans l’engrenage, ouvrir la boîte de pandore qu’est la rédaction d’une nouvelle Constitution. Des pouvoirs devront en effet être attribués non seulement à l’Écosse, mais aussi à l’Irlande du Nord et au Pays de Galles, afin d’atteindre cet idéal du vivre ensemble entre nations distinctes.

Par Sébastien Girard Lindsay ENP 7505

 

Commentaires

  • Si je comprends bien ton propos Sébastien, ce n'est pas parce que les Écossais désirent demeurer dans le Royaume-Unis qu'il n'y aura pas d'ajustements à apporter dans la façon de vivre ensemble.
    Comme l'a dit Gilles Vigneault suite à ce référendum: il faudra aborder la question de l"être" et pas seulement de l'"avoir"...

  • Belle illustration...constitutionnelle ... Sébastien.
    À lire avec attention
    prof

Les commentaires sont fermés.