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CANADA/FRANCE - Le parcours parlementaire, même culture politique?

 « Un des plus grands inconvénients des grands États, celui de tous qui y rend la liberté le plus difficile à conserver, est que la puissance législative ne peut s’y montrer elle-même, et ne peut agir que par députation » (ROUSSEAU, Jean-Jacques, 1770-1771, Considération sur le gouvernement de Pologne). Là est tout le rôle des députés : ils sont le pouvoir législatif. Ils sont élus pour représenter la population citoyenne, pour faire des choix, changer et améliorer la société à travers la création, la modification ou la suppression de textes législatifs. Cette prérogative est cependant (généralement) partagée avec une autre chambre, le Sénat, pour contrebalancer et équilibrer le pouvoir législatif. A eux deux, ils forment le pouvoir législatif, à côté de l’exécutif et du judiciaire. Tout ceci est prévu par les Constitutions respectives des pays ci-dessous étudiés : le Canada (Loi de 1982 sur le Canada) et la France (Constitution de la cinquième République de 1958). Il ne peut y avoir d’État de droit sans un texte fondateur duquel dépendent toutes les lois, qui déterminent les droits fondamentaux.

États de droit et démocraties, le Canada et la France ont des similitudes quant aux institutions politiques et notamment quant à la chambre de la députation au Parlement. Le parcours scolaire et politique de ces parlementaires est pour autant très différent. Des études à l’accès aux responsabilités politiques, les formations ne sont aucunement comparables; différents chemins sont empruntés. En France, les fonctions politiques sont marquées par un élitisme social et éducationnel. A ce propos, Max Weber parle de science administrative comme d’une professionnalisation de l’action publique. En revanche, j’ai pu personnellement constater la simplicitéde certains des parlementaires canadiens, notamment au travers d’un député du Nouveau Parti Démocratique (NPD).

Quelles sont les personnes les plus aptes à pouvoir guider un pays ? Tout est question des conceptions culturelles de ce que doit être un député, de ce que doit représenter le pouvoir législatif. En l’occurrence, les deux États n’accordent pas la même importance à certaines conditions d’éligibilité et dans les faits, à une certaine expérience.

 

-          FRANCE

En France, système bureaucratique, l’Assemblée Nationale est composée de 577 députés, répartis sur toute la France. Ils sont élus dans une circonscription au suffrage universel direct (scrutin uninominal majoritaire à deux tours) et leur mandat national dure cinq années. Peuvent candidater aux élections législatives, tous les français majeurs – soit 18 ans depuis la loi organique du 14 Avril 2011, abaissant l’âge de 23 ans à 18 ans – jouissant de leurs droits civiques et n’étant pas touchés par une inéligibilité personnelle ou professionnelle fixée par la loi. De ce fait, ils doivent nécessairement être électeurs.

Les conditions paraissent simples et réalisables, mais dans les faits, les fonctions électorales législatives sont réservées aux « élites de la nation ». L’excellence, les connaissances et la sagesse : voilà sur quoi est basé le modèle exemplaire d’un bon député. Cela explique les faits.

- Une seule députée est âgée de moins de 30 ans, sachant que la majorité des députés se situe entre 50 ans et 70 ans. De même, il y a 151 députés de sexe féminin sur 577.

- Concernant la catégorie socioprofessionnelle, est fortement représentée la profession libérale, les avocats (37), les cadres supérieurs (55), les fonctionnaires de catégorie A (52), les fonctionnaires des grands corps de l’État, les chefs d’entreprises, les médecins (24), les permanents politiques (15) et les pensionnées ou retraités civils (54)

- La famille socioprofessionnelle regroupe principalement des cadres et ingénieurs (117), des fonctionnaires (110) et des professions libérales (92).

Dès lors, la députation française parait prédestinée à certaine famille ou profession et par extension, à un certain parcours scolaire et universitaire. Cela se fait ressentir principalement dans les grandes villes. Enfin, le mandat communal ou départemental est parfois doublé à celui de député. Les députés-maires représentent 80 sièges. La députation est conforme à un certain profil proche de l’univers qu’est l’administration publique. Cette dernière est définie comme l’ensemble du pouvoir administratif contrôlé par l’État.

 

-          CANADA

Côté canadien, 308 députés composent normalement la chambre des communes pour 308 circonscriptions (comtés) actuelles. Aujourd’hui, il n’y en a que 303 d’après le site du Parlement. Ils sont élus par le peuple en tant que candidat aux élections fédérales, pour un mandat d’environ quatre ans, par scrutin uninominal majoritaire à un tour. Le nombre de siège est proportionnel à la population des provinces ou territoires du Canada. Concernant l’éligibilité, la règle est la suivante : toute personne ayant la qualité d’électeur peut candidater aux élections fédérales sauf critère d’inéligibilité, c'est-à-dire être citoyen canadien âgé d’au moins 18 ans pouvant voter.

Concrètement, qu’en est-il des députés fédéraux et de leur parcours? Le média Le devoir commence un de ses articles de la sorte « Vendeurs de voitures, chiropraticiens, instructeurs de karaté: les membres de la 41ème législature de la Chambre des communes proviennent de divers horizons. Bien qu'il ait beaucoup été question des nouveaux néo-démocrates aux Communes, plusieurs faits intéressants ressortent lors d'un coup d'œil au curriculum vitæ des nouveaux députés fédéraux ». En effet, c’est vérifié. Ryan Leef, membre de la 41ème législature, exerçait dans les arts martiaux mixtes. Deux autres étaient également instructeurs d’art martial. Ainsi,

- 76 élus se rattacheraient à la catégorie socioprofessionnelle des entrepreneurs selon une étude de La Presse canadienne. Il y aurait 44 avocats, 20 fermiers, 22 dans le milieu des médias, 38 novices viennent du corps professoral ou enseignants, 3 du médical et 7 des services de police ou encore d’autres venant des forces armées canadiennes.

- D’autres sont plus marginaux. Le député de Winnipeg était contrôleur de la circulation aérienne. Encore, un diplomate ayant été ambassadeur du Canada en Afghanistan, des artistes, musiciens…

Concrètement, lors d’une visite au parlement à Ottawa, j’ai eu l’honneur de rencontrer Réjean Genest, député élu sous la bannière du NPD dans la circonscription de Shefford. Son portrait et son parcours sont peu orthodoxes et montrent la capacité d’apprendre le métier sans aucune formation préalable. Modeste, il est jardinier de profession (horticulteur) au Québec et passionné des fleurs. Il est désormais écrivain dans le même domaine. Il a même été itinérant pendant une période de sa vie. Exécutant son premier mandat, il a apprit le métier « sur le tas » et s’en réjouit.

Voici un portrait folklorique de la députation canadienne. De plus, chaque élu décrit ses fonctions et sa mission différemment. Même la vision au sein de la chambre des communes est marquée par de nombreuses divergences. Le métier se vit.

 

Plus précisément, au Québec, donc au provincial, l’Assemblée Nationale – chambre unique depuis 1968 – est formée de 125 élus, autres que les fédéraux et de différents partis politiques. Même s’il n’existe pas de Constitution à proprement parler, des lois quasi-constitutionnelles encadrent la députation. Le scrutin est uninominal majoritaire à un tour également et le mandat ne peut dépasser cinq ans. Les conditions d’éligibilité sont au nombre de quatre : avoir la citoyenneté canadienne, être majeur, avoir résidence depuis au moins 6 mois au Québec et ne pas être sous curatelle ou privé de ses droits électoraux.

L’expérience personnelle et professionnelle est encore très disparate. La chambre est vraiment hétérogène. En 2012, lors de la 40ème législature, des informations ont été recensées donnant ainsi une représentation de la diversité des parcours parlementaires. Tout d’abord, preuve d’ouverture, les femmes possèdent 41 sièges, soit près du tiers de la totalité. Les personnes âgées de 20 à 39 représentent 9,6% de la chambre du Parlement québécois. Quant à l’expérience, il y a de tout. Même si la durée moyenne des mandats exécutés en tant que député est de 6 années, 38 font leurs premiers pas et n’ont pas forcément d’expérience dans le domaine politique. Cependant, il semble fondamental de préciser que les fonctions parlementaires et/ou ministérielles sont cumulatives. Également, ils peuvent être à la fois député et maire.

 

En somme, la France parait beaucoup plus rigide et exigeante quant aux qualifications des députés. Trois députés ont été qualifiés de « marginaux » pour seule raison qu’ils étaient respectivement chanteur, agriculteur et résident d’un mobil home. Cet élitisme favorise un éloignement entre les députés et leurs citoyens, une perte de contact. Cependant, cette image de la députation est ancrée dans les mœurs françaises, et permet la transmission de confiance. Toujours est-il que le curriculum vitae ne fait pas d’un élu un bon représentant et député pour la République française. Un autre regard pourrait être porté sur cela, voire prendre exemple sur le modèle canadien qui semble beaucoup plus approprié à une représentation véritable et effective de la population citoyenne. La politique ne devrait pas être une profession.

 

 

Références et bibliographie

Assemblée nationale du Québec, 2013, Statistiques sur les députés, 27 mars 2013, disponible en ligne, http://www.assnat.qc.ca/fr/deputes/statistiques-deputes.html

Assemblée nationale de la République française, 2013, L’élection des députés, le rôle des députés, et 577 députés, disponible en ligne sur le site de l’Assemblée nationale, mis à jour, http://www.assemblee-nationale.fr

Parlement du Canada, 4. La chambre des communes et les députés, disponible en ligne sur le site du Parlement, mis à jour,

http://www.parl.gc.ca/marleaumontpetit/DocumentViewer.aspx?Sec=Ch04&Seq=3&Language=F

 

 

LOAT, Alison, 2011, Député fédéral, poste sans mode d’emploi, Revue parlementaire canadienne, Printemps 2011, pages 24 à 30, disponible en ligne, http://www.revparl.ca/34/1/34n1_11f_Loat.pdf

MICHAUD, Nelson (Dir.), et autres, 2011, Secrets d’États? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains, Presses de l’Université de Laval, ENAP.

TRUDEL, Rémy, 2013, notes de cours de l’ENP7505- Principes et enjeux de l’administration publique, séances 3 et 4.

 

France TV info, 2012, Trois députés pas comme les autres, 26 juin 2012, disponible en ligne, http://www.francetvinfo.fr/france/trois-deputes-pas-comme-les-autres_111985.html

Le devoir, 2011, Des députés canadiens aux parcours éclatés, La presse canadienne, 9 mai 2011, disponible en ligne, http://www.ledevoir.com/politique/canada/322910/des-deputes-canadiens-aux-parcours-eclates

 

Commentaires

  • Analyse très instructive qui permet une certaine prise de conscience sur les progrès que la France doit encore faire pour rapprocher citoyen et décideurs ... Un élitisme parlementaire qui s'explique par un élitisme dès les études supérieurs : pas beaucoup d'enfants ouvrier à HEC Paris, à Science Po Paris et à l'ENA !!

  • En effet instructif pour "élever" notre "université"....
    Plus et plus...

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