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PD L.-Blogue #2 - Les limites du privé

 

 

              Dans notre société néo-libérale, l'opinion publique oppose souvent le secteur privé au secteur public. L'une des raisons pour cette dichotomie est en raison de la nature des activités de ces deux entités. Le privé, afin d'assurer des profits, se doit de contrôler les risques et de les éviter si cela s'avère impossible. Cependant, les besoins de la population ne se limitent pas uniquement aux secteurs rentables et dépourvus de risques. Du coup, l'un des mandats du secteur public est de prendre la relève dans ces domaines. Par exemple, le public investit fréquemment dans les recherches fondamentales afin d'assurer la compétitivité future de l'État. D'autres domaines, tels que l'exploration spatiale, sont certainement moins répandus dans l'ensemble des États de droit, mais restent d'une grande importance et ont besoin de l'intervention du secteur public en raison des dangers et incertitudes de leurs opérations. Néanmoins, le secteur privé jouit de très bons porte-parole. Celui-ci, constamment vanté dans les tribunes et des gens de la droite, est maintenant synonyme d'efficience. Pourtant, comme nous allons le voir avec l'exemple du secteur de la santé, la voie du privé n'est pas toujours efficace ou l'option logique à adopter.

 

               Dans son blogue du 30 mars 2013 sur le site web du Journal de Montréal intitulé Vive le privé (quand il est à sa place), Jean-Martin Aussant s'attaque à la croyance qu'un système de santé géré par le privé serait plus efficient que celui que nous possédons au Québec en ce moment. Le chef d'option nationale souligne l'incompatibilité de la mission du privé, qui est, non seulement de faire du profit, mais d'assurer de nouveaux profits (donc une clientèle!) à long terme à celui de bien soigner les Québécois afin de les revoir le moins possible dans nos hôpitaux. Dans ce sens, un système de santé entièrement privé n'aurait aucun avantage à soigner parfaitement ses patients, si son véritable but est d'obtenir le plus de profits possible. Cette logique va de soit et est bien connu chez les gens s'opposant à la vague de privatisation qui a suivi les années Reagan et Tatcher. Cependant, il faut souligner les valeurs du privé. Il est vrai que celui-ci est, toute chose étant égale par ailleurs, plus efficient que le public. Ceci s'explique, entre autres, par les contraintes auxquels ces deux secteurs doivent faire face. Comme nous le savons, dans le secteur public, tout doit être approuvé alors que dans secteur privé, tout est permis jusqu'à ce qu'ils rencontrent une loi. Dans ce sens, il n'est pas surprenant que les opérations de ces deux secteurs prennent des formes très différentes. Le processus bureaucratique du public sera, inévitablement, bien plus lourd. Or, ce processus bureaucratique a aussi ses bienfaits. Il assure une imputabilité, un respect des règles du domaine et une impartialité dans la priorité des clients à servir.

 

            Comme Jean-Martin Aussant le souligne, nous avons qu'à observer le système de santé américain qui, malgré les temps d'attente non existants, coute deux fois et demie plus cher per capita que la moyenne des pays de l'OCDE. De plus, nos voisins américains ont 2.4 physiciens per 1000 capita comparativement au 2.0 du Canada et au 3.1 de l'OCDE[1]. Le Canada semble souffrir dans ce domaine, cependant, la différence de .2 n'est pas suffisante pour expliquer ces temps d'attente si différents[2] entre ces deux systèmes. En effet, l'attente pour voir un médecin spécialisé au Canada est de deux à trois fois celle aux États-Unis[3]. Cependant, le système canadien, étant beaucoup plus accessible, obtient des trafics de clientèle bien plus importants. L'accessibilité de notre système malgré les temps d'attentes se répercute favorablement dans la santé publique des Canadiens. Les Canadiens vivent, en moyenne, 2.5 ans plus longtemps que les Américains et se classent onzièmes dans le monde[4]. Ce succès de notre système de santé occasionne, à son tour, davantage de stress sur les temps d'attente. Malgré tout, très peu de Canadiens seraient prêts à échanger leur système de santé avec le modèle privé des États-Unis.

 

            Considérons maintenant ces facteurs. Les États-Unis ont une quantité défaillante de médecins per capita, le taux d'utilisation de leur système par les citoyens est moindre qu'au Canada et l'espérance de vie en est réduite. Tout cela, logiquement, au prix d'un système de santé plus efficient donc, moins couteux. Or, comme le rapport de l'OCDE le démontre[5], les dépenses en santé per capita sont, aux États-Unis, les plus hautes dans le monde. En comparaison, le Canada se classe septième dans le monde dans ce domaine. De plus, notre espérance de vie est parmi les meilleures et nous devons couvrir un large territoire en comparaison à notre petite population. Dans ce sens,  le système de santé canadien est un succès, même si imparfait, et l'intégration du privé afin d'alléger les temps d'attentes ne serait pas nécessairement bénéfique à long terme à notre société.

 

            Bref, depuis ces fameuses années Reagan et Tatcher, il semble que le discours public assume toujours qu'il y existe un choix de société irréconciliable entre le public et le privé. Sans aborder un système de santé à deux vitesses pour les raisons philosophiques entre le privé et la santé que nous avons évoqué, il est possible pour une société de concilier ces deux modèles afin d'obtenir le meilleur des deux mondes. À la suite de la Révolution tranquille, nous avons instauré, au Québec, notre version nord-américaine de la sociale démocratie. Notre société française qui valorise la justice sociale et la répartition de la richesse se retrouve sur un continent entouré de sociétés anglophones, typiquement néolibérales et dans un système politique hérité de nos anciens maitres britanniques. Du coup, devant se doter d'institutions et d'assurer la survie à long terme de celles-ci, le Québec a adopté un modèle où les services vitaux tels que la santé, l'éducation et la gestion des ressources naturelles, sont étatisés, tout en laissant place, dans les autres domaines, au marché privé nord-américain. Du coup, nous nous sommes dotés d'une société dynamique possédant ses défauts, certainement, mais aussi plusieurs qualités de ces deux secteurs qui sont injustement perçus comme des antagonistes.



- Pierre-David Labre



[1]THE WORLD BANK DATA (Page consultée le 11 avril 2013). Physicians (per 1000 people), [en ligne], http://data.worldbank.org/indicator/SH.MED.PHYS.ZS

[2] FRASER INSTITUTE (Page consultée le 11 avril 2013). Longer than ever a patients wait for healthcare, [en ligne], http://www.fraserinstitute.org/uploadedFiles/fraser-ca/Content/research-news/research/articles/longer-than-ever-a-patients-wait-for-healthcare.pdf

[3] INSTITUT CANADIEN D'INFORMATION SUR LA SANTÉ (Page consultée le 12 aveil 2013). Temps d'attente et soins de santé au Canada : ce que nous savons et ce que nous ignorons, [en ligne], https://secure.cihi.ca/free_products/WaitTimesReport_06_f.pdf

[4] ECONOMIC & SOCIAL AFFAIRS (Page consultée le 12 avril 2013). World Population Prospects, The 2010 Revision, [en ligne], http://esa.un.org/wpp/Documentation/pdf/WPP2010_Highlights.pdf

[5] OECD (page consultée le 12 avril 2013). OECD Health Data 2012 - Frequently Requested Data, [en ligne], http://www.oecd.org/els/health-systems/oecdhealthdata2012-frequentlyrequesteddata.htm

 

Commentaires

  • Les limites des systèmes doivent toujiours être mis à l'épreuve des faits....
    prof

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