Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

I.Michon : Légalisation de l'euthanasie

 

La légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté : la société serait prête à un débat…

Bien que la Constitution reconnaisse l’utilisation du code civil au Québec, le code criminel dépend de la juridiction du gouvernement canadien. Cependant, certaines applications de lois relevant du code criminel sont de compétences provinciales. Le Québec se retrouve souvent entre l’arbre et l’écorce, car comme dans tout pays démocrate, les élus du Québec doivent aussi écouter leur peuple. Ainsi, les pressions provenant de toutes parts risquent de mettre les projets de lois, présentés au fédéral, aux oubliettes. Je pense que ce fut le cas pour le projet de loi C-384 sur la légalisation de l’euthanasie et le suicide assisté. D’une part, je démontrerai que l’histoire est remplie de cas portant sur l’euthanasie, au Canada comme ailleurs. Ensuite, je donnerai des exemples sur les pays qui ont déjà légalisé soit l’euthanasie, soit le suicide assisté. D’un autre coté, j’expliquerais comment notre province se retrouve dans une impasse par la confusion des compétences entre les deux états et par les pressions exprimées par certains groupes.

L’euthanasie a longtemps été comparé à de l’eugénisme, qui pourtant, signifie le contraire, les bonnes naissances, ou bons gènes contre les bonnes morts. Mais l’euthanasie pratique ou eugénique persista jusqu’au milieu du dernier siècle et toucha les plus vulnérables de la société, les handicapés, les malades, ou les trop vieux. Plusieurs des grandes civilisations, tels les É-U-A, la Finlande ou l’Allemagne, ont pratiqué diverses formes d’épuration de leur peuple, des pays qui pourtant, se targuent de posséder une Charte des Droits de l’Homme. Toutefois, certaines formes d’euthanasie miséricordieuse, ou compassionnelle, firent aussi leur apparition il y a quelques siècles.

Pasteur, le père de la médecine moderne, a lui-même euthanasié six russes souffrants d’atroces douleurs dû à la rage, sans possible soulagement. En collaboration avec le pharmacien en chef de l’hôpital, l’équipe médicale leur a administrés, à leur demande, des médicaments provoquant leur mort. Ainsi, différentes pratiques se sont rependues en marge des lois, et plusieurs associations pour le droit à mourir dignement ont vu le jour.

La réalité de la souffrance en fin de vie a forcé le gouvernement du Canada à se pencher sur la question, et un comité spécial du Sénat sur le sujet a produit en 1995 un rapport final. Le développement des soins palliatifs a permit de répondre à une partie des demandes de la population et l’euthanasie passive a été légalisé. Ainsi, celle-ci se définit par le refus de traitement ou par l’arrêt de l’acharnement thérapeutique. Toutefois, depuis une vingtaine d’année, les rares cas de demandes d’euthanasie actives ou de suicide assisté ont tous fait la une de l’actualité. En 1993, Sue Rodriguez, commençait une longue bataille juridique, car souffrante d’une maladie incurable, elle désirait mourir dignement. Elle réussit en 1994, sans autorisation légale, à se suicidé, avec l’aide d’un médecin et en présence d’un député fédéral. Son cas n’a pourtant pas supporté la cause. En effet, Manon Brunelle, en 2004 a aussi fait les demandes et s’est vue refuser son droit à une mort digne. Elle s’est finalement exilée en Suisse pour y remédier. Son exemple est le plus connut de la population car un documentaire a survécu à son histoire.

Comme la Suisse, plusieurs pays ont déjà mise en place des lois pour encadrer cette réalité. Alors que la seule différence réelle entre l’euthanasie active et la suicide assisté provoque une discrimination sur la capacité ou non du requérant à tenir un cocktail de médicament, aucun des pays n’a autorisé les deux méthodes. En effet, si la Suisse et certains états américains comme l’Oregon, permettent, sous certaines conditions, le suicide assisté; la Belgique et les Pays-Bas, n’autorisent que l’euthanasie active. La France vient aussi de clore, ou reporter, le débat sur la question en refusant une nouvelle fois la légalisation de l’une ou l’autre des pratiques de fin de vie digne sur son territoire.

La mondialisation a quand même c’est avantage dans les exemples qu’elle propose aux pays se questionnant. La Belgique, premier pays à avoir légalisé l’euthanasie active en 2002, a déposé son premier bilan en 2008. La pratique étant offerte autant au malade incurable de fin de vie que ceux ayant encore de longues années de souffrances. D’une initiative si audacieuse, les objectifs sont en grandes parties atteints. La but de leur dépénalisation étant de respecter la volonté de malades, elle visait aussi à mettre fin aux pratiques clandestines qui n’offraient pas des conditions humaines. Les craintes d’abus se sont révélées illusoires grâce à la transparence des démarches judiciaires. L’âge avancé n’a pas été un facteur favorisant l’euthanasie car 50% des cas avaient lieu entre 40 et 79 ans. De plus, les malades devaient effectuer des visites régulières à leur médecin durant la démarche, ainsi le tourisme de cette pratique ne s’est jamais répandu. Enfin, malgré des limites médicales très étroites et restrictives, le bilan de la Belgique a permit de rendre compte de l’application d’une éthique laïque de liberté, de responsabilité et de solidarité.

Pour le Canada, la légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté a aussi fait partie des possibilités. Une loi modifiant le code criminel, pour le droit de mourir dignement, a été proposé à l’automne 2009. Une première version, le projet de loi C-407, appuyé en première lecture en 2005 émanait d’une députée du Bloc Québécois, Francine Lalonde, avait mis de coté à cause du déclanchement des élections fédérales. Sa deuxième tentative, en octobre dernier, avec la version C-384 a remit le sujet dans l’actualité. Les deux projets sont similaires et ne se différencient que par la notion que l’aide d’une personne, dans le 1er, se transforme en l’aide d’un médecin, dans le 2ème, pour mettre fin à la vie d’un malade incurable ou souffrant. Celui-ci ne doit pas être obligatoirement en fin de vie, et les projets proposent un délai de réflexion de 10 jours entre deux attestations de consentements. Le but étant de modifier le code criminel du Canada, dans ses articles 14, 222 et 241. Puisque le droit au suicide et le droit de refus de traitement est reconnu, certains réclament le droit de transférer ce droit au suicide à une tierce personne.

Le Canada est un état de droit, dont les règles régissent le fonctionnement du pays, mais le Québec l’est aussi et peut promulguer ses propres lois. Les limites des compétences entres ces deux états sont souvent floues. L’administration québécoise ne peut que s’adapter légèrement à sa population car sa démocratie est limitée. En effet, les décisions du pouvoir législatif de la nation dépendent entre autres de fenêtres d’opportunités. Seulement, si celles-ci sont formées de courants s’opposant, entre un problème de notre société québécoise et des orientations canadiennes, ces ouvertures restent des illusions optiques de possibilités. Car le Canada est différent, les traditions anglo-canadiennes sont de réputations plus puritaines et religieuses que celles de nos concitoyens québécois. Leur rôle paternaliste envers leur société vient s’opposer au notre, plus libéral ou le public choice conditionne les intérêts de notre société.

Ainsi, nos élus québécois se retrouvent entre le marteau de sa population et l’enclume, dure et inflexible, du gouvernement canadien. Car le Québec est prit avec les différents groupes de pressions. Le groupe sociopolitique ayant le plus de puissance, est bien sur le Collège des médecins du Québec. Présentant un document de réflexion sur les soins appropriés et le débat sur l’euthanasie en octobre dernier, le CA s’appui sur un groupe de recherche en éthique clinique se penchant depuis deux ans sur la question et sur un sondage interne, d’une démocratie de représentation plus exemplaire que nos élections municipales. La conclusion, sans divulguer de solution précise, reste éloquente : les mentalités ont évolué, les responsabilités de tous les acteurs doivent être incluses dans un processus décisionnel et surtout, le Collège des médecins du Québec invite ses membres, la population et les autorités à pour suivre le débat. La publication de ce document a représenté une excellente stratégie de pression pour les diverses associations qui militent au pays pour le droit à une mort digne.

 

Ensuite, les journaux ont reprit le refrain, tel le journal La Presse, qui a publié deux sondages sur le sujet, l’un août, l’autre en octobre dernier. Un résultat de plus de 80% dévoile que la population québécoise est favorable à la légalisation de l’euthanasie, sous conditions que le malade soit condamné par la médecine. Une décision commune du médecin et de la famille si le malade n’est pas lucide ne fait chuter le sondage que de 10%, mais reste élevé si le malade l’avait spécifié avant de perdre celle-ci. Un sondage identique, de 1990 du même journal, dévoilaient les mêmes résultats, et vient ainsi souligner le fait que la population n’a pas changé d’avis.

Ainsi, la population québécoise semble prête à commencer le débat, car même si le droit à la vie est légal et même admit de tous, celui du droit à la mort est encore interdit et reconnut comme un meurtre. Les prochaines années seront replies des baby-boomers, de générations X et Y qui tiennent à leur qualité de vie, et donc de mort. La légalisation de l’euthanasie active et du suicide assisté viendra avec le temps, car 2010 est l’année ou la santé sera le sujet de l’actualité. Peut importe notre nation, notre race, notre sexe, avoir une bonne santé est le principal souhait formulé par la population québécoise. Le gouvernement québécois devra enlever ses ornières et celles de ces amis canadiens. Une petite réforme du Sénat aiderait probablement le Québec, soit à adapter plus facilement les lois à sa réalité, soit, à prendre son envol.

Isabelle Michon

Référence :

· Mourir dans la dignité? Soins palliatifs ou suicide assisté, un choix de société. 2008, Les Presses de l’Université Laval

· L’euthanasie, Aspect éthiques et humains, 2003, vol 1, Éditions du Conseil de l’Europe

· Rapport final du comité du Sénat, 1995 :

http://www.parl.gc.ca/35/1/parlbus/commbus/senate/com-f/euth-f/rep-f/lad-f.htm

· Projet de loi C-384

http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3895681&Language=e&Mode=1&File=24

· Bilan sur l’euthanasie active en Belgique :

http://www.amub.be/rmb/article.php?id=477

· Document de réflexion du Collège des médecins du Québec

http://www.cmq.org/fr/public/profil/commun/Nouvelles/2009/~/media/AED768B8F3D94A119ED32B787EDE6259.ashx?110905

 

Commentaires

  • Petit commentaire personnel:
    Lorsque j'ai mentionné mon sujet de blog a une bonne amie, elle m'a avoué qu'un de ses proches venait de se faire euthanasier:
    " Mister X souffrait d'un cancer en phase terminal, n'était que peu souvent lucide et conscient, mais assez pour crier qu'il ne voulait pas mourir. Ses doses de morphines aux heures ne soulageaient pas ses douleurs. Le médecin aurait alors proposé à son épouse de mettre fin à ses souffrances. Il est mort d'une injection mortelle de morphine, entouré de sa famille chantant des cantiques religieux..."

    Mon amie aurait aimé qu'il existe des lois pour protéger son proche, ou lui suggérer des médicaments qu'il aurait prit lui-même.
    Cette histoire est arrivée il y a un mois dans la région de Montréal...
    Nous sommes la voix du peuple, nous avons la chance d'être née ou de vivre dans une démocratie, alors rappelons-le à nos élus.

Les commentaires sont fermés.