Plaidoyer pour une approche législative par rapport à l’environnement- Blog 2 -Louis Jean (Mtl)
Pleurer en regardant des images de paysages parsemés d’ordures et d’oiseaux qui baignent dans le pétrole peut certainement augmenter notre lien affectif pour l’environnement. On doit admettre que le traitement qualitatif de la problématique environnementale par les écologistes a permis de conscientiser le grand public, ce qui constitue un premier pas nécessaire vers l’atteinte de solutions. Par contre, stagner à cette étape préliminaire empêche une prise de décision rationnelle qui nécessite un traitement quantitatif et la reconnaissance de nos impacts réels sur l’environnement. Dans la vaine attente que ces faiseurs de bonne conscience quittent l’espace public, on ne peut qu’espérer que des lois restrictives viennent remettre un peu de tonus dans la lutte contre les problèmes environnementaux. Petit état des lieux sur notre rapport à l’environnement.
La notion de progrès semble être inhérente à la nature humaine, et force est de constater que nous ne sommes pas à la veille de s’en défaire. Malheureusement, les sociétés modernes entrevoient toujours le progrès en terme de sécurité matérielle, alors que cette dernière a été depuis longtemps atteinte. Ainsi, le rêve américain de l’accumulation de matériel est devenu la raison d’être de la planète entière, même si la « fin de l’histoire » semble mener tout droit vers le cataclysme environnemental annoncé. Il est compréhensible que cette situation prévale dans les pays en développement, mais qu’en est-il en occident? Alors que nous sommes en pleine sortie de crise économique, tous les yeux sont rivés sur le taux de consommation des ménages, principal moteur de notre économie. Lorsqu’on apprit que le capitalisme serait sauvé à grands coups de plans de relance, on redécouvrit à quel point on était attaché à notre pouvoir d’achat, qu’on tenait alors pour acquis. Fiou… on l’a échappé belle! Un peu plus et les 20 sacs écologiques qui traînent dans le placard n’auraient plus servis à rien.
Mon point est le suivant : le discours des écologistes et leur approche par rapport à l’environnement n’ont aucunement altéré notre conception du progrès et notre propension à consommer. Même aujourd’hui, il serait mal venu de proposer des actions politiques qui considèrent le lien entre l’augmentation de la consommation et la dégradation de l’environnement. Et si l’augmentation de la consommation des ménages n’est pas à la veille de diminuer, on est encore plus loin du but au niveau international. Pourquoi un pays accepterait-il d’abandonner le principe de croissance perpétuelle au profit de sa compétitivité? Pour faire accepter aux Chinois de restreindre leur développement économique, les chansons d’écolos et les larmes d’ours polaires pèseront peu dans la balance. Quand les instances internationales commenceront à parler de limiter la croissance par des accords et des lois, on saura qu’un véritable virage s’est amorcé.
Après des années de conscientisation écologique, non seulement nous ne sommes pas prêts à remettre en cause le phénomène de consommation qui se trouve à la base des problèmes environnementaux, mais nous ne sommes toujours pas prêt à faire des compromis significatifs. Prenons l’exemple du transport aérien, qui contribue énormément aux changements climatiques puisque l'avion émet en moyenne 19 fois plus de gaz à effet de serre (GES) que le train et 190 fois plus que le transport maritime. Bien qu’il soit aujourd’hui bien vu pour un écolo d’utiliser son vélo pour se déplacer en ville, on peut difficilement s’imaginer que ce dernier renonce à son voyage de croissance personnel annuel en Inde ou au Chiapas, ou qu’il décline une offre de stage à l’étranger par considération environnementale. Pourtant, un simple aller-retour en Asie équivaut aux émissions d'une petite voiture pendant deux ans! Malgré les apparences, nos compromis restent souvent bien superficiels, même ceux des écolos qui vivent sur le plateau et qui mangent bio.
Il en va de même pour toute la société, et il serait difficile de faire porter le blâme à quelqu’un en particulier. Alors que toutes les politiques, les ministères et les entreprises s’ouvrent à l’international, est-on vraiment prêt à sacrifier ces opportunités, sachant que notre pays est basé sur les échanges commerciaux et fortement dépendant de la mondialisation? À plus petite échelle, est-ce que, par conscience environnementale, les enseignants seraient prêts à diminuer la quantité de photocopies qu’ils font pour leurs élèves, au profit de la qualité de leur enseignement? Et quant aux millions d’immigrants canadiens, seraient-ils prêts à sacrifier des voyages dans leurs pays d’origine pour diminuer leur emprunte écologique? Comme on peut le constater, nous n’en sommes pas encore rendus à faire des compromis environnementaux significatifs et il est peu probable que l’approche sentimentale adoptée par les écologistes nous amène volontairement à emprunter ce chemin dans le futur.
Ainsi, au rythme où vont les choses, de plus en plus de lois en matière d’environnement devront être adoptées au cours des prochaines décennies. Le Québec a déjà fait savoir qu’il adoptera une loi pour obliger les constructeurs automobiles à restreindre les émissions des nouveaux véhicules. La prochaine étape sera d’en appliquer d’autres qui toucheront directement les consommateurs. Évidemment, cette approche légale a un pouvoir d’action et un potentiel beaucoup plus grand que n’importe quelle action volontaire. À terme, ces lois n’auront d’autres choix que de limiter nos libertés individuelles de façon significative. Elles sonneront la fin de la récréation, que vous soyez écolo ou non.
Le problème des écolos
Actuellement, la ferveur écologique se concentre surtout au niveau des choix individuels et de la sensibilisation. La cofondatrice d’Équiterre, Laure Waridel, nous rappelle que nous pouvons changer le monde un achat à la fois. Et à en croire les disciples d’Équiterre, de véritables ayatollahs ayant transformé un problème physique et concret en phénomène spirituel, la conscientisation est bien plus importante que les résultats concrets. Quelqu’un aurait pu utiliser les heures qu’il a consacrées à trier méthodiquement la boîte de recyclage à meilleur escient, comme d’instaurer un système de recyclage dans son milieu de travail? Peu importe! Ce qui compte, c’est l’intention, pas les résultats. Et sachez que laver la vaisselle pendant que la maison brûle, c’est pas si mal que ça : c’est gentil et c’est une activité sociale. On peut même se faire des amis et partager de belles valeurs.
C’est d’ailleurs cette approche qui a permis la montée en puissance du greenwashing dans nos sociétés. Ainsi, la pétrolière Shell peut aujourd’hui diffuser des annonces où on voit fleurs qui s’échappent de dizaines de cheminées d’usines, sans provoquer de tollé. Louez une voiture Chrysler et on vous donnera une bouteille écologique! En instaurant un système où les actions sont jugées par leur niveau de gentillesse et de bonne conscience, les écolos ont ouvert la porte aux pires pollueurs de la planète, qui peuvent eux aussi très bien jouer le jeu. Remarquez que les écolos eux-mêmes utilisent l’environnement pour servir leurs propres intérêts. Ainsi, chaque deux ans, les étudiants de la maîtrise en environnement de l’UQAM se paient un voyage en Amazonie, dans le cadre d’un cours crédité. Faites le calcul de tonnes de gaz carbonique dépensé, et vous serez surpris d’apprendre que ces étudiants ne se cachent même pas pour dire qu’il s’agit d’un beau prétexte pour se payer un voyage de quelques semaines sur une pirogue au Brésil.
Or, la première étape pour arriver à faire passer des lois restrictives sur l’environnement est que les gens commencent à assumer la quantité de pollution qu’ils génèrent. Pour ce faire, nous devons inculquer à la population une approche plus rationnelle et globale, basée sur des chiffres. De cette façon, il est possible de réaliser que nos moyens d’action et nos ressources sont limités et de favoriser une coordination par priorité. En ce moment, doit-on préciser que la gestion de l’argent dédié l’environnement, surtout en ce qui a trait aux dons de la population, est pour le moins anarchique et s’effectue de façon purement émotionnelle? En fait, ce changement de mentalité s’effectuera de lui-même lorsque la population prendra conscience de la gravité de l’enjeu. Si notre pays était menacé par les missiles d’un pays ennemi, nous adopterions précisément ce processus. Ce serait un processus rationnel dans lequel nous identifierions nos ressources, nos options et l’ordre de priorité. Et si notre réaction devait contraindre la population, je doute que ce serait de façon volontaire.
Plusieurs analogies peuvent être faites entre le comportement des personnes et les actions des pays. En ce qui a trait à l’environnement, les difficultés seront de l’ordre de celles de la thérapie personnelle, où on apprend à lutter contre notre nature profonde. Car contrairement aux chimpanzés, les humains naissent égoïstes. C’est par contre ce qui donne toute la complexité à la nature humaine, complexité qui rend la vie plus amusante. Mais il viendra un temps où cette partie ne sera plus jouable; il faudra alors nous contraindre par des lois et des mécanismes de restriction.