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L'investissement de Québec dans les ressources pétrolières de l'Île d'Anticosti - bonne ou mauvaise affaire pour le gouvernement ?

L'investissement de Québec dans les ressources pétrolières de l'Île d'Anticosti - bonne ou mauvaise affaire pour le gouvernement ?

 

Le 13 février dernier, le gouvernement du Québec annonçait un investissement de 113 millions de dollars dans les ressources pétrolières de l'Île d'Anticosti. Une annonce qui a créé une certaine vague de réactions, il va sans dire. Grâce à cet investissement est né un partenariat par la création de coentreprises en exploration des sources de pétrole sur l’Île.

Québec investit donc 113 millions $ dans deux programmes d'exploration. Un premier avec Pétrolia, Corridor Ressources ainsi que la multinationale française Maurel & Prom avec une implication des fonds publics de 57 millions $ et près de 45 millions $ (montant à confirmer) dans le deuxième programme avec Junex et un 3e partenaire à venir. On ajoute à cela 13 millions $ pour faire le rachat de permis de Corridor Ressources. Les coentreprises dont fait partie prenante Québec investissent afin de vérifier s'il y a un potentiel en ressources énergétiques fossiles. Ce n'est qu'avec des conclusions favorables qu'il y aura exploitation de la ressource, et ce, après l'évaluation environnementale menée par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE).

 

On peut se demander d’entrée de jeu pourquoi un gouvernement se lance dans un tel investissement des fonds publics. À cela Québec répond que les retombées économiques pour la province seraient considérables, soit un potentiel de 46 millions de barils de pétrole. En termes de redevances, d'impôts et des profits sur 30 ans liés à une éventuelle exploitation, on estime ces retombées à 45 milliards $.

 

La première ministre Pauline Marois souhaite, par ce geste, réduire la dépendance du Québec au pétrole. La totalité de la consommation de pétrole se traduit par une importation, ce qui représente une fuite en capitaux de plus de 11 milliards $ vers l'étranger. Mais y a-t-il là un paradoxe ? À cela, la ministre Ouellet répond à Radio-Canada « Il faut être réaliste.  Même si notre priorité, c'est la diminution de la consommation de pétrole, et nous avons été très actifs dans le dossier [...], nous consommerons pour plusieurs milliards de dollars de pétrole, encore plusieurs années. Nous avons donc un intérêt économique certain à exploiter notre propre pétrole. »

 

 

Parce que les enjeux environnementaux sont bien réels. Ce type de ressource, le pétrole de schiste, est exploitable par la fracturation du sous-sol. Au cours de la dernière année, rappelons-nous, le gouvernement a clamé la poursuite du moratoire des gaz de schiste compte tenu des données scientifiques manquantes quant aux impacts environnementaux potentiels associés à cette technique d’exploitation.

 

Comme nous ne sommes pas à un paradoxe près dans ce dossier, ajoutons celui de la position du gouvernement du Québec et son engagement dans la lutte aux changements climatiques. En effet, le gouvernement s'est engagé à réduire, d'ici 2020, les émissions de gaz à effet serre de 20 % à 25 % sous les niveaux de 1990 et de 60 % d'ici 2030. Parallèlement, le gouvernement s'est également engagé à réduire le bilan de consommation des combustibles fossiles de 6 % le faisant passer de 38 % à 32 %.

 

Devant toutes ces discordances, une question encore plus élémentaire subsiste. Appartient-il au gouvernement d'investir ainsi dans l'exploration de ressources fossiles non renouvelables, un marché que l'on pourrait caractériser d'essentiellement privé. Généralement, on reconnaît à l'État son rôle de producteur de biens et services sociaux, voire même environnementaux, mais la production de produits commerciaux dont le caractère environnemental laisse à désirer est questionnable éthiquement. À cela, bien sûr on rétorque par l'exemple de la production d'hydro-électricité avec la création de la société d'État Hydro-Québec. Mais dans ce cas qui nous préoccupe, il apparaît que les données scientifiques et économiques sont manquantes pour décréter le bien fait pour la société québécoise et qui justifie l'injection de l'argent des contribuables.

 

Considérant l’investissement de 115 millions $ sur un montant total de 190 millions $, on comprend que le gouvernement Marois prend la plus grande part de risques, ce que justement le gouvernement précédent avait refusé de prendre. À cela le gouvernement répond que les retombées, si elles se concrétisent, créeront de la richesse collective. Dans un contexte où les sources de revenus conventionnelles du gouvernement sont limitées et où les dépenses, notamment en santé, croient plus rapidement que le PIB de la province, on peut difficilement blâmer les intentions du gouvernement d'être créatif dans sa recherche de revenus supplémentaires pour la société québécoise. Parce que les faits sont là, selon la Loi de Wagner de 1910, les états de droits, peu importe la grosseur de la fonction publique, connaissent une croissance continue des dépenses toujours plus grande que les revenus des impôts des particuliers et entreprises. Les efforts de coupure, quoique nécessaires parce qu’ils empêchent l’éclatement de l’état, sont insuffisants. La recherche de solutions alternatives est de mise.

 

C'est donc en mettant un chapeau de " gouvernement investisseur " à la recherche de bénéfices économiques que Mme Marois et son équipe se retournent vers Ressources Québec, une filiale d'Investissement Québec.

 

Le Ministre des Finances, Nicolas Marceau, a rassuré les Québécois qu'il intervient dans ce dossier à l'intérieur de son enveloppe budgétaire 250 millions $ d'Investissement Québec voté par crédits suivant le budget de novembre 2012. Cette somme provient plus spécifiquement du Capital Mines Hydrocarbures dont 500 millions $ étaient attribués au territoire du Plan nord et 250 millions $ pour l'ensemble du territoire du Québec. Mentionnons que dans le récent budget Marceau du 20 février dernier, le gouvernement disait vouloir être "Maîtres et prospères chez nous" en faisant de l'exploitation des ressources naturelles une priorité. Évidemment, on retrouve là l'entente pour l'exploration du potentiel pétrolier sur l'île d'Anticosti, mais également on annonce une augmentation de sa contribution financière dans l'exploitation des mines, un soutien accru au secteur forestier de même qu'un nouveau fonds pour développer une filière de la biomasse résiduelle. Cette approche « investisseuse » du gouvernement est loin d’être terminée – à moins que le résultat des élections prochaines en décide autrement…

 

SD

 

Références

Communiqué de presse du gouvernement : Potentiel pétrolier au Québec - Québec va de l'avant avec l'exploration pétrolière sur l'île d'Anticosti http://www.fil-information.gouv.qc.ca/Pages/Article.aspx?idMenuItem=8&motsCles=île d'Anticosti&listeThe=&listeReg=&listeDiff=&type=1&dateDebut=2014-02-10&dateFin=2014-02-28&afficherResultats=oui&idArticle=2202134143

 

Investissement Québec – Investissement Québec http://www.investquebec.com/quebec/fr/a-propos-de-nous/nos-filiales/ressources-quebec.html

 

Radio-Canada http://m.radio-canada.ca/nouvelles/Economie/2014/02/13/006-annonce-quebec-economie-secteur-petrolier.shtml

 

Mercier, Jean (2002). L’administration publique : de l’École classique au nouveau management public, Sainte-Foy.

Michaud, N. et all. (2011). Secrets d’États ? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains. Presse de l’Université Laval.

 

Commentaires

  • On aura jamais trop d'opinions et de point de vue sur une question aussi cruciale que la sécurité énergétique...
    un enjeu majeur qui nous dicte ...l'écoute et la discussion ...
    Une bonne alimentation sur cet enjeu !

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