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  • Austérité vs Croissance: Existe-t-il un juste équilibre ?

     

    Les deux notions d’austérité et de croissance sont devenues au cours de ces dernières années les leitmotivs de la quasi-totalité des gouvernements occidentaux, y compris celui du Québec. La crise économique et financière de la fin des années 2000 dont l’origine est l’éclatement de la bulle spéculative sur le marché immobilier américain n’a fait qu’exacerber les craintes des gouvernements et a plongé, non seulement les États-Unis, mais le monde entier dans une nouvelle ère.

    Beaucoup d’économistes s’accordent à dire que c’est la plus importante crise depuis la récession des années 1930. Ce n’est donc pas le fruit du hasard que tous ces gouvernements rivalisent d’ingéniosité et de créativité pour faire passer l’amère pilule de l’austérité budgétaire à leurs populations. Certains maquillent la réalité, d’autres s’inventent de nouvelles terminologies économiques et les gouvernements les plus performants osent même la franchise avec leurs peuples.

    Mais qu’en est-il exactement de ces deux notions d’austérité et de croissance? Peuvent-elles cohabiter? Existe-t-il un équilibre entre les deux?

     

    Arrêtons-nous d’abord sur deux définitions que je considère d’une éloquence et d’une simplicité extraordinaire.

    La croissance 

    La croissance économique n’est pas un luxe, moins encore une idéologie. Elle est à la base du pouvoir d’achat : sans elle, le cycle de la dette devient infernal et  le chômage s’accroit. C’est un cycle bien connu qui conduit à la récession, au chômage et à l’appauvrissement. Pour y arriver, deux moteurs sont indispensables : l'avion a besoin de deux ailes pour être stable, la consommation et l’investissement.[1]

    L’austérité

    L’austérité est d’un ordre différent : pour reprendre l’exemple de l’avion, il ne faut pas que ses soutes soient tellement lourdes qu’il ne puisse pas voler. Or c’est là que la plupart des pays occidentaux, et européens sont en difficulté.[2]

    Toute politique d’austérité tourne autour de trois axes :L’endettement, la réduction des dépenses publiques et la croissance des recettes fiscales. 

    Au Québec, si l’on croit le gouvernement actuel, la situation économique n’est guère reluisante. Le gouvernement Couillard s’est mis au diapason du gouvernement fédéral. Il s’est fixé l’objectif de récupérer quelque cinq milliards de dollars sur deux ans à même les fonds publics.  Leurs détracteurs parlent d’improvisation et d’une vision purement idéologique.

    Dernièrement, le gouvernement du Québec est passé à la vitesse supérieure en proposant plusieurs projets de loi, dont les, non moins, controversés projets de loi 03 et 10. Le gouvernement réitère sans cesse que son objectif est le déficit zéro en 2015-2016. Toute la machine gouvernementale est lancée à plein gaz pour l’atteinte de cet objectif.

    On assiste au Québec à un raz-de-marée de coupes budgétaires, de restructurations et autres promesses de compressions dans la fonction publique. Aucun ministère ne risque d’échapper à ces turbulences. Cette semaine le gouvernement annonce même des coupures dans l’aide sociale aux plus démunis.

    D’autre part, le gouvernement libéral s’est engagé à créer 250 000 emplois en 5 ans, dont 31 000 en 2014. Est-ce réalisable ? La politique d’austérité n’est-elle pas synonyme de frein à la création d’emploi?

    Pour y répondre, on n’a qu’à jeter un coup d’œil sur la situation des pays qui ont pris de « l’avance » en matière de politiques d’austérité budgétaires.

    La Grèce est sans doute le pays qui a subi la politique d’austérité budgétaire la plus sévère et surtout la plus longue (huit plans de rigueur depuis 2009). Cette politique s’est manifesté pas des mesures draconiennes (licenciement de fonctionnaires, gel des retraites, baisse des salaires, hausse des taxes sur la consommation…). Résultat des courses : L’économie grecque est toujours au ralenti. Le marasme social a atteint son apogée. Le chômage et la fuite des cerveaux ont atteint des seuils endémiques.

    L’Irlande, à son tour,  a suivi une cure d’austérité de quatre ans et a négocié, en 2010, un plan d’aide de 85 milliards d’euros avec l’Union européenne et le FMI sous conditions de coupes budgétaires et une hausse significative de sa fiscalité. L’application de ce plan de rigueur par l’Irlande  fut suivi à la lettre. Ce qui s’est fait ressentir sur sa croissance. Ce qui a obligé l’Irlande à corriger le tir et a consacré une partie des fonds à la relance économique. Chose faite, l’Irlande est en train de réussir son pari de revenir sur les marchés.

    Historiquement, l’exemple le plus significatif est incontestablement celui de l’Allemagne. En 1990, l’Allemagne adoptait déjà l'austérité en supprimant certains revenus afin de renforcer ses propres exportations, les Allemands consommaient moins, vendaient plus et donc s'enrichissaient. Les syndicats allemands se sont engagés dans une politique de modération salariale délibérée que peu de pays en Europe sont parvenus à suivre. Le coût unitaire de la main d’œuvre est resté presque constant depuis 2000, alors qu’il a augmenté chez tous les autres pays. Les dirigeants politiques, les élus, ont refusé de s'accorder une augmentation de salaire pendant 12 ans. Cette politique d’austérité a permis à l’Allemagne de prospérer davantage. Au même moment les autres pays européens dépensaient librement et accumulaient des dettes.

    Ces exemples nous démontrent clairement que l’austérité et la croissance ne font pas systématiquement bon ménage. Les moyens d'y parvenir ne font pas l'unanimité.

     

    Le Québec va-t-il se contenter de prôner l’austérité budgétaire dans le seul but d’équilibrer ses comptes ? Le gouvernement Québécois pourra-t-il, comme l’Allemagne, se convaincre et  convaincre toutes les parties prenantes de son économie de faire des sacrifices supplémentaires ? Va-t-il tenir compte des effets d’une telle politique sur la société et sur les franges les plus vulnérables ?

    Malheureusement, la conjoncture actuelle donne de plus en plus raison aux détracteurs des politiques d’austérité. Joseph Stiglitz [3]affirmait au quotidien le Devoir[4] :

    Nous savons pourtant, depuis la Grande Dépression, que l’austérité ne fonctionne pas. Le Fonds monétaire international [FMI] en a refait la démonstration plus récemment [lors des dernières crises monétaires] en Amérique latine et en Asie, et c’est à nouveau le cas actuellement en Europe. Ce qui est stupéfiant, c’est qu’autant de dirigeants politiques continuent malgré tout d’appuyer ces politiques discréditées, même si des voix aussi conservatrices que le FMI leur disent aujourd’hui que leur austérité est dangereuse et qu’il faut s’occuper de toute urgence de stimuler l’économie. C’est comme si les gouvernements avaient cessé d’écouter.

     

    Yacine Foudil

     



    [1]  Georges Ugeux «Croissance et Austérité: le faux débat» http://finance.blog.lemonde.fr/2012/05/01

    [2] Georges Ugeux «Croissance et Austérité: le faux débat» http://finance.blog.lemonde.fr/2012/05/01 

    [3] Prix Nobel d’économie en 2001

    [4] Le Devoir, Edition du 13 avril 2013 : Le Devoir rencontre Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie - L’austérité, quelle idée toxique!

     

     

     

  • Est-ce une simple brise ou un réel vent de changement qui se manifeste…

    Dans les dernières semaines, vous avez probablement entendu parler du nouveau livre de Mélanie Joly intitulé, « Changer les règles du jeu » ainsi que du reportage de Me Guy Bertrand, « Le nouveau Québec » qui sera présenté prochainement, en octobre 2014. Selon leurs visions respectives, ils veulent définir de nouveaux modèles de gouvernance et susciter des réflexions sur des projets de société. Est-ce que notre système électoral actuel qui est souvent critiqué, la représentativité par seulement deux principaux parties politiques et la reddition de compte permettent vraiment la réalisation des engagements qu’exige la gouvernance d’un état.

    Dans un environnement en continuel changement ou les outils technologiques ont évolué sans précédent, on peut se demander pourquoi les institutions législatives et le modèle de gouvernance politique n’ont pas évolué beaucoup depuis bien des années… À qui cette stagnation peut-elle servir? Pourquoi le seul mot démocratie justifie l’immuabilité du système actuel? Sommes-nous dans une réelle démocratie ou plutôt une « corpocratie »? On remarque qu’avec les événements comme le scandale des commandites au niveau fédéral, les divulgations de corruptions, les malversations des dernières années et ajouter à cela, les évidentes brèves dans nos systèmes de gouvernance du secteur public, qu’il deviendra impératif très prochainement que les institutions publiques s’adaptent et deviennent des organisations apprenantes plutôt que stagnantes. 

    Voici quelques éléments qui sont étroitement reliés et qui font que le système actuel va atteindre sa limite de légitimité auprès de la population. Dans un premier temps, le système d’élection aux 4 ans et les plates-formes électoralistes des parties politiques, le peu de parties politiques d’envergure, la solidarité ministérielle absolue et le mode de scrutin sont des éléments à analyser afin de redonner une crédibilité et une réelle application d’une démocratie participative.

    Depuis un bon moment, notre mode de scrutin est remis en question puisque le partie au pouvoir n’est pas toujours le partie qui a obtenu le plus de votes au suffrage universel. Cet élément met en cause une stratégie d’élection par partie prenante, plutôt que de miser sur la volonté universelle. Nous n’avons qu’à regarder les promesses électorales qui vont s’adresser à des groupes d’intérêts ciblés comme par exemple des segments de population (aînés, jeunes, femmes, etc.), à des syndicats ou encore des politiques qui plairont aux patronats. Cette stratégie électoraliste vient dénaturer les enjeux et elle biaise les priorités ou encore viennent à l’encontre du bien-être collectif et d’un développement objectif de nos institutions et société. Plus souvent qu’autrement, c’est de l’opportunisme électoral.

    L’autre élément questionnable est le peu de partis politiques qui réussissent à percer l’électorat ou plutôt d’obtenir un siège à l’Assemblée nationale, ce facteur vient limiter le rapport de force et restreindre les options donc teinter les décisions trop souvent en fonction des gains électoraux. Sans vouloir généraliser, l’opinion publique est assez désillusionnée face aux décisions politiques, « c’est du pareille au même ». Le fait de limiter les partis politiques et opinions, il est évident que les décisions sont unilatérales et idéologiques en fonction du parti politique au pouvoir. Un bon exemple pour illustrer cette idée est le registre des armes à feu dont le Québec voudrait conserver pour des raisons de sécurité, mais une autre idéologie politique veut éliminer ce registre… Est-ce pour le bien-être collectif? Au-delà des contraintes constitutionnelles dans ce cas précis sur laquelle argumente le parti conservateur voulant éliminer le registre, n’y a-t-il pas le gros bon sens qui devrait primer pour cette question? 

    Pour conclure, il est intéressant de voir plusieurs intervenants réagir et proposer des alternatives afin de renouveler la gouvernance de l’état et la façon d’appliquer la démocratie. Il y a d’autres intervenants qui choisissent le statu quo où encore d’accorder toute la crédibilité des démarches législatives actuelles sur un mot « démocratie ». Il est grand temps d’agir puisque légitimité légale ne sera plus garantie puisque la légitimité morale souffre énormément depuis bien des dernières années. À quand une réelle gouvernance basée sur l’avancement de la société dans un souci de bien-être collectif plutôt que le bien-être corporatif?