La participation citoyenne, une démocratie à deux vitesses ?
Depuis les années 60, on constate que bon nombre d’efforts et de progrès ont été réalisés au regard de la gestion participative dans la société québécoise. Le législateur a permis de faire un grand pas vers la démocratie participative en enchâssant, dans les lois et règlements qui régissent nos institutions, des mécanismes offrant la possibilité aux citoyens de se faire entendre. On ne peut qu’applaudir les efforts visant l’amélioration des relations entre la société civile et l’État. La révolution tranquille nous aura laissé entre-autre en héritage, une ouverture dans la gestion des services publics, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé jusqu’alors sous le joug des communautés religieuses. Il s’agissait bien entendu d’un premier pas vers l’émancipation de la société québécoise mais également le début des tensions entre la démocratie structurelle et la démocratie participative.
L’institutionnalisation de la participation des usagers aux structures décisionnelles de l’État aura permis au citoyen ordinaire de faire un contrepoids au pouvoir des élus. Même si la légitimité de la présence du citoyen est généralement admise, le rapport de force est encore bien imparfait. Au plan individuel, le citoyen-usager est placé face à un défi colossal dans sa quête pour faire valoir ses intérêts personnels. C’est David contre Goliath. Les structures en place permettent davantage aux groupes détenteurs d’enjeux d’exercer un rapport de force mais favorisent peu l’influence individuelle. On assiste davantage à la participation des parties prenantes traditionnelles, soit la classe politique et les groupes sociaux.
Outre les lacunes observées dans les structures actuelles et les imperfections dans la gestion de ces dernières, il est justifié de se demander si les mécanismes mis en place permettent une réelle démocratisation de la participation citoyenne. Est-ce que «monsieur et madame tout le monde» disposent réellement des moyens nécessaires pour intervenir et faire valoir leurs intérêts ?
En théorie, on pourrait affirmer que les mécanismes mis en place permettent à la société civile de faire entendre sa voix et faire valoir ses préférences. Il est assez simple de démontrer que les balises légales, qui traduisent l’intention du législateur, soutiennent le citoyen dans l’exercice démocratique auquel il aspire. Cependant, force est de constater que la participation citoyenne dans les différentes structures décisionnelles est encore très faible et peu encouragée. Prenons pour exemple deux structures qui sont dans l’environnement immédiat des citoyens, le conseil d’établissement de chaque école et le conseil municipal. Le taux de participation citoyenne dans ces deux structures est dramatiquement faible et on ne parlera pas ici du maigre 45% de participation aux élections municipales qui se sont tenues en 2009 et en 2005.
Il y a évidemment de nombreuses causes à cette faible participation. Après avoir pointé du doigt les imperfections des structures établies, on a tôt fait d’expliquer ce déficit par le désengagement social et politique ainsi que par la montée de l’individualisme au sein de notre société occidentale. Un des effets collatéral de la modernité. Elle a le dos bien large cette modernité.
L’éducation citoyenne
Il y a cependant un facteur dont on parle fréquemment mais qui ne fait pas l’objet de mesures déterminantes, l’éducation citoyenne. On peut prétendre que le citoyen moyen connaît bien mal les structures de la société et leur fonctionnement et qu’il est peu conscient non seulement de ses droits mais également du pouvoir qu’il possède pour les faire valoir. Une des principales causes de la faible participation citoyenne dans les structures qui permettent une gestion participative est sans aucun doute l’ignorance. La pauvreté intellectuelle et la pauvreté sociale font autant de ravage que la pauvreté financière. Cela nous ramène au débat sur les inégalités sociales. Une bonne partie de la population ne possède pas les outils pour occuper l’espace citoyen qui a été créé à son égard. Cet espace est généralement occupé par l’élite ou par les groupes sociaux qui représentent les plus démunis. Soyons clair, nous ne sommes pas tous égaux dans ce système qui favorise encore une fois l’élite de la société. Bien entendu, il n’y a pas de discrimination directe bloquant l’accès à ces structures mais avouons qu’aucune mesure déterminante n’est mise en place pour favoriser et soutenir réellement la participation citoyenne. Peut-on parler ici d’une démocratie à deux vitesses ?
Bien sûr, la réforme de l’éducation a introduit dans ses programmes de formation à l’école primaire et secondaire le thème de l’éducation citoyenne. Cette orientation est certes un pas dans la bonne direction puisqu’elle constitue un moyen pour soutenir la création du lien social chez les jeunes élèves. Il s’agit d’une excellente mesure de sensibilisation mais qui rencontre rapidement ses limites.
L’éducation citoyenne devrait permettre, au-delà du développement d’une conscience citoyenne, de développer une meilleure connaissance des institutions et de façonner l’exercice de la citoyenneté pour mieux préparer les jeunes à devenir des citoyens qui pourront agir et faire des choix éclairés. Il ne s’agit pas d’imposer une norme culturelle déterminée mais de jeter les bases d’une culture publique commune en provoquant des mises en situation qui favorisent les négociations entre acteurs qui tentent de coordonner leurs actions dans des situations de tensions. Bien humblement, l’objet de ce propos n’est pas de définir un quelconque programme d’éducation à la citoyenneté mais de jeter les bases d’une réflexion sur les éléments qui pourraient favoriser la participation citoyenne. Est-ce idéaliste de croire qu’un plus grand nombre de citoyens soient en mesure d’occuper une place active dans la gestion participative ?
Nous avons édifié un système complexe qui soutient nos aspirations à évoluer dans une société où règne la démocratie donc dans laquelle le peuple est souverain. La participation citoyenne est un exercice de souveraineté qui doit être soutenu. Ce n’est pas seulement l’affaire de quelques détenteurs d’enjeux dont l’élite et certains groupes «marginaux». Le soutien peut évidemment prendre plusieurs formes mais l’éducation demeurera sans contredit l’outil le plus efficace. «L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde» (Nelson Mandela).
La gestion participative est un instrument démocratique qui devrait être connu et accessible à l’ensemble des citoyens. Retenons, tel que nous le suggère ce proverbe africain, que «seul on va plus vite mais ensemble on va plus loin.
Éric Quevillon
Commentaires
Éric on lira ça avec grande attention et on se voit le 29.
À+