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Les Autochtones, un peuple sous tutelle, dans un "État de droit"

À travers le monde, le Canda se veut être un État de droit, protecteur de la démocratie et des droits de l’Homme. Il s’impose comme un exemple à suivre, notamment en matière d’engagement politique pour le développement. Néanmoins, l’image dorée de la feuille d’érable s’est quelque peu atténuée avec le temps. Il suffit de faire une rétrospective de l’action du gouvernement Harper depuis son arrivée au pouvoir en 2006. Mais là n’est pas le sujet, bien qu’il l’effleure quelque peu.

 

Suite à notre petite escapade à Odanak et après plusieurs lectures sur la condition des Autochtones du Canada, une réflexion plus critique sur les positions de notre pays entant qu’État de droit s’est imposée à moi. À titre de grande nation, faisant partie des pays les plus développés du monde, le Canada est historiquement pour un dialogue des cultures, tout en préconisant un partage des richesses et une collaboration avec les pays en voie de développement. Mais avant de prononcer de beaux discours à l’ONU, encore faut-il prêcher par l’exemple au sein même de son territoire. Comment expliquer qu’en 2013, certaines nations autochtones se considèrent comme être le «tiers-monde» du Canada? Il est essentiel, pour comprendre leur situation, de revenir en arrière; plus précisément en 1876, lorsque la Loi sur les Indiens est rentrée en vigueur. Aujourd’hui encore, cette loi fait de tous les Autochtones du Canada, soit plus de 1.3 millions de personnes, des citoyens de seconde zone; des «mineurs sous la tutelle du gouvernement fédéral». Concrètement, cela se traduit par des politiques totalement désuètes et qui ne font qu’accroître la dépendance de ce peuple face au gouvernement, en plus de le marginaliser au sein même de son pays.

 

Ainsi, les Autochtones sont conditionnés à leur situation de précarité par l’impossibilité, par exemple, de contracter un prêt bancaire et ce, tout simplement, parce qu’ils ne disposent pas du droit de propriété. Rappelons ici qu’on est au Canada, pays développé où dans la Constitution, tous les citoyens sont égaux. La condition déplorable des femmes autochtones est aussi, en partie, conséquente à la Loi sur les Indiens. En effet, cette dernière a diminué leur rôle politique, affaibli leur pouvoir au sein même des réserves, en plus de soustraire leurs droits à titre de femme autochtone, en favorisant injustement les hommes. Ainsi, une femme autochtone qui souhaite divorcer peut être contrainte de quitter sa maison, au profit de son ex-mari et ce, sans aucun recours possible. Les femmes autochtones sont aussi plus à risque, en matière de discrimination sociale, de pauvreté et de violence, que les femmes non-autochtones au Canada. Bref, plusieurs dénoncent cette condition, à commencer par l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), qui responsabilise en premier lieu, les assises juridiques de cette discrimination persistante envers les femmes des premières nations.     

 

Évidemment, aujourd’hui, toute cette politique est remise en cause par l’opinion publique et bon nombre de politiciens. Bien des gens veulent changer les choses, en commençant par les Autochtones eux-mêmes, qui mettent sur pieds plusieurs initiatives en faveur du développement de leurs communautés. Le mouvement Idle No More est un exemple d’action qui, sans vouloir victimiser indéfiniment les Amérindiens pour les traumatismes vécus, notamment dans les pensionnats, où une politique d’assimilation fut en vigueur jusqu’aux années 90, souhaite protester en faveur d’une réforme du statut des Autochtones.

 

Toutefois, face à ce mouvement de protestation, le gouvernement fédéral répond timidement, après s’être obstiné, pendant plusieurs semaines, à refuser le dialogue avec les représentants autochtones. Mais n’est-il pas du devoir du gouvernement d’être à l’écoute de ses citoyens? Qui plus est, des Premières Nations, dont les problèmes de pauvreté et de violence dans certaines communautés, de pénurie d’eau potable et d’exploitation massive de leurs territoires par des multinationales font étrangement rappeler les conditions précaires dans lesquelles survivent les populations de bien des pays du tiers-monde. Il est en mon sens aberrant que les politiques fédérales fassent abstraction de cette situation qui ne fait qu’alimenter davantage un sentiment de colère au sein des communautés.

 

Il est donc peut-être temps d’abolir la loi sur les Indiens et d’entamer sérieusement un dialogue avec les communautés autochtones, afin de mieux cerner leurs conditions et adapter les politiques à leur situation. Alors même que depuis des siècles, le système politique bafoue leurs droits et les réduits à des citoyens de seconde zone, il faut garder à l’esprit que les Autochtones sont les seuls à pouvoir se revendiquer, avec toute légitimé, être les premiers propriétaires de ce vaste territoire qu’est le Canada.   

 

Selma Z.

 

REFÉRENCES

CANADIANA «Le problème des femmes autochtones», [En ligne], http://www.canadiana.ca/citm/specifique/abwomen_f.pdf

 

JOURNAL DE MONTRÉAL (2013), «Les préjugés envers les autochtones : MYTHES OU RÉALITÉ?»

L’ACTUALITÉ (2004), «Abolir la loi sur les Indiens?» [En ligne], http://www.lactualite.com/politique/abolir-la-loi-sur-les-indiens

RADIO-CANADA (2013), «Idle No More, portrait et revendications» [En ligne], http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2013/01/07/002-idle-no-more.shtml

 

 

 

 

 

Commentaires

  • «Il est donc peut-être temps d’abolir la loi sur les Indiens et d’entamer sérieusement un dialogue avec les communautés autochtones (…). Alors même que depuis des siècles, le système politique bafoue leurs droits et les réduits à des citoyens de seconde zone, il faut garder à l’esprit que les Autochtones sont les seuls à pouvoir se revendiquer, avec toute légitimé, être les premiers propriétaires de ce vaste territoire qu’est le Canada.»

    Je trouve que le sujet est traité avec une dimension empreinte de sensibilité, notre gouvernement aurait avantage à en faire preuve, et en prendre bonne note. Trop souvent le gouvernement est occupé à protéger ses intérêts afin d’éviter les embarras. Mais je crois qu’il est grand temps de prendre ses responsabilités et d’arrêter les faux fuyants et de faire amende honorable envers les Autochtones, une fois pour toutes. Je ne crois pas que les considérer comme des mineurs et de donner un matricule à la place d’un nom comme tout autre citoyen canadien, soit de la gouvernance de haut niveau.

  • Toutes proportions gardées, ceci rappelle, un tant soit peu, le code de l'indigénat appliqué dans les anciennes possessions francaises.
    Mis à part la privation des indigénes de leurs terres transférées aux colons et la coexistence de deux législations différentes concues pour des populations distinctes, et l'internement administratif des indigénes (rappelons l'internement des canadiens japonais pendant la seconde guerre mondiale)...
    Ce que je trouve particuliérement exacerbant dans tout ca, est le soutien complice des intellectuels, des juristes et des politiques à l'élaboration de ce type de monstruosité.
    Par exemple, en 1900, le Juriste Albert Billard soulignait qu' «aucune des races indigénes des colonies n'est préparée à recevoir d'emblée les institutions politiques de l'Europe ». Il ajoutait «ce sont des instruments trop compliqués...pour etre compris des intelligences barbares».
    Dans un livre publié en 1931, l'ancien ministre Albert Sarraut écrivait «la PIRE ÉGALITÉ CONSISTE A TRAITER ÉGALEMENT DES CHOSES INÉGALES » ; Il ajoute « j'estime qu'il faut...laisser nos sujets et protégés ÉVOLUER DANS LEUR CADRE SOCIAL et se servir de ce que nous avons créé, en le modifiant par de larges retouches à mesure que le progrés meme de leur évolution fait apparaitre l'utilité de ces corrections».
    Il conclut qu'« en donnant aux AUTOCHTONES DES POUVOIRS ET DES LIBERTÉS DONT ILS NE SAURAIENT PAS SE SERVIR, nous les REPLONGERIONS DANS L'ANARCHIE D'OU NOUS LES AVONS TIRÉS. Nous n'avons pas le droit de les rejeter aux ténébres, aprés avoir illuminé leurs fronts des aurores d'un avenir nouveau».
    Vernier de Byans dans sa thése de doctorat publiée en 1905, il notait « qu'ils soient considérés comme des sauvages ou des barbares, leurs moeurs, leur culture et leur religion sont pensées comme autant d'obstacles qui leur interdisent de comprendre la portée des principes issus de la Révolution francaise».

    Au delà en ce qui concerne le Canada le travail qui reste à faire s'annonce difficile.

  • Je crois qu’il est important de considérer la primauté du discours sur les droits dans le traitement des enjeux et problématiques reliées aux peuples autochtones du Canada. L’ancien Premier ministre libéral Pierre Elliot Trudeau qui était aussi un théoricien politique associé au courant de pensée en philosophie que l’on nomme le neutralisme qui conçoit que la justice ne peut être effective que « sous une autorité souveraine unique, devant laquelle tous les acteurs des principaux conflits politiques doivent plaider leur cause » ce qui institue une approche monologique de la résolution du conflit politique (Blattberg 2004 : 20).

    Au Canada, l’autorité en question est représentée par la Constitution canadienne. La Charte canadienne des droits et libertés, intégrée dans la Constitution, incarne ainsi une « théorie systématique de la justice » qui est unifiée puisque « même si le[s] principes sont considérés comme distincts les uns des autres sur le plan du sens, ils sont toutefois imbriqués les uns aux autres de manière entièrement non contradictoire » (Blattberg 2004 : 21-22). Pierre E. Trudeau tenait très chèrement au principe de l’unité du Canada et de la nation qui le constitue c’est pourquoi la Charte devait, selon lui, « cherch[er] à renforcer son unité en fondant la souveraineté du peuple canadien sur un ensemble de valeurs communes à tous et notamment sur la notion d’égalité de tous les Canadiens entre eux » (Trudeau 1998 : ch. XI, 121).

    Le fait que vous invoquiez le principe de l’égalité de droit de tous les citoyens du Canada devant la loi est juste, mais ce droit est peut-être ce qui minime les chances d’émancipation réelle et effective des peuples autochtones. Le discours des droits associé à la philosophie neutraliste empêche que le conflit opposant les parties en cause puisse se régler par le biais d’un dialogue. Ce n’est pas avec une instance réputée neutre selon cette théorie, la Cour suprême, que le conflit des valeurs en présence se résoudra.

    Il faudrait plutôt adopter une approche pluraliste fondée sur le dialogue en acceptant que les parties en conflit ne puissent accepter une interprétation de la théorie de la justice, ici la Constitution, par un corps de juges. Les tenants du pluralisme affirment qu’il existe une « pluralité des valeurs » qui sont incommensurables et que celles-ci peuvent « entrer en conflit les unes avec les autres et [ne sont] pas réductibles les unes aux autres », c’est-à-dire qu’en conséquence le processus de résolution d’un conflit de valeurs va entraîner inévitablement une « perte de valeur en chemin » (Williams 1994 : 281). Le compromis est l’inévitable résulta du dialogue dans l’optique d’une résolution du conflit, c’est donc, selon moi, l’approche à privilégier dans le conflit historique opposant les peuples autochtones au gouvernement du Canada.


    Bibliographie :

    Blattberg, Charles. 2004. Et si nous dansions ? : Pour une politique du bien commun au Canada. Montréal : Presses de l’Université de Montréal.

    Trudeau, Pierre E. 1998. Trudeau: l’essentiel de sa pensée politique. Montréal : Le Jour.

    Williams, Bernard. 1994. « Conflits de valeurs » dans La fortune morale. Paris : Presses universitaires de France.

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