Blogue 2 - Fortin, Au secours du français !
Au Québec, la question de la nationalité est inévitable. Inévitable puisque celle-ci se traduit au quotidien dans nos relations de travail, dans nos habitudes de vie, dans notre façon de communiquer. Et oui, c’est sans surprise que je vous annonce que la culture québécoise passe principalement par ce qui la différencie au plus haut point avec ses confrères fédéralistes, la langue française. À l’heure où la mondialisation met au défi la diversité culturelle, le Québec ne devrait-il pas se prévaloir d’une politique claire et commune sur la place de la langue française au sein de ses institutions. Vous me direz que nous en avons déjà une, effectivement en 1977 le Québec rendait contraignante sa Loi 101 sur l’utilisation du français dans toutes les sphères publiques, privées et civiles. Cette Charte de la langue française nous sert ainsi d’office à tous nos discours sur notre droit en tant que nation francophone de promouvoir cette culture unique en Amérique. Nous sommes toutefois arrivés à un point de non retour, la société d’État doit intervenir. On fait présentement face à la pointe de l’iceberg, comme le mentionnait Mario Beaulieu, président du Mouvement Québec Français, mais le reste caché suivra et risque d’avoir des répercussions encore plus importantes sur l’avenir du français dans notre société (Le Devoir, 19 novembre 2011). Nous devons arrêter la machine avant que celle-ci ne nous étouffe complètement. Comment et par où commencer ? Le débat est déjà lancé par l’actualité récente sur les dirigeants hauts placés anglophones unilingues à la Caisse de dépôt et placement du Québec. Malencontreusement, la filiale immobilière en question n’est pas directement visée par l’article 20 de la Charte de la langue française qui stipule que : «Pour être nommé, muté ou promu à une fonction dans l'Administration, il faut avoir de la langue officielle une connaissance appropriée à cette fonction» (OQLF, 2011). Cependant, si l’on considère que l’administration publique est le reflet de l’intérêt général et agit comme le pouls de la population civile, l’ensemble des québécois devraient ainsi travailler en français, tout en ne reniant pas la nécessité d’avoir quelqu’un de bilingue si le poste en demande la compétence spécifiquement. En effet, il est irréaliste de penser qu’un haut dirigeant ne sera pas amené à parler en anglais au travail, avec par exemple ses partenaires étrangers, mais le problème arrive lorsque ceux-ci utilise l’anglais comme langue première dans leur propre administration. Là se trouve justement le problème, avant de recevoir la plainte faite par les subalternes, le Québec acceptait insciemment que la Caisse de dépôt préfère des dirigeants unilingues anglophones, sans tenir compte de l’importance de leur maîtrise du français pour communiquer adéquatement et respectueusement avec leurs employés francophones. Que pouvons-nous donc faire, relancer le débat d’amendement de la loi pour la rendre plus restrictive ? Le Gouvernement a abandonné il y a un an le projet de la loi 103 au profit de la loi 115, exclusivement sur les écoles passerelles (La presse, 18 novembre 2011). Nous avons donc renié l’importance juridique de mentionner que le français est une nécessité pour le patrimoine culturel et la cohésion sociale au sein de notre société québécoise. Où allons-nous ainsi ? Le Premier ministre Jean Charest affirmait récemment qu’il est primordial de « s’assurer que les choses se font conformément à nos valeurs et aux lois » (Le Devoir, le 16 novembre 2011). Nos valeurs devraient en effet être valorisées pour que des situations anormales comme celle-ci cessent d’être bénéfique pour les quelques 8,7% d’anglo-québécois au profit de la grande majorité francophone. Le Québec témoigne de son «incroyable soumission collective, cette attitude de minoritaire qui fait qu’on se sent coupable de vouloir des institutions majoritaires pour la majorité» (Le devoir, 18 novembre, 2011). De plus, cette indulgence que le Québec a toujours eue pour l’anglais commence à ne plus être l’équivalent envers le français au niveau fédéral. Nous l’avons vue par l’omission d’Harper de se confondre aux lois obligeant la nomination de juges bilingues à la Cour suprême, ainsi qu’un vérificateur général comprenant autant le français que l’anglais. Le Québec n’est pas à bout de ses confrontations avec le fédérale sur la place du français, il serait ainsi primordial qu’il puisse au moins donner l’exemple par l’utilisation stricte du français au sein de sa propre fonction publique. Avant même de serrer l’étau sur les sociétés d’état, le gouvernement devrait aussi surveiller la société civile dans laquelle la place du français commence elle aussi à souffrir de son laxisme. L’Office québécois de la langue française (OQLF) vient de lancer le 13 novembre dernier son plan d’action pour le «Respect de la loi dans l’affichage d’un nom d’entreprise utilisant une marque de commerce». Les allégations de francisation que cette campagne tente d’émettre, soulève une question inévitable; le Québec est-il trop mou dans sa propre nation pour pouvoir décider librement de faire de l’affichage une priorité du maintient de la langue française ? On offre quatre façons d’ajuster les affiches en français dont une seule inclus uniquement le français. Mais ce qui est le plus renversant dans cette campagne c’est que le gouvernement offre des compensations financières de 50 000$ pour que les entreprises respectent la loi 101 (OQLF, 2011). Pour tous ceux qui hésitaient à dire que le Québec est incontestablement une nation non répressive, et bien l’OQLF nous en fait pleinement la preuve. On préfère financer les compagnies qui ne respectent pas nos lois provinciales, plutôt que leur faire payer en dommage et intérêts exemplaires. Vous direz qu’il est sûrement mieux de payer nous-mêmes la note des coûts additionnels d’affichage plutôt que de jouer à la police en réprimandant les multiples compagnies qui affichent en anglais. Effectivement, si on veut finir par être satisfait des changements, il va falloir les voir et cela, en agissant malheureusement à nos frais. Le Gouvernement ne devrait cependant pas se contredire en disant que les affiches respecteront ainsi la Charte de la langue française, puisqu’ils ne seront pas le reflet d’une société francophone, mais bien bilingue. La loi n’a-t-elle pas été explicitement établie pour contrer, non pas le bilinguisme individuel, mais bien le bilinguisme institutionnel (Le devoir, 18 novembre, 2011) ? Un constat national est donc à faire, quelle place voulons-nous pour le français ? Nouvellement dans la course, François Legault affirme que le Québec doit être souverain en matière linguistique. Qu’est-ce que cela signifie concrètement? N’avons-nous pas cet objectif depuis la création même de la Charte de la langue française, qui visait précisément à rendre le français comme la seule langue officielle au Québec? Quel politicien aura l’audace de se porter requérant de l’avenir du français au Québec ? Qu’on le veuille ou non, cela passe aussi par l’affirmation que le Québec est une nation distingue, dont l’enjeu de la nationalisation sera toujours un point sensible propre à notre identité. On doit avoir une nouvelle vision, une nouvelle approche pour rendre le Québec solide et prêt à sauvegarder sa culture francophone avec fierté. Il est inconcevable que l’on ait ce genre de dilemme actuellement dans notre société, alors que le Québec essaie en même temps de prendre place sur la scène internationale. Nous sommes une nation différente, mais nous ne sommes pas une exception culturelle, nous faisons partie d’une diversité qui correspond à une réalité présente dans à peu près tous les États du monde (Le devoir, 18 novembre, 2011). Nous avons légitimement le devoir et non l’option de nous défendre en privilégiant des règles qui correspondent à notre culture, notre histoire, notre façon de vivre et notre vision du développement collectif de la société québécoise francophone. Il est inacceptable que le Québec et son administration publique québécoise ne soit pas plus à l’affut de l’anglicisation qui tend à nous rendre toujours plus conciliant, que ce soit envers les immigrants avec les écoles passerelles ou dans le milieu des affaires, où un pourcentage inquiétant de domaines fonctionnent uniquement en anglais. On ne pourra suffisamment le clamer; aucun gouvernement ne doit prendre cette situation à la légère, c’est à nous de réaffirmer que «le Québec est aujourd’hui et pour toujours une société distincte, libre et capable d’assumer son destin et son développement» (Trudel, 2011). Les mots du premier ministre Bourassa en 1990 sont aujourd’hui encore plus vrais que jamais, le Québec doit tirer profit de ce qui le distingue le plus, pour ainsi devenir une nation forte utilisant avec discernement les vertus de sa diversité culturelle. Sinon, on risque de se réveiller dans quelques années avec un mauvais arrière-goût du «je me souviens», dont il ne restera qu’un vague souvenir dans la mémoire collective. Marie-Noëlle Fortin RÉFÉRENCE CYBERPRESSE.CA (2011), La Ministre St-Pierre hésite à amender la Loi 101 [En ligne], Québec, Cyberpresse.ca, «Nouvelles du 18 novembre 2011», http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201111/18/01-4469483-la-ministre-st-pierre-hesite-a-amender-la-loi-101.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=envoyer_cbp (Page consultée le 20 novembre 2011) LEDEVOIR.COM (2011), Anglais à la Caisse de dépôt: Marois et Charest s'entendent [En ligne], Québec, Le Devoir, «Nouvelle du 16 novembre 2011», http://www.ledevoir.com/politique/quebec/336181/anglais-a-la-caisse-de-depot-marois-et-charest-s-entendent (Page consultée le 20 novembre 2011) LEDEVOIR.COM (2011), Opinion : Que la partie visible de l’iceberg ! 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Commentaires
La question est lancée! Le Québec est-il trop mou en matière linguistique. Pour ma part, la réponse est oui.
Cependant, une question plus appropriée serait peut-être celle-ci : les québécois sont-ils trop mous dans la défense de leur langue? La réponse serait toutefois la même.
Collectivement, prenons conscience de la richesse et de la valeur de notre langue. Également, développons le réflexe d’utiliser les outils qui sont à notre disposition pour faire respecter la langue française. En fait, ce commentaire est un prétexte pour rappeler l’importance du travail de l’Office québécois de la langue française. Je vous invite à visite le site Internet de cet organisme à l’adresse suivante : http://www.oqlf.gouv.qc.ca/ .
La question (à mon avis) n'est pas de savoir si le Québec est trop mou en matière linguistique, mais bien si le Canada n'est pas assez flexible sur cette question.
Parce qu'on le sait, à présent, la Loi 101 du Docteur Laurin de 1977 est désormais très loin d'être appliquée dans son entièreté, puisqu'elle a été «charcutée» par les différentes cours canadiennes. Bien évidemment, voyant le Québec tenté de s'introduire de plus en plus dans les compétences fédérales régies par l'article 91 de la constitution canadienne, la Cour Suprême a mit halte jugements après jugements aux velléités francophiles du Québec. Maurice Duplessis disait d'ailleur souvent à cet effet que la Cour Suprême était comme la Tour de Pise : elle penchait toujours du même côté, celui du fédéral...
On dit toujours année après année que la situation du français est catastrophique au Québec, que les jeunes écrivent de moins en moins bien la langue. Face à cette problématique, les différents gouvernements s'ayant succédé à Québec ont peu de solutions. À force d'inaction, peut-être finira-t-on par redevenir canadien et non plus québécois...
Ton blogue est vraiment de la musique à mes oreilles puisqu'il nous sort de l'apathie générale d'en ce moment sur la question linguistique.
Le Québec est-il trop mou sur la question linguistique? Je crois également que oui. Comme tu l'as très bien expliqué, le Québec forme une nation distincte. Toutefois, trop souvent, les détracteurs de cette vision associent cette notion à celle de supériorité, d'attitude hautaine ou de replis sur soi. À mon sens, ce n’en est aucunement le cas.
Certes, le Québec est distinct du reste du Canada par sa langue, mais également par sa culture, ses habitudes, ses références, son rapport aux institutions, etc. Par exemple, le 2 mai dernier, le Québec a massivement appuyé le NPD alors que le reste du Canada a pris une autre direction. On voit ainsi que la distinction n'est pas que linguistique, mais s'affiche aussi sur le plan des valeurs. Toutefois, la langue restera tout de même le premier vecteur de la culture, d'où l'importance de la protéger.
Plusieurs détracteurs affirment que l'État ne devrait pas avoir à contraindre par la loi la langue officielle d'une nation. Ils se font ainsi partisans d'une forme de darwinisme culturel, selon lequel une langue n'a plus de raison d'être si ses commettants la délaissent. Par contre, cette vision omet la réalité géographique du Québec, petite nation francophone dans la mer anglophone nord-américaine. Le rapport de force linguistique, à côté du Canada et surtout du géant états-uniens, n'est donc aucunement comparable à la pression linguistique de l'Italie sur la France par exemple. Du coup, il m'apparait légitime qu'au Québec, nous fassions usage de lois en matière linguistique.
La situation québécoise est toutefois complexe en raison de son statut constitutionnel. En effet, dans le contexte canadien, la loi 101 se trouve continuellement affaiblie par la Cour suprême du Canada et la Charte des droits et libertés canadienne. Est-il nécessaire de rappeler le refus de tous gouvernements du Québec, souverainiste et fédéraliste, de signer la constitution? Malgré ce refus, Québec se voit tout de même contraint.
Finalement, revenons sur l'importance de protéger la langue. À mon sens, chaque langue est l'expression d'une vision différente sur le monde. Comme l'a dit Pierre Bourgault : « quand nous défendons le français chez nous, ce sont toutes les langues du monde que nous défendons contre l’hégémonie d’une seule ». Ainsi, protéger notre culture et son existence, c'est notre façon de célébrer la diversité.
Je suis totalement en accord avec vous quand vous dites que le français devrait être protégé. Les résultats désastreux des tests de français dans nos écoles, traduisent bien l’étendue du problème. Je ne crois par contre pas que des mesures contraignantes comme la loi 101 réussira à favoriser le développement de la langue française au Québec, peu être dans le meilleur des cas à freiner le l’utilisation de l’anglais. Le problème réside selon moi surtout autour d’un manque de volonté du gouvernement mais aussi de la manière dont la langue est transmise de génération en génération. En misant sur les valeurs québécoises et les particularités de la langue, nous devrions nous efforcer à favoriser la langue française au dans la belle province. Le recul important de l’utilisation du français au Québec est certes accablant mais l’inaction du gouvernement l’est encore plus. Il faudrait arrêter du mettre l’emphase sur la dualité français-anglais et plutôt miser sur l’avantage concurrentiel que la plupart des québécois possèdent soit le bilinguisme. À l’instar de plusieurs nations européennes qui ont leur culture propre et des valeurs associé à leur langue première, le Québec pourrait développer un plan de valorisation de la langue française tout en profitant de la dualité français-anglais issus de son héritage colonial. Des programmes visant à valoriser le français et les valeurs auxquels les québécois peuvent s’associer pourraient selon moi changer la donne dans une société ou l’anglais est la norme.