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La Cour suprême corrige le gouvernement Harper - Isabelle "Germain"

 

 

En septembre dernier, la Cour suprême du Canada rendait sa décision à l’effet que le centre d’injection supervisé « Insite » pouvait continuer à se prévaloir de l’exemption à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances du Code criminel lui permettant d’offrir ses services aux toxicomanes.  Brièvement, rappelons que ce centre de santé, créé en 2003 par le gouvernement libéral et financé par les deniers publics, donnait suite à un grave problème de surdoses et d’épidémies du VIH, du Sida et de l’hépatite C dans le Downtown Eastside de Vancouver, un quartier ravagé par la pauvreté et la toxicomanie. Ce lieu permet donc aux consommateurs de substances intoxicantes injectables de s’administrer leur drogue dans des conditions salubres et sécuritaires, sans craindre la police.

 

Le gouvernement conservateur, désireux de faire fermer ce centre, avait décidé en 2008 de ne pas renouveler l’exemption à la loi prétextant que ce type de lieu encourage la dépendance aux drogues et va à l’encontre de son plan de répression de la criminalité. Cependant, la cause portée devant la Cour suprême par le gouvernement fédéral, était finalement rejetée. 

 

Cette décision apparaît d’abord comme une grande victoire des droits fondamentaux. Selon la Charte canadienne des droits et libertés, tous les citoyens ont droit à la vie, à la liberté et à la sécurité. Par cette décision de la Cour Suprême, les droits garantis par notre charte ont été préservés. Plus spécifiquement, il a été reconnu que ce centre offre des services de santé essentiels. Ainsi, sa fermeture aurait contrevenu à la charte en empêchant les utilisateurs de drogues injectables d’avoir accès à des services de santé, mettant par le fait même leur vie et leur santé en danger. Il faut garder à l’esprit que l’individu qui est aux prises avec une dépendance aux drogues est avant tout une personne en détresse qui nécessite des soins. En tant qu’état constitutionnel, nous ne pouvons refuser de prendre soin de la vie de quiconque sous prétexte que l’on désapprouve leur style de vie. 

 

Qui plus est, le gouvernement Harper, dans sa lutte contre la problématique de dépendance aux drogues, rejète le caractère essentiel du principe de la réduction des méfaits. Comme société, nous devons reconnaître que la toxicomanie constitue un problème de santé publique, et non simplement un problème relié à une décision personnelle de la personne qui fait usage de la drogue. Nous ne pouvons donc nous  limiter à l’adoption d’une approche strictement répressive en punissant les comportements inadéquats des consommateurs.  La prise en charge du fléau social que constitue la toxicomanie exige des mécanismes de réduction des préjudices des personnes qui en souffrent. En effet, considérant qu’une société exempte de drogues et de personnes qui en abusent est totalement utopique, nous avons le devoir d’adresser les effets néfastes qu’engendre cette problématique. C’est exactement dans cette veine qu’agit un centre d’injection supervisée. Par exemple, « Iniste » aurait permis de faire chuter d’un tiers la taux de mortalité par surdose, et contribuer à réduire la taux d’infection au VIH et à l’hépatite. Cette décision de la Cour suprême se présente donc comme une grande victoire dans la reconnaissance de l'approche de la réduction des méfaits, dans un contexte où le gouvernement au pouvoir prône d’abord et avant tout une approche répressive des enjeux sociaux tel que la criminalité et la toxicomanie.

Par ailleurs, cette même décision confirme la séparation nette entre l’exécutif et le judiciaire au sein de notre état de droit. Si certains s’inquiétaient de l’indépendance de ces deux composantes, la décision rendue dans le dossier « Insite » s’avère rassurante. En refusant de renouveler l’exemption à la loi, le gouvernement Harper tentait d’empiéter sur les compétences du gouvernement provincial de la Colombie-Britannique en matière de santé, mais heureusement, il a été rappelé à l’ordre. La ministre fédérale de la santé, bien que déçue, se voit désormais contrainte d’obtempérer et de faire appliquer la décision de la Cour suprême, celle qui se charge de poser un verdict sur les grands débats juridiques et sociaux. Cette dernière aura de nouveau démontré qu’elle jouit d’un énorme pouvoir sur notre société canadienne.

 

Cependant, au cours des prochaines années nous serons confrontés à la retraite de plusieurs juges de la Cour Suprême.  La nomination des prochains juges s’effectuera donc dans un contexte où le gouvernement Harper est majoritaire.  Il aura ainsi le plein pouvoir sur la sélection des juges les plus influents au pays. Avons nous à craindre d’une prise de pouvoir indirecte de la Cour suprême par l’idéologie conservatrice de ce parti?  Les jugements qui en découleront nous le dirons. 

Isabelle Germain

 

Commentaires

  • Bravo encore Isabelle pour oser un commentaire public sur une question d'actualité pour faire voir des principes d'administration publique concrets.
    N'oublions pas de s'assurer une copie-papier dans les cahiers réservés à cette fin.
    Ceci s'applqiue aussi pour les "commentateurs" de Isabelle.
    Et bientôt ...de la correction, au sens d'examen de la copie !
    Prof - dimanche le 23 octobre

  • Avec un peu voire beaucoup de retard! j'aurais voulu avoir une précision sur votre article, le blog est il toujours d'actualité ? Merci de répondre à mon commentaire!

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