#2:QUI donc...??? Quand le département de Precrime gère le SPVM.
Depuis sa fondation, le Canada a eu plusieurs formes et systèmes politiques pour la gestion du territoire et de la vie de ses citoyens. Avec le temps, le pays s’est doté d’une charte des droits. Ce document pilier à la vie moderne canadienne est la source des lois qui gèrent ce pays. Généralement, il est logique de s’attendre des élues des 3 paliers de gouvernement qu’ils fondent et votent des lois en respectant la Charte canadienne des droits et libertés. Max Weber soulevait les théories suivantes : l’État possède le monopole de la violence légitime au sein de son territoire et donne aussi la légitimité à certaines institutions d’utiliser cette violence. L’armée et la police sont des institutions qui ont généralement ce droit. Par conséquent, il est logique d’espérer que ces organes de l’État, la police et l’armée, respectent les même lois, règlements et chartes que l’État, étant donné que leur légitimité est conférée par celle-ci.
Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est toujours actif afin de protéger la ville et de faire respecter les lois. L’organisation a particulièrement été sollicitée suite aux manifestations étudiantes issues du mouvement contestataire face à l’augmentation des droits de scolarité. Ce mouvement a principalement été actif en 2012. Afin de répondre à cette crise, le gouvernement libéral majoritaire de John James Charest a fait voter d’urgence le projet de loi 78 qui est devenue la loi 12. En parallèle, la ville de Montréal, principale arène entre les étudiants et le gouvernement, s’est dotée d’une loi P-6 améliorée[1], car la première ébauche datait de 2001[2] et ne permettait pas de répondre à la situation présente dans les rues de la métropole. La loi 12 a tellement été décriée par l’opposition que cette dernière, une fois au pouvoir, l’a abrogé presque entièrement car elle n’avait que très peu de chance d’être considérée comme constitutionnelle à long terme, selon l’article 1 de la charte :
« 1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique »[3]
La loi 12 n’avait plus raison d’être car « l’état d’urgence » qui faisait en sorte que le gouvernement devait légiférer n’était plus. Cependant, la ville de Montréal, elle, n’a jamais abrogé sa nouvelle version du règlement sur la prévention des troubles de la paix, de la sécurité et de l’ordre publics, et sur l’utilisation du domaine public. Le Devoir rapporte qu’il y a eu environs 600 arrestations entre le 15 et le 22 mars de cette année[4], et cela sans compter les manifestations du 5 et du 29 mars. Le sergent Jean-Bruno Latour, l’un des porte-paroles du SPVM, explique les arrestations de cette manière : « Depuis les trois dernières manifestations, nous intervenons plus rapidement. Il ne faut pas prendre en otage les citoyens qui veulent venir au centre-ville de Montréal. Le (sic) Charte [des droits et libertés] protège le droit d'expression, mais il n'y (sic) pas de droit de manifestation »[5] .
Cette citation peut faire grincer des dents n’importe quel juriste canadien ou étudiant de la fonction publique à l’ENAP. Cette citation est outrageuse car elle démontre que le SPVM ne connait pas les bases des lois qu’il applique. Le droit de manifester s’incarne à travers trois dispositions de la charte :
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :
a) liberté de conscience et de religion;
b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;
c) liberté de réunion pacifique;
J’invite monsieur Latour à lire la lettre du Barreau du Québec à monsieur Claude Trudel, président de la Commission de la Sécurité Publique. À l’intérieur de celle-ci il est possible d’y lire :
L’effet conjugué de la liberté d’expression et de la liberté de réunion pacifique fait en sorte que le contenu (ou la teneur) du message est protégé par la liberté d’expression, alors que le mode (ou la forme) d’expression, en l’occurrence une manifestation collective dans les rues, acquiert une protection additionnelle puisqu’il se trouve protégé non seulement par la liberté d’expression, mais aussi par la liberté de réunion pacifique.[7]
Certains détracteurs avanceront que les manifestations ont été arrêtés dès le début afin d’éviter les débordements et la violence. Il est nécessaire de rappeler à ces gens que les citoyens canadiens possèdent la présomption d’innocence et que nul ne peut être accusé d’un crime qu’il n’a pas encore commis. On ne parle pas ici d’émeutes mais bel et bien de manifestations. Oui, certaines d’entre elles ont tourné au vinaigre. Mais pensons à la majorité de celles-ci qui se sont déroulées sans l’ombre d’un incident. Je citerai les traditionnelles manifestations « du 22 » (de chaque mois) et les casseroles. Dans le cas qui nous intéresse, l’une des arrestations de masse fut effectuée dans le cadre de la manifestation qui célébrait les 1 ans de la marche « du 22 ».
Pour conclure, Il faut chercher à savoir ce qui peut motiver le SPVM à cesser ces manifestations à première vue pacifique aussi rapidement car, ne l’oublions pas, l’application systématique de la loi P-6 est tout récente : la loi a été modifiée en mai 2012, et celle-ci est appliquée en mars 2013! Une des explications possibles peut être retrouvée dans le journal de Montréal du 23 mars : «La population en a assez des manifestations, a dit une source policière en entrevue avec l’Agence QMI samedi. Les gens nous demandent de mettre un frein à ces manifestations le plus rapidement possible»[8]. Cette citation permet de douter sur la bonne volonté du SPVM, car ne pas donner d’itinéraire devient un prétexte et non un problème. Le SPVM a donc changé sa mission maintenant ; fait-il maintenant du politique?
Commentaires
Pourriez-vous vous identifier à l'adresse du commentateur. SVP.
Rendre à César ce qui appartient à ...César !